Longtemps considérés comme de simples outils de communication, les téléphones mobiles sont aujourd’hui de véritables ordinateurs miniatures, omniprésents dans la vie quotidienne. Ils renferment photos, documents professionnels, coordonnées bancaires, accès à des messageries… Autant de données qui attisent la convoitise des cybercriminels. C’est à ce titre que l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) vient de publier une synthèse inédite sur l’évolution des attaques visant les smartphones depuis 2015.

Dix ans d’observation, des centaines d’incidents analysés, et une conclusion claire : la menace s’intensifie et s’organise.
Une cartographie détaillée des risques
Dans son rapport daté du 26 novembre 2025, l’Anssi décortique les techniques d’intrusion utilisées, les profils des attaquants et les finalités recherchées : surveillance politique, espionnage industriel, pression stratégique… Car les terminaux mobiles s’avèrent être une surface d’attaque aussi discrète qu’efficace.
Les vulnérabilités identifiées se situent à plusieurs niveaux :
- Les technologies sans fil (Wi-Fi, Bluetooth, NFC), porte d’entrée fréquente lors de connexions à des réseaux inconnus.
- Le système d’exploitation, dont certaines failles permettent l’injection de codes malveillants.
- La carte SIM, susceptible d’être dupliquée ou exploitée via usurpation d’identité.
- Le matériel lui-même, avec l’intégration possible de dispositifs d’espionnage durant la fabrication.
Si tout utilisateur peut être touché, les attaques ciblent prioritairement les personnes disposant d’informations sensibles : hauts fonctionnaires, élus, dirigeants d’entreprise, responsables stratégiques… Un espionnage discret, mais redoutablement efficace.
États, entreprises, sous-traitants : un écosystème offensif en expansion
Le rapport révèle également la structuration progressive d’une industrie de la cyber intrusion mobile. On y trouve :
- Des États développant leurs propres capacités offensives,
- Des entreprises agissant pour le compte d’acteurs nationaux désireux de conserver l’anonymat,
- Des prestataires technologiques revendant leur expertise à des gouvernements tiers.
Ce marché gris, parfois encouragé par des régulations permissives et des avantages fiscaux, connaît une croissance rapide depuis une décennie. Conséquence directe : une multiplication des opérations d’espionnage numérique, particulièrement lors d’événements géopolitiques majeurs.
Quand le contexte international attise les attaques
Les smartphones sont devenus des vecteurs de renseignement incontournables dans les rivalités internationales. Les analystes de l’Anssi notent une hausse significative des attaques lors de :
- visites d’État ou sommets diplomatiques,
- grandes négociations internationales,
- conflits armés, notamment depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022.
Certains régimes utilisent également ces technologies contre leur propre population : surveillance de journalistes, de minorités ou d’opposants politiques. À cela s’ajoutent des usages plus opportunistes, tels que l’espionnage industriel dans les secteurs stratégiques ou encore les affaires privées motivées par la vengeance.
Des recommandations et une nécessité de coopérer
Pour chaque menace identifiée, l’Agence propose des recommandations destinées aux particuliers comme aux responsables de la sécurité informatique : mises à jour régulières, vigilance face aux réseaux publics, gestion renforcée des accès professionnels, chiffrement des communications, usage de terminaux de confiance…
Mais au-delà des bonnes pratiques individuelles, le rapport insiste sur la nécessité d’une coopération internationale accrue. L’Anssi cite notamment le Processus Pall Mall, lancé à Londres en 2024, qui favorise le partage d’informations entre États et industriels, afin de mieux contrer la cybercriminalité mobile.
Préserver la sécurité numérique devient un enjeu aussi stratégique que la protection d’un territoire physique. Dans un monde où un smartphone suffit à capter, suivre, enregistrer et exfiltrer l’information, l’alerte de l’Anssi résonne comme un rappel : nos poches contiennent désormais autant de puissance que de vulnérabilités.