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Le coronavirus révèle le délabrement de l’appareil d’État

Point-de-vue. L’épidémie de coronavirus qui frappe notamment la France révèle au grand jour les fractures de notre société et les failles de l’État que Bernard Aubin passe en revue.

Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat First (Twitter)

Par Bernard Aubin

En France, le confinement a été instauré trop tardivement. L’exemple de la Chine démontrait pourtant de manière flagrante les risques engendrés par l’épidémie, la nécessité de mettre en œuvre sans délai des mesures drastiques pour se prémunir de la maladie et l’obligation de doter le pays de tous les outils indispensables pour protéger les professionnels et la population. Pourtant, notre gouvernement a délibérément maintenu le premier tour des élections municipales. Il a attendu cette échéance pour décréter enfin le confinement indispensable pour limiter la propagation du virus. Combien de cas de contaminations auraient pu être évités si cette mesure avait été prise dans les temps ?

Les services hospitaliers

Fermeture de structures, baisse du nombre de lits, personnels qui travaillaient déjà dans des conditions de surmenage inacceptables… Les gouvernements qui se sont succédé ont tour à tour géré la santé des Français d’une manière exclusivement économique, en dépit des besoins et du bon sens élémentaire. Depuis plusieurs mois, infirmiers, médecins, et soignants réclament des moyens humains et matériels pour assurer leurs missions de manière efficace. Il aura fallu ce virus pour que leur détresse soit enfin prise en compte… peut-être ?

L’armée

Pendant plus d’une semaine, on nous a rebattu les oreilles avec la construction de ce fameux hôpital de campagne militaire à Mulhouse. Une semaine pour monter cette structure, pour seulement 30 malades, cela ne choque personne ? Espérons qu’en temps de guerre, notre armée disposera des moyens indispensables pour être rapide et efficace. On apprend à cette occasion que la grande muette ne dispose que d’une structure de ce type… Il est impératif de doter d’urgence notre armée des moyens de remplir toutes ses missions. Notre armée ne doit plus être la variable d’ajustement du budget de l’État. « Nous sommes en guerre », martelait le chef de l’État… Comme en 14-18 ?

La SNCF

Ah, tiens, elle existe encore ? La SNCF ou plutôt « les SNCF » puisque cette ancienne entreprise de service public est éclatée en cinq sociétés anonymes depuis le premier janvier, libéralisme et concurrence obligent. On en oublierait presque que la vieille dame pouvait jouer un rôle essentiel dans les moments difficiles en assurant le transport du fret… des voyageurs indispensables au fonctionnement du pays et des malades. Fallait-il se réjouir de voir ces patients trimbalés dans des civières au-dessus des sièges d’un TGV spécial non-aménagé ? Les voitures ambulances existaient déjà en temps de guerre. Moins rapides, elles disposaient au moins de la place pour les brancards…

Les zones de non-droit

Elles se sont multipliées dans une relative indifférence et poursuivent leur extension. Des quartiers, voire certaines villes entières sont depuis des années inaccessibles aux politiciens, aux journalistes, et même à ceux qui ne montrent pas patte blanche. Les gouvernements successifs ont promis d’y rétablir l’ordre régalien. En attendant, selon certains médias, des instructions ont été données pour ne pas y appliquer de confinement, paix sociale oblige. Espérons que le virus respectera les frontières. Question : si le personnel médical devait choisir entre sauver la vie d’un « ancien » qui toute sa vie durant a respecté les règles et celle d’un « jeune » qui les a délibérément bravées, qui sauverait-il ?

Les forces de l’ordre

Dépourvue de masques, car il ne faut pas affoler les Français, ou plutôt parce que la France entière n’en dispose pas en nombre suffisant, elles se font agresser, cracher dessus, conspuer… Ni plus ni moins que leur quotidien. Sauf que cette fois, elles sont au bout du rouleau. Reconnaissons quand même que les citoyens, dans leur immense majorité, respectent à la lettre les consignes. Le moment venu, il sera indispensable de se dépêtrer de cette bobo-attitude qui interdit d’évoquer les problèmes et encore plus de les traiter. Toutes ces dérives se doivent d’être enrayées… si ce n’est pas déjà trop tard.

A 20 heures, on applaudit au balcon

Outre le montage de l’hôpital militaire de campagne, puis le pont aérien, puis le TGV-ambulance, les télés ont souvent ouvert leur 20 heures par les salves d’applaudissements destinées « au personnel soignant ». Des expressions pour certaines de bonne foi. Parfois moins, lorsqu’elles émanaient de rassemblements formés au bas des habitations… Cabrel, dans sa chanson sur la corrida, rappelait à l’envi « est-ce que ce monde est sérieux ?». Monde sérieux ou pas, le coronavirus nous rappelle tous à nos responsabilités, et à demeurer « sérieux » quelle que soit notre place sur l’échelle sociale. Non, la vie n’est pas un jeu.

En conclusion

Le coronavirus nous révèle l’état de délabrement de l’État. La pandémie abat les mirages que nous dressons complaisamment devant les réalités. Le virus nous appelle à prendre, dès demain, les responsabilités que nous avions abandonnées au fil du temps. Il nous renvoie dans le réel, nous extirpe violemment d’un monde de plus en plus virtuel et superficiel.
L’infiniment petit nous rappelle à restaurer d’urgence une valeur, mise à mal par des technocrates et politiciens formatés, décalés, qui ont désorganisé le(s) pays : le bon sens !

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