Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert analyse l’épineux problème de l’immigration, distinguant le droit d’accueil et le droit d’asile, et pose le problème du financement et de la gouvernance des flux migratoires.
par Christian Eckert
A l’approche d’un débat au Parlement sur l’immigration et après les déclarations du Président de la République sur ce sujet, il est important que chacun se positionne le plus clairement possible. Je le fais avec humilité parce que le sujet est inflammable, complexe et ne fait pas partie de mes interventions habituelles. Je le fais aussi avec le souci de construire et de proposer, tant il me semble que les postures faciles nuisent au débat.
Cinq axes doivent être travaillés
• En premier lieu il ne faut pas oublier que si beaucoup de gens partent de chez eux, c’est souvent parce que leurs conditions de vie sont extrêmement difficiles. Certains sont certes victimes de persécutions politiques ou religieuses, mais beaucoup fuient la pauvreté et la famine. L’aide au développement reste donc un moyen de limiter les migrations en amont. Ces aides ont pâti ces dernières années des restrictions budgétaires, en France comme ailleurs, et doivent retrouver la vigueur et l’engagement nécessaires.
• Dans cet esprit, le droit d’accueil et le droit d’asile doivent être différenciés. Si le droit d’asile reste intangible (quitte à formaliser mieux ses contours), le droit d’accueil ne saurait se confondre avec lui. Confondre droit d’asile et droit d’accueil fragiliserait notre tradition de faire du droit d’asile un principe républicain majeur.
• Pour reconnaitre le droit d’asile, les instances administratives et judiciaires existantes mettent beaucoup de temps. Trop sans doute, même s’il faut mesurer la complexité de cette étape, eu égard entre autres aux droits de recours heureusement en vigueur. Se prolongent donc des situations transitoires, conduisant à l’installation durable de familles. Plus le séjour est long, plus le retour est rendu difficile et parfois humainement impossible. Il faut donc impérativement renforcer les services en moyens humains et matériels pour accélérer le rythme de traitement des dossiers.
• Les flux internationaux doivent s’examiner de façon internationale, pour le moins européenne. Les « hot-spots », les « quotas », la gestion des frontières, la lutte contre les réseaux de passeurs… doivent faire l’objet d’accords et de maitrise internationale. Cela pose, comme toujours la question des financements et de la gouvernance sur ces sujets. On trouvera plus loin quelques éléments sur le financement.
• En tout état de cause, la qualité de l’accueil, même temporaire, ne saurait être négligée comme c’est malheureusement trop souvent le cas. Les images données comme les « nuisances » ressenties sont amplifiées par l’absence d’une gestion coordonnée entre les villes, les associations et l’État. L’absence fréquente de discours assumés et responsables sur ces sujets entraîne surenchères, démagogie et populisme. En ce sens, un débat national peut, s’il est bien conduit, aider à effacer les antagonismes entre égoïsme et humanisme.
Déstabilisation de l’économie
L’argent nécessaire à répondre à ces besoins qui se développent pour mille raisons (et les aléas climatiques devraient en fournir beaucoup d’autres) est évidemment présenté comme le premier obstacle à surmonter. Cet argument financier sera sans doute présent au Parlement.
Conçue initialement par ses promoteurs dans cet esprit, la taxe sur les transactions financières (TTF) doit être instaurée partout et donner les moyens de conduire une politique humaniste et crédible. Elle existe en (toute petite) partie dans certains pays. Elle fait l’objet de sempiternelles tergiversations en Europe, depuis si longtemps que plus personne ne croit à une issue prochaine.
En 2011, on évoquait un produit possible de 50 Milliards en Europe, mais son taux pourrait être ajusté en fonction des besoins. Les financements indispensables aux préconisations évoquées plus haut pourraient sans nul doute être couverts, en faisant par ailleurs appel au bon sens des milieux financiers : faute de faire preuve d’un humanisme qui ne leur est pas coutumier, ils pourraient réaliser que leur intérêt est d’éviter la déstabilisation de l’économie par des phénomènes qui pourraient vite devenir incontrôlables !