Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’Etat au Budget s’étonne que les crédits d’impôts alloués à l’époque aux entreprises via le CICE soit décriés alors qu’il a permis la création d’emplois, tandis que les nouvelles réductions de cotisations sociales dont on parle peu coûtent deux fois plus cher à l’Etat.
Par Christian Eckert
Le C.I.C.E a été l’outil utilisé à partir de 2013 par les gouvernements de François Hollande pour soutenir l’économie et l’emploi qui en avaient alors grand besoin. Beaucoup ont regretté que cette aide aux entreprises ne soit pas soumise à des « contreparties ».
D’aucuns auraient voulu que le CICE soit réservée à des secteurs d’activité précis. D’autres que les entreprises qui licencient en soient privées. Certains qu’elle ne soit accordée qu’en échange de « verdissement » de l’activité industrielle… Bien des conditions ont été évoquées : niveau minimum des salaires, plafonnement des dividendes versés, exigences de formation, limitation des hauts revenus… Autant de critères respectables.
Crédit d’impôts
Le choix du gouvernement de l’époque a été d’attribuer cette aide sous forme d’un Crédit d’impôts, calculé en pourcentage des salaires inférieurs à 2.5 SMIC. TOUTES les entreprises soumises à l’Impôt sur les sociétés y avaient donc droit en vertu du sacro-saint principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.
L’avantage (énorme parce que l’Etat était impécunieux) était de reporter d’un an pour l’Etat le manque à gagner (s’agissant d’un impôt payé après l’exercice). Un autre était d’éviter le labyrinthe de règlementation et la complexité souvent reprochés à nos lois. L’inconvénient était « d’arroser » trop large : Auchan, La Poste, Bridgestone… ne sont que quelques exemples qui posent à l’évidence question.
Des études diverses ont tenté de trier parmi les emplois créés ou préservés ceux que l’on doit au CICE. En quatre ans, la France a enregistré une augmentation d’emplois d’un peu moins d’un million. Qu’en aurait-il été sans le CICE ? Moins, c’est certain. Mais combien ?
Pour l’Etat, le CICE c’était 20 milliards PAR AN… d’impôts sur les sociétés perçus en moins !!! C’était beaucoup. Le Président Macron et sa majorité ont donc rapidement supprimé le CICE. Enfin, pas vraiment. Ou plutôt, ils l’ont réformé. Ou plutôt, ils l’ont remplacé. Sans bruit, sans trop en parler.
Ils ont fait… la bascule
Au lieu de percevoir 20 milliards par an de moins d’impôts sur TOUTES les sociétés, calculés sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, ils ont réduit les cotisations sociales de 20 milliards sur TOUS les salaires pour toutes les entreprises. Cela ne change rien en volume, mais cela modifie un peu la répartition (en favorisant au passage les banques et les grandes entreprises…). Au lieu de 20 milliards de moins de recettes pour l’Etat, c’est 20 milliards de moins de recettes directes pour la Sécu. Une façon de la présenter encore plus fragile, même si, au bas de la colonne, pour le déficit public cela revient au même.
Pire encore, en 2019, l’Etat a subi la perte de recettes deux fois… 20 milliards du CICE accordée sur l’exercice 2018 pour l’Etat et 20 milliards de cotisations sociales qui devaient être payées au fil de l’eau à la Sécu. Soit 40 milliards en tout !
La communication
Autant le CICE (20 milliards par an), bien que bénéficiant à toutes les entreprises, était vilipendé pour manque de contreparties, autant les nouvelles réductions de cotisations sociales (20 milliards par an), bénéficiant aussi à toutes les entreprises, ne sont jamais l’objet de critiques. Tout le monde parle du CICE versé à Bridgestone jusqu’en 2019. Personne ne parle de l’allègement de ses cotisations sociales depuis plus d’un an et de façon pérenne (pour le même montant).
Comme quoi la communication, ça compte parfois plus que le fond. Les critiques des 20 milliards du CICE version Hollande fleurissent encore régulièrement. Les 20 milliards d’allègement de cotisations version Macron qui les remplacent sans plus de contreparties sont complètement ignorés. Sauf sans doute par ceux qui en bénéficient.