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« Les socialistes doivent éviter l’entre-soi… »

Point-de-vue. De retour de Blois où le PS a voulu célébrer « le rendez-vous de la gauche d’après », l’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert retient que les socialiste doivent  » utiliser des mots à la porter de tous » et donc « réapprendre à parler avec tout le monde ».

Les élus doivent utiliser des mots à la portée de tous.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget (DR)

Par Christian Eckert

J’ai été à Blois au milieu des socialistes pendant quelques jours. J’avoue avoir passé un bon moment. Nous étions nombreux. Il y avait beaucoup de jeunes. J’y ai revu beaucoup d’anciens collègues. Pas seulement pour parler de l’ancien temps, mais aussi pour se demander comment refonder notre mouvement, préserver nos valeurs et porter les idées de solidarité, d’humanisme, de partage, sans pour autant nier les réalités du monde, de l’économie et du progrès.

Le parti socialiste se porte mieux : les opportunistes sont partis à LREM. A la soupe… D’autres, chafouins, ne viennent plus. Ils hésitent sans doute à revenir, préférant sans doute ne rien changer et ne pas corriger les erreurs de la dernière décennie. Finalement, ne restent que les bons ! Les purs, les besogneux, les humbles, les convaincus… S’y greffent, plus que je ne l’imaginais, des jeunes qui trouveront sans doute mieux leur place suite aux vides laissés par les déserteurs.

Les écolos pur jus

J’ai été séduit par quelques nouvelles personnalités qui ont émergé aux dernières municipales. Au premier rang de celles-ci, le Maire de Montpellier, Michaël Delafosse. Quel bonheur, quel enthousiasme, quel merveilleux mélange de hauteur de vue et de proximité ! Et des nouveaux élus de cette trempe, j’en ai croisé quelques-uns. Cela promet.
Les débats ont été dominés par les questions environnementales. A la fois dans leurs dimensions fondamentales, heureusement ; mais aussi sur la manière de sa rapprocher des écolos pur-jus. Les proximités me semblent fortes et j’espère que l’intelligence de tous permettra de trouver les stratégies à mener et les formes d’alliances indispensables.
Mais une fois de retour dans ma Lorraine profonde, l’inquiétude me gagne à nouveau et pour une raison principalement. Nos partis, et particulièrement le Parti Socialiste, réfléchissent, débattent, phosphorent, le plus souvent de remarquable façon. J’ai passé trois jours à évoquer avec passion avantages et inconvénients du productivisme, de l’hydrogène, de la 6° République, des impôts de production, des pouvoirs des élites, de l’indépendance des magistrats, de la politique de la BCE, des néonicotinoïdes, du fédéralisme en Europe, des GAFA…

Le socle de la démocratie

J’ai aimé le faire avec mes camarades aussi avides que moi de partager, d’apprendre, de confronter et de trouver les solutions. Mais ces échanges se sont faits dans un entre-soi qui a fini par m’indisposer. Je me suis demandé sur la route du retour comment nos discours seraient entendus au café de mon village ? Comment à la sortie de l’école, les parents pourraient se saisir de nos propositions ? Comment les ouvriers lorrains fraichement licenciés (et il y a eu des quantités bien avant la COVID…) pourraient entendre les discours appelant, sinon à la décroissance, du moins à une production plus modeste ?
Même si cela m’était déjà arrivé dans le passé, j’ai mesuré en revenant de Blois, avec force et effroi, la distance entre nos échanges académiques et les pensées des gens « ordinaires ». Non pas que la théorie et les idées ne vaudraient pas la peine d’être brassées. La pensée et le progrès humains en sont les conséquences. Non pas que la normalité des personnes serait une tare et mériterait le mépris. La force du nombre et l’égalité absolue sont le socle de la démocratie.

Réapprendre à parler

Nos partis (mais plus largement nos élites) doivent reprendre langue avec les gens. Le langage doit s’adapter. Les élus doivent utiliser des mots à la portée de tous. La techno-langue, la novlangue, la langue de bois doivent être bannies. Nous devons nous appuyer sur les réseaux sociaux, nouveaux axes d’échanges entre les personnes. La pédagogie doit être notre fil rouge. La pédagogie qui montre, qui explique, qui éveille la curiosité. Pas la pédagogie brutale et prétentieuse, qui impose et qui affirme. L’avoir oublié est sans doute une des causes de notre échec.
Réapprendre à parler avec tout le monde sera sans doute une clé de la réussite des prochaines échéances.

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