En raison de la grève, ce jeudi 22 mars 2018, de nombreux trains ne circuleront pas. Explications de Bernard Aubib, secrétaire général du syndicat First.
Les chiffres sont tombés : seul 40 % des TGV, 25 % des Intercités et 50 % des TER devraient circuler le 22 mars, jour de la grande manifestation parisienne des fonctionnaires et des cheminots. Ce plan de transport, aménagé dans le cadre du « service garanti » imposé par la Loi du 21 août 2007, repose sur les effectifs à disposition le jour de la grève. Concrètement, le plan de transport est tributaire du nombre de grévistes répertoriés (rappelons que les cheminots qui concourent de près ou de loin à la circulation des trains sont contraints d’annoncer leur intention de faire grève 48 heures à l’avance, et que la SNCF est tenue de communiquer à sa clientèle les dessertes assurées le jour de grève 24 heures à l’avance).
Campagne de dénigrement
A l’origine, l’objectif de cette grève était de permettre aux cheminots en service le jour de la manifestation de se libérer pour participer à l’action. Cet arrêt de travail ne faisait pas l’objet d’autres revendications que celles exposées par les syndicats pour légitimer le dépôt d’un préavis. Sauf que la campagne de dénigrement menée par le Gouvernement à l’encontre de la SNCF et de son personnel, les projets de transformation de la SNCF en « société nationale », la mise au rebut du Statut, la suppression du tiers du réseau ferré et le transfert d’une partie du personnel à des opérateurs privés ont provoqué un mécontentement aussi important que prévisible. Si bien que le nombre de grévistes dépasse largement les seuils habituellement atteints pour une grève essentiellement « technique ».
Cocktail explosif
L’annonce d’une pseudo « concertation » sur des décisions irrévocables et arrêtées de longue date n’a fait qu’ajouter au malaise. Les échanges à venir ne porteront que sur le choix de la corde qui servira pendre les cheminots. Au dénigrement, qui s’est par ailleurs étendu aux retraités, chômeurs, fonctionnaires… s’est ajoutée la provocation.
Comme annoncé de longue date sur ce blog, « les ingrédients d’un cocktail explosif sont réunis ». Ils sont sur le point de se mélanger.
Reste à savoir si une étincelle mettra le feu aux poudres, ou plutôt quand. Chacun des protagonistes campe désormais sur ses positions. Le Gouvernement, tout d’abord, qui au mépris de tout dialogue use et abuse du « pouvoir » que les français lui ont offert pour imposer à tous des reculs sociaux. Les syndicats, ensuite, qui ont bien intégré qu’avec la grève des cheminots, ils jouent leur va-tout.
« Grille du Loto »
Les taux de participation à la grève de demain laissent augurer de l’ampleur des mobilisations à venir. S’insèreront-elles dans le cadre de la grève « grille du loto » élaborée sans réelle conviction par 4 syndicats de cheminots ? Rien n’est moins sûr.
Ce qui se conçoit bien s’énonce bien, a-t-on l’habitude d’affirmer. Mais quoi que bien conçue sur le papier, la grève en pointillé semble avoir du mal à convaincre sur le terrain. A ce niveau s’expriment fréquemment les partisans du tout ou rien : « soit on y va pour de bon, soit on n’y va pas » relève-t-on dans les conversations et sur les réseaux sociaux. Soit la mayonnaise ne prendra pas, ce qui devient peu probable, soit les syndicats « représentatifs » risquent d’être rapidement dépassés par une base qui ne rêve que d’en découdre. Dans ce cas, la situation pourrait rapidement devenir ingérable.
Mobilisation au rendez-vous
Sauf à lire dans le marc de café, il est difficile de pronostiquer la tournure que prendront les événements à venir. Malgré l’ampleur des enjeux, la division syndicale reste d’actualité. L’unité n’existe qu’en termes d’affichage. Elle est aussi fausse que fragile. En 1995, la mobilisation s’était construite sur le terrain. Les syndicats avaient eu l’intelligence de surmonter leurs divergences pour encadrer ensemble, sur le tard, ce mouvement. Pour le rassemblement, il est encore temps…
Au vu du nombre de grévistes recensé pour demain, il est indéniable que la mobilisation est au rendez-vous. Elle dépasse largement les seuils habituels d’une grève « technique ». Si une étincelle venait à mettre le feu aux poudres, la grille du loto pourrait s’avérer perdante et rapidement dépassée. Le sera-t-elle ? Mystère ! Les cheminots ont, pour leur part, compris que leur destin était avant tout entre leurs mains et ont agi en conséquence.
Aux citoyens de comprendre, à leur tour, que le second étage de la fusée des régressions sociales les impactera le moment venu, et de manière plus violente encore s’ils venaient à se tromper de camp.
Bernard Aubin