Le nouveau variant baptisé Omicron provoque la panique dans tous les pays, impacte les places financières, remet en cause la stratégie vaccinale. Mais que sait-on vraiment de ce variant ? Est-il plus contagieux, plus dangereux ? L’analyse moléculaire de Jacques Fantini, professeur de Biochimie et Biologie Moléculaire à l’Université d’Aix-Marseille, membre honoraire de l’Institut Universitaire de France (IUF).
Par Jacques Fantini
Ce nouveau variant apparu en Afrique australe défraye la chronique, du fait du très grand nombre de mutations dans sa protéine Spike : 30 mutations, 3 délétions et 1 insertion (en rouge dans la structure modélisée complète visible ici).
Afin d’en savoir plus sur sa contagiosité j’ai appliqué à ce variant l’analyse du T-index (index de transmissibilité) qui m’avait permis, dès l’apparition du variant Delta en avril dernier, d’anticiper son expansion au niveau mondial (voir ici : https://lnkd.in/dnSDgQv).
Cet index prend en compte l’interaction du domaine NTD avec les rafts de la cellule hôte, l’interaction du domaine RBD avec le récepteur ACE-2, et le potentiel électrostatique de surface qui révèle la vitesse d’attraction du virus à la cellule cible.
Aucune logique de sélection
La prédominance du variant Delta s’explique, au niveau du virus, par sa valeur très élevée de son T-index : 10,67. Par comparaison, le T-index de la souche initiale (Wuhan) a un T-index de 2,16. On peut donc extrapoler que le variant Delta est environ 5 fois plus transmissible que la souche de départ.
Le calcul effectué pour le variant Omicron donne un T-index = 3,90. Il est donc a priori moins transmissible que Delta, qui reste à ce jour le variant possédant le T-index le plus élevé.
Une analyse détaillée de la protéine Spike du variant Omicron suggère que cette avalanche de mutations n’obéit à aucune logique de sélection, mais plutôt à une absence de contrôle immunologique (patient immunodéprimé ?) et/ou à des traitements antiviraux pouvant favoriser l’apparition de mutations.
Accumulation de mutations
L’affinité du RBD d’Omicron pour ACE-2 est diminuée par rapport à tous les autres variants analysés à ce jour, sans doute la conséquence de cette accumulation de mutations dans le RBD (>10 !)
Le succès de Delta tient à l’évolution concomitante du NTD et du RBD avec seulement 2 mutations dans chaque domaine. Pour Omicron, les mutations vont dans tous les sens, sans logique particulière, certaines s’annihilent mutuellement.
Les profils mutationnels du NTD et du RBD suggèrent que les anticorps neutralisants auront une activité très faible sur ce variant.
En revanche, l’épitope facilitant du NTD (épitope ADE) est également détruit par les réarrangements de la protéine Spike d’Omicron, ce qui souligne encore l’absence de logique dans ce profil mutationnel exacerbé.
Conclusion
Cette analyse du variant Omicron laisse penser que ce variant ne supplantera pas le Delta.
N’oublions pas l’importance des interactions virus-hôte. Le polymorphisme du récepteur ACE-2 pourrait par exemple permettre des percées régionales du variant Omicron (ce fut le cas avec le variant B.1.351, qui s’est répandu en Afrique australe, mais pas en Europe).
Dans tous les cas, les gestes barrière restent incontournables pour tous.