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Réinventer le C.N.R., la dernière entourloupe du Président…

Point-de-vue– Le CNR revu et corrigé par le président Macron n’a rien à voir avec le Conseil National de la Résistance qui, après-guerre, a créé la Sécurité Sociale. Pour l’ancien secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert, il s’agit « d’une nouvelle instance floue, désignée on ne sait ni comment ni par qui ».

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget

Par Christian Eckert

Le Président Macron n’est pas en mal d’imagination…

Lors de la crise des Gilets jaunes, il avait inventé « les grands débats ». L’occasion pour lui de faire le show, en bras de chemise, pendant des heures, au milieu d’un auditoire soigneusement trié, permettant aussi d’amorcer une réconciliation avec les élus locaux méprisés auparavant.

Et puis, une première réminiscence de l’Histoire de France avait été exhumée : les cahiers de doléances. Invités à s’exprimer par écrit entre autres dans les mairies, les Français y avaient participé. Aujourd’hui, ces cahiers de doléance ont été enfouis dans des sous-sols et attendent que les historiens se mettent un jour à les examiner.

Le CNR version Macron

Plus innovant, le Président avait aussi réuni une Convention Citoyenne pour le Climat. Il l’avait même clôturée en grande pompe dans la verdure des jardins de l’Élysée, promettant de retenir à trois exceptions près les 149 propositions des 150 citoyens tirés au sort. On a mesuré ensuite ce qu’il en a été et la déception des acteurs a été grande.

Toujours prompt à faire « en même temps » du neuf avec du vieux, le Président fraichement réélu réinvente maintenant le C.N.R. version moderne. Pour beaucoup, ce sigle renvoie au glorieux Conseil National de la Résistance, inventeur notamment après la seconde guerre mondiale de la Sécurité Sociale. Le C.N.R. version Macron deviendrait le Conseil National de la Refondation. Nous passerions en mode après-guerre. Le Président cherche là une façon d’embarquer « large » dans des réformes souvent dures pour les gens.

Une instance floue

Il est curieux que cette annonce, encore vague, mais mise en haut de l’affiche, intervienne au moment où les Français choisissent leurs députés pour les représenter. Appelée souvent « la représentation nationale », l’Assemblée est le lieu même du débat, de la réflexion politique et de l’adoption des lois qui structurent notre société. Il est vrai que le dernier quinquennat a pu étonner. Souvenons-nous du Président qui se félicitait de « l’amateurisme » de ses troupes, de l’indigence de l’étude d’impact du texte sur les retraites, de l’écriture par des cabinets externes de l’exposé des motifs des lois…

Plutôt que d’inventer une nouvelle instance floue et désignée on ne sait ni comment ni par qui, il faudrait refonder notre démocratie parlementaire : élire une partie des parlementaires à la proportionnelle, laisser au Parlement le soin de fixer l’essentiel de son ordre du jour, donner aux Assemblées les moyens de contrôler l’action du Gouvernement et renforcer sa propre capacité d’expertise. Un C.N.R. caution de l’exécutif ne serait-il pas en cas de besoin une alternative à l’Assemblée élue ?

Pas sûr que le (vrai) C.N.R. apprécierait que l’on utilise son acronyme pour justifier la mise ne cause des solidarités qui l’ont inscrit dans l’Histoire.

Article initialement publié le 8 juin 2022

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