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L’Ukraine, plaque tournante du trafic d’armes

Les armes fournies à Kiev pour se défendre contre l’agresseur russe peuvent se retrouver sur le marché noir pour alimenter les réseaux terroristes. Bruxelles, Interpol et le Pentagone s’en inquiètent.

Ukraine en guerre ; des armes venues de tous les pays (Flickr)
Ukraine en guerre ; des armes venues de tous les pays (Flickr)

Volodymyr Zelensky ne cesse de demander des armes aux pays occidentaux pour se battre contre l’envahisseur russe. Et ses vœux sont exaucés. Emmanuel Macron, en visite jeudi à Kiev, a promis six chars Caesar supplémentaires, en plus des douze déjà envoyés, des missiles antichars, des fusils et bien d’autres armes sur lesquelles l’Élysée préfère garder le secret.

« Une aide militaire colossale »

Les autres pays du camp occidental ne sont pas en reste. BFMTV a dressé, au mois d’avril dernier, un rapide inventaire (non exhaustif) des matériels militaires, défensifs et offensifs livrés à l’Ukraine. On y apprend que la Pologne a envoyé des drones, des lance-missiles antichars Javelin, des fusils d’assaut Grot, des munitions, des mortiers et des MANPADS (Man-portable air-défense systems), des missiles sol-air de courte portée.
La Slovaquie a envoyé des missiles sol-air et anti-char ainsi qu’un système de défense aérienne S-300. L’Allemagne a équipé l’armée ukrainienne d’armes anti-char, de 500 missiles sol-air Stinger, 2700 missiles Strela, mais aussi des mitraillettes, 100.000 grenades, 2.000 mines, 15 bombes anti-bunker, etc.
Madrid a livré 200 tonnes de matériel : munitions, camions militaires, véhicules spéciaux de transport lourd et 10 véhicules légers, mais aussi une douzaine d’avions avec des munitions et des armes légères.
Pour la Norvège, une centaine de missiles antiaériens de type Mistral ainsi que quelque 4000 armes antichars de type M72.
La Suède : 5000 lance-roquettes à tir unique de classe AT-4, 5.000 armes anti-char supplémentaires et des équipements de déminage.
La Finlande : 2500 fusils d’assaut, 150.000 munitions et 1500 lance-roquettes.
Le Danemark : 2700 lance-roquettes et 88 millions de dollars pour l’achat d’armes.
La Lettonie : munitions, missiles anti-aériens Stinger et leurs rampes de lancement ainsi que des drones.
La Lituanie : des missiles anti-aériens Stinger, des mortiers, des fusils, des munitions.
L’Estonie a apporté une aide de 227,5 millions d’euros, avec des lance-missiles antichars Javelin, des obusiers Howitzer, des mines anti-char, des canons anti-char et des munitions.
La Slovénie : des centaines de Kalachnikovs et de munitions.
Et encore la Bulgarie, la République Tchèque, la Belgique (5000 fusils automatiques et 200 armes antichars), les Pays-Bas, l’Italie, la Grèce, le Royaume-Uni (des milliers de missiles antichar), le Canada, le Japon, l’Australie, la Turquie, etc.
Mais le plus grand contributeur à cette guerre sont les États-Unis. Des systèmes anti-aériens Stinger, des dizaines de milliers de missiles antichars, des drones, 7.000 fusils d’assaut, 50 millions de munitions, des roquettes à guidage laser, des blindés, des systèmes de communication sécurisés, etc. Et tout ce que l’on ne sait pas ! Sans parler de l’assistance militaire directe.
Au total, 44 pays se sont engagés à apporter un soutien militaire à l’Ukraine qui se chiffre en milliards de dollars.

« Dans un trou noir »

Où vont ces armes, une fois livrées à Kiev ? Qui en exerce le contrôle ? Ces questions commencent à inquiéter le Pentagone. Dans un article très documenté, le magazine Les Crises indique que « Les États-Unis n’ont aucune idée de l’endroit où atterrira leur aide militaire », admettant qu’elles pourraient « tomber entre des mains dangereuses » et peuvent alimenter l’un des plus grands trafics d’armes d’Europe qui existait déjà avant la guerre. Une fois en Ukraine, « les armes se perdent dans le brouillard de la guerre ». Elles « tombent dans un grand trou noir, et vous n’en avez presque aucune idée après une courte période de temps » a déclaré une source américaine à CNN.
Il existe bien des accords internationaux sur les ventes d’armes. Mais ils sont inopérants. Par exemple, en avril dernier, onze hélicoptères russes Mi-17 ont été envoyés en Ukraine par le Pentagone. Or, le contrat prévoyait que ces appareils ne pouvaient être cédés « sans l’accord de la Russie » !

« Capables d’abattre un avion de ligne »

« L’afflux sans précédent d’armes suscite la crainte que certains équipements ne tombent entre les mains d’adversaires occidentaux ou ne réapparaissent dans des conflits lointains – dans les années à venir » déplorent les autorités américaines dans un article du Washington Post, regrettant « la capacité de Washington à garder la trace de ces armes puissantes lorsqu’elles entrent dans l’une des plus grandes plaques tournantes du trafic en Europe. »

Parmi les grandes inquiétudes du Pentagone, les fameux missiles Stinger tirés à l’épaule. Ils sont capables d’abattre des avions de ligne, s’ils tombent entre les mains de groupes terroristes.
Les européens sont conscients des risques de revente des armes. Un diplomate confiait récemment à l’IVERIS que Bruxelles n’a « aucune assurance quant au suivi des armes. Une partie serait déjà revendue sur le marché noir et se trouverait en Bosnie, au Kosovo ou en Albanie. Ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu du niveau de corruption en Ukraine ».

Trafics et corruption

L’Ukraine est connue pour être une plaque tournante du trafic d’armes depuis la chute de l’Union soviétique. Au tout début des années 90, les militaires soviétiques ont laissé derrière eux, en Ukraine, d’énormes quantités d’armes légères et de petit calibre. Sans aucun contrôle des stocks.
Selon le Small Arms Survey, organisme de recherche basé à Genève, cité par le Washington Post, une partie des 7,1 millions d’armes légères stockées par l’armée ukrainienne en 1992 « a été détournée vers des zones de conflit » et s’inquiète du « risque de fuite [des armes actuelles] vers le marché noir local. »
Interpol, l’organisation internationale de police criminelle basée à Lyon, s’inquiète également de « la grande disponibilité d’armes du conflit actuel qui entraînera la prolifération d’armes illicites dans la phase post-conflit » selon le directeur général d’Interpol.
Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) rappelle que dans les années 90, de nombreuses armes ukrainiennes se sont retrouvées aux mains des Talibans pakistanais, en République démocratique du Congo, et dans des pays sous embargo tels que la Sierra Leone, le Liberia et la Croatie. « La facilité avec laquelle d’importantes quantités d’armes ont été transférées en toute illégalité suppose que des officiels haut-placés, civils et militaires, fermaient les yeux, voire participaient directement au trafic d’armes.
Ça fait froid dans le dos !

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