Vingt scientifiques internationaux de différentes disciplines demandent l’ouverture d’une enquête internationale sur les origines de la pandémie, dans l’esprit de la Charte olympique. Voici leur texte.
La Charte olympique stipule que « le but de l’Olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine ».
Le début des J.O. d’hiver
Alors que les athlètes du monde entier se rassemblent aujourd’hui pour le début des Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin, cette noble aspiration est mise à mal par les efforts déployés par le gouvernement chinois pour bloquer toute enquête sérieuse sur les origines de la pandémie de COVID-19. Ces efforts incluent la destruction d’échantillons, la dissimulation de dossiers, l’emprisonnement de journalistes et l’édiction de décrets interdisant aux scientifiques chinois de publier des études sur les origines de la pandémie sans l’aval du gouvernement.
Comprendre comment cette terrible crise a commencé est essentiel pour prévenir de futures pandémies et construire un avenir plus sûr. Cependant, aucune enquête internationale approfondie et crédible sur les origines de la pandémie de COVID-19 n’a encore été lancée.
Il y a près d’un an, le 9 février 2021 à Wuhan, la mission internationale organisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait conclu qu’une « origine naturelle » de la pandémie était probable et qu’un incident de laboratoire était « extrêmement improbable ». Le chef de la mission internationale, Dr. Embarek, avait toutefois admis par la suite qu’il pensait qu’un accident de laboratoire était « probable » et qu’il avait subi des pressions de la part de ses hôtes pour éviter le sujet.
Des experts engagés
Bien que l’OMS ait récemment créé un nouvel organe – le groupe consultatif scientifique sur les origines des nouveaux agents pathogènes (SAGO) – chargé d’enquêter sur les origines des nouveaux agents pathogènes, dont le SARS-CoV-2, il semble que cet organisme n’ait pas accès à toutes les données brutes pertinentes ni à tous les sites d’échantillonnage en Chine et qu’il n’ait pas été autorisé à effectuer des audits des laboratoires de Wuhan, où des coronavirus de chauve-souris étaient stockés et manipulés avant le début de l’épidémie.
En l’absence de plan bien établi pour mener une enquête internationale complète et sans restriction sur l’origine de la COVID-19, tous les habitants de la planète et les générations futures restent exposés à un risque accru de pandémies.
En tant que scientifiques et d’experts du monde entier profondément engagés dans la recherche des origines de cette pandémie, nous appelons donc :
- Toutes les nations à s’unir pour exiger une enquête complète et sans restriction sur l’origine de la COVID-19 en Chine et, le cas échéant, au-delà ;
- Le gouvernement chinois à affirmer son soutien à une enquête internationale complète ;
- Les États-Unis, l’Union européenne et d’autres organismes nationaux et internationaux à mettre en place des commissions COVID-19 pour étudier l’origine de la pandémie et proposer des solutions pour qu’une telle pandémie ne se reproduise pas ;
- Toutes les nations à exiger des scientifiques de leur pays qui ont collaboré avec des laboratoires chinois de recherche sur les coronavirus qu’ils partagent toutes les données et communications pertinentes ;
- Le gouvernement chinois à autoriser l’accès aux informations essentielles à l’évaluation correcte de toutes les origines plausibles, à savoir :
–les bases de données de séquences et d’échantillons de virus gérées par l’Institut de virologie de Wuhan (WIV), qui ne sont plus accessibles ;
–les rapports des missions de collecte de virus réalisées en 2018-2019 impliquant le personnel de Wuhan ;
–la liste des prélèvements effectués sur les six mineurs ayant développé des symptômes comparables à ceux de la Covid-19 en 2012, et des institutions ayant reçu ces prélèvements ;
–l’accès à la mine de Mojiang et aux grottes de Shitou au Yunnan;
–les cahiers de laboratoire et dossiers de recherche des laboratoires concernés de Wuhan, ainsi que les dossiers de biosécurité soumis annuellement depuis 2016 par ces institutions aux autorités chinoises. - L’OMS à établir et promouvoir une ligne sécurisée permettant aux personnes du monde entier de partager de manière plus sécurisée les informations concernant l’origine de la pandémie ;
- La communauté internationale à reconnaître l’exemplarité des professionnels de santé chinois et des nombreux citoyens chinois ordinaires qui ont pris des risques personnels en documentant l’épidémie précoce à Wuhan et en alertant le monde, et qui ont trop souvent été sévèrement punis pour l’avoir fait.
La réalisation de ces étapes contribuerait à construire un avenir plus sûr et rejoindrait pleinement les valeurs olympiques.
Signataires :
- Colin D Butler, Professeur honoraire, Université nationale australienne, Canberra, Australie (ORCID 0000-0002-2942-5294)
- Henri Cap, PhD, Zoologiste, Toulouse, France
- Jean-Michel Claverie, Professeur émérite de médecine, virologue, Université d’Aix-Marseille, France (ORCID 0000-0003-1424-0315)
- Virginie Courtier, Généticienne de l’évolution, Directrice de recherche, Institut Jacques Monod, CNRS, France (ORCID 0000-0002-9297-9230) (Co-Organisatrice)
- Gilles Demaneuf, Ingénieur, Data Scientist, Auckland, Nouvelle-Zélande (ORCID 0000-0001-7277-9533) (Co-Organisateur)
- François Graner, Biophysicien, Directeur de recherche, CNRS, Université de Paris, France (ORCID 0000-0002-4766-3579)
- Mai (Mike) He, Pathologiste, Professeur associé, Faculté de médecine de l’université Washington à Saint Louis, États-Unis
- Hideki Kakeya, Scientifique de l’information, Professeur associé, Université de Tsukuba, Japon
- Richard Kock, Professeur, Santé de la faune sauvage et maladies émergentes, Collège royal vétérinaire, Londres, Royaume-Uni
- Jonathan Latham, PhD, Directeur exécutif, The Bioscience Resource Project, États-Unis
- Milton Leitenberg, Chargé de recherche principal, Université du Maryland, États-Unis
- Steven E Massey, Biologiste informaticien, professeur, Université de Porto Rico, Rio Piedras, San Juan, Porto Rico, États-Unis
- Jamie Metzl, Chargé de mission, Conseil Atlantique, États-Unis (Co-organisateur)
- Steven Quay, MD, PhD, anciennement professeur titulaire, Département de pathologie, École de médecine de l’Université de Stanford, États-Unis (ORCID 000-002-0363-7651)
- Monali Rahalkar, Microbiologiste, Institut de recherche Agharkar, Pune, Inde (ORCID 0000-0003-0945-4378)
- Bahulikar Rahul, Expert en génétique et taxonomie des plantes, Fondation de recherche sur le développement BAIF, Pune, Inde (ORCID 0000-0002-0442-4607)
- Charles Rixey, MA, anciennement chef CBRN, Corps des Marines des États-Unis ; analyste, DRASTIC, Dallas TX, États-Unis
- Günter Theißen, Professeur, Généticien, Institut Matthias Schleiden, Université Friedrich Schiller d’Iéna, Allemagne
- Roland Wiesendanger, Nanosciences, Professeur, Université de Hambourg, Allemagne
- Allison Wilson, PhD, Directrice scientifique, The Bioscience Resource Project, États-Unis