Florian Sévellec, University of Southampton
Les prochaines années devraient être anormalement chaudes et viendront intensifier le changement climatique en cours. C’est ce qui ressort d’une récente étude que mon collègue Sybren Drijfhout et moi-même avons publiée en août 2018.
Nous avons mis au point un nouveau dispositif de prévision, appelé PROCAST (pour « Probabilistic forecast »), dont nous nous sommes servis pour prévoir la variabilité naturelle du climat. Cette variabilité désigne la façon dont le climat évolue sur plusieurs années entre des phases chaudes et des phases froides ; cette variabilité est dite « naturelle » car elle se distingue de la tendance au réchauffement climatique global sur le long terme induit, par exemple, par les activités humaines.
PROCAST met ainsi en lumière la probabilité d’une phase de chaleur liée à la variabilité naturelle du climat pour la période 2018-2022.
Nos travaux, publiés dans Nature Communications, contribuent à améliorer notre capacité d’anticipation, des mois à l’avance, face à des événements tels que les vagues de chaleur ou de froid ; et l’on sait aujourd’hui combien les aléas climatiques ont un impact direct sur nos vies. Les vagues de chaleur peuvent, par exemple, entraîner une surmortalité et ce en quelques semaines seulement. Durant la canicule de 2003, la sécheresse avait notamment provoqué une baisse de la production de blé de 12 % au Royaume-Uni.
Quant aux hivers plus rigoureux, ils peuvent aggraver les infections respiratoires, ce qui ne manque pas de mettre sous tension les services hospitaliers et l’approvisionnement en médicaments. La demande pour les vaccins antigrippe varie ainsi très sensiblement en fonction des conditions météorologiques. La neige de l’hiver 2010 a par exemple pesé lourd sur l’économie britannique ; on estime à 690 millions par jour le coût de ces épisodes neigeux, au cours desquels la consommation de gaz a considérablement augmenté. Prévoir ce type d’événements saisonniers devient aujourd’hui crucial, pour être en mesure de s’y adapter de manière précoce et efficace.
Si les scientifiques ont réalisé d’importants progrès ces dernières années dans la compréhension et la modélisation numérique du climat, leurs découvertes n’ont pas encore permis de prévoir le climat d’une année à l’autre. Cette incapacité s’explique par le chaos déterministe qui caractérise le système climatique ; un phénomène devenu célèbre grâce au concept d’« effet papillon », qui décrit comment une minuscule erreur dans l’évaluation de l’état actuel peut avoir de sérieuses conséquences plus tard.
Le Graal des prévisions climatiques annuelles
Malgré ces difficultés, les grands centres de recherche et les services météorologiques nationaux intensifient actuellement leurs efforts pour permettre des prévisions climatiques précises et anticiper les variations du climat, une ou plusieurs années en avance. Au cœur de ces recherches, chaque équipe s’appuie sur son modèle climatique spécifique qu’elle a mis au point pour tenter de définir, en observant ce qui se passe aujourd’hui, à quoi ressemblera le climat de demain. Mais ces modèles n’étant malheureusement pas parfaits, il n’est à l’heure actuelle pas possible de prévoir de manière tout à fait efficace le climat des années à venir.
C’est ici que PROCAST entre en jeu. Car au lieu de nous appuyer sur un seul modèle climatique particulier, nous avons combiné une série de modèles utilisés dans le cadre du projet Coupled Model Intercomparison Project (CMIP5). Et PROCAST a pu très facilement « s’entraîner » en partant des simulations déjà réalisées par ces modèles.
Ceci présente deux avantages évidents. Premièrement, PROCAST permet de ne plus dépendre d’un seul modèle potentiellement biaisé. Deuxièmement, il améliore considérablement la vitesse à laquelle sont réalisées les prévisions. Une prévision qui réclamait en effet des calculs effectués par un supercalculateur pendant une semaine peut désormais être réalisée en quelques centièmes de seconde sur un ordinateur portable.
Pour vérifier la précision et la fiabilité de nos prédictions, nous avons mené une série de prévisions a posteriori. Notre système s’est avéré à la fois exact (prévoyant ce qui a eu lieu) et fiable (il n’a, en moyenne, pas prévu d’événements qui n’ont pas eu lieu).
Prévoir le futur ?
Notre étude établit ainsi qu’en plus du changement climatique imputable aux activités humaines, la variabilité climatique naturelle va provoquer une phase anormalement chaude pour les quatre années à venir : plus de 0,01 °C en moyenne pour la période 2018-2022 – avec plus de 0,02 °C pour 2018 et plus de 0,03 °C pour 2018-2019. Ces chiffres, qui peuvent sembler particulièrement faibles, sont en réalité comparables à l’intensité du réchauffement global vécu chaque année, si l’on fait la moyenne de ce réchauffement sur les 100 dernières années (1 °C en plus sur les 100 dernières années équivalant à 0,01 °C en plus par an).
Il est intéressant de souligner ici, en guise de conclusion, que la méthode PROCAST n’établit pas qu’une valeur spécifique mais bien une probabilité. Nos résultats indiquent ainsi que les années chaudes sont plus probables que les années froides pour la période 2018-2022. Nos recherches indiquent notamment que pour les deux années à venir, il y a 64 % de chance qu’il s’agisse d’années plus chaudes. Et pour les cinq prochaines années, PROCAST prévoit une forte baisse relative de la probabilité d’années extrêmement froides.
Florian Sévellec, Associate Professor in Ocean Physics, University of Southampton
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.