Point-de-vue. Alors que s’achève la 26ᵉ conférence des Nations unies sur le climat, à Glasgow, en Écosse, où se sont réunis pendant deux semaines les représentants des 196 pays de la planète, Christophe Grangeon explique ici pourquoi cette grand-messe écolo n’est qu’un vaste mensonge.
Par Christophe Grangeon
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les États-Unis d’Amérique, au nom du sauvetage de l’Europe, de leur alliance salvatrice, de leur plan Marshall nous font gober leur culture et leur économie comme on gave des oies dans le Périgord.
Avec leurs alliés, ils ont procédé d’une manière douce, par la soumission culturelle, le rapt économique des valeurs et l’appropriation des élites. Ainsi, ont-ils imposé leur modèle sociétal et capté les richesses.
C’est flagrant en Europe et pour quelques alliés répartis sur la planète, mais pour le reste du monde, c’est par le sang, les armes et les dictateurs qu’ils ont infligé leur modèle économique. L’Europe se réveille doucement de ce mauvais rêve, à l’heure où la Chine devient l’inéluctable challenger.
Annoncée de longue date, la nouvelle polarisation du monde est en marche. Depuis la fin de la guerre froide, les Américains retrouvent enfin un adversaire à leur mesure, capable de leur tenir tête… voire de les faire trembler et l’occident avec eux. Les USA n’ont de Dieu que leurs billets verts. La Bible et la démocratie auxquels ils tiennent tant ne sont qu’un prétexte à plus d’argent. Il n’est pas d’idéologie américaine hors de la cupidité dont ils font preuve à l’égard du reste du monde. Le prosélytisme démocratique n’est qu’un leurre rhétorique bien rodé auquel ils font référence sans plus se soucier de sa signification primordiale.
Capitalisme et démocratie, rien à voir
C’est à cet endroit que commence la confusion des esprits. Les Américains, avec l’occident dans leur sillage sous la pression financière, ont mélangé capitalisme et démocratie dans un seul et même ensemble qui ne trouve plus ses limites dans l’esprit des gens. Pourtant, ce sont deux notions qui, si elles ne sont pas opposées, sont très différentes. C’est là un coup de force, appuyé par la défaite politico-économique des pays communistes, dont la seule évocation reflète en un seul mot la pauvreté du peuple et l’échec du système. Peut-être parce que le communisme est devenu à la fois une politique et une économie, il a été facile de faire passer démocratie et capitalisme pour une seule et même entité… Le manichéisme est un outil très pratique pour tous les gouvernements du monde.
Le mensonge démographique
La guerre capitaliste, menée par les États-Unis au nom de la démocratie, qui débuta à la fin de la première guerre mondiale et s’étendit à l’échelle planétaire après la seconde, puise toute sa richesse et sa justification dans le mensonge démographique. Mensonge éhonté que nos politiques tentent aujourd’hui de camoufler au regard des évidences accumulées. Le capitalisme moderne puise sa source dans l’expansion démographique qu’il désire sans limites, où chaque individu est une unité productiviste numérotée, génératrice d’argent et consommatrice de bien. Et même sur-consommatrice, puisque cette unité vit à crédit. Elle crée donc de la richesse deux fois plus vite et permet à la bulle de croissance humaine de croitre sans horizon.
Le moteur et son pétrole
Mais c’est une bulle de savon, le film qui la sépare de la réalité est mince et fragile. Le mensonge est là, sous nos yeux, si énorme et pourtant si simple à comprendre, qui consiste à dire que la planète peut, sans difficulté, supporter les milliards d’individus que nous sommes et même plus encore pour justifier une croissance sans limites et une accumulation de richesses sans bornes. Le capitalisme est le moteur de notre système économique et la démographie son pétrole. En d’autres termes, notre système économique ne survit que grâce à la croissance qui, elle-même, est le fruit de la démographie. L’état général de la planète nous rattrape plus vite que prévu et menace jusqu’à la survie de l’espèce.
Dictature capitaliste
Mais revenons à notre amalgame sémantique bien ancré entre capitalisme et démocratie. Si le capitalisme n’a plus de frontières avec la démocratie, c’est qu’elle lui est asservie. Elle ne régule pas le système, mais le soutient idéologiquement, en l’opposant aux autres systèmes politiques qui ont fait échec au cours du siècle dernier. La démocratie est devenue l’esclave du capitalisme. Il en va ainsi des unités productives numérotées. La démocratie a perdu son âme dans cette victoire des soi-disant libertés individuelles au profit de la richesse et d’elle seule.
Nous ne sommes donc plus aujourd’hui dans une démocratie qui utilise le capitalisme pour faire tourner une économie, mais dans une dictature capitaliste qui utilise la démocratie pour tracer une frontière entre le bien et le mal. Cette dictature est basée sur un mensonge démographique et, par ricochet, un mensonge écologique inavouable. On enseigne encore aux jeunes à l’école aujourd’hui que la terre n’a pas atteint sa population humaine limite et peut encore en supporter… que nous allons pouvoir faire face à tout. Ce mensonge est devenu, au regard de l’urgence écologique, insurmontable.
Faire sauter la banque
Nos politiques en ont pleinement conscience. Mais ils sont devant un mur d’impasse. Ils sont enferrés dans un paradoxe politico-économique où avouer la vérité revient à faire aveux d’impuissance et à faire sauter la banque avec les coffres vides. Ils sont prisonniers d’un paradigme duquel ils ne peuvent sortir, sauf à s’autodétruire en annonçant le changement à venir. Et le changement, aussi radical que nécessaire, signifie, pour eux, le chaos. Avouer, c’est nier en même temps leur légitimité et leur existence sur la scène publique. Affronter la réalité n’est, d’un point vue idéologique, pas envisageable, à aucun prix. Cela reviendrait à disparaître prématurément. Quitte à foncer dans le mur de l’impasse, autant le faire lancé à pleine vitesse et être sûr du résultat.
La démocratie vit ses dernières heures
Depuis le début la pandémie, les restrictions des libertés auxquelles nous sommes soumis au nom de la santé et de la sécurité des masses (contre les terroristes de tout poil) sont la preuve que nos sociétés ont définitivement dérivé vers un autoritarisme capitaliste dont on ne voit pas les limites. La peur est devenue le carburant nécessaire à cette dérive. Nos politiques se réclament de la sauvegarde de la démocratie en brandissant la peur comme sauf-conduit et c’est à un autoritarisme qui confine à la dictature auxquels ils aboutissent. C’est la négation même du principe démocratique. Il n’existe bientôt plus qu’un seul droit sous nos cieux : produire et générer de l’argent. La démocratie vit ses heures dernières. Les nouvelles sociétés trans-étatiques que sont les Gafam n’ont rien de démocratiques. Elles sont le nouvel état qui impose ses règles et son mode de pensée. À l’image de la Chine, elles sont devenues une dictature capitaliste multinationale.
Le mensonge de l’énergie
Le second mensonge, aussi énorme que le premier, concerne l’énergie. Nous vivons dans un monde avec des limites bien précises et nous avons des prétentions qui n’en tiennent pas compte. Toutes nos ressources énergétiques ont une durée de vie prévisible : charbon, pétrole, hydrogène, nucléaire, etc. Dans l’état actuel de nos exigences de croissance, il n’y a aucune possibilité de conversion vers les énergies propres. Le lavage à l’eau verte de nos économies n’est qu’un pas de plus pour attiser la consommation et une enjambée vers l’épuisement inéluctable de nos richesses. Les milliards d’individus qui souffrent déjà de la propagande armée de la peur, vont souffrir très prochainement des ruptures d’approvisionnement et des dérèglements climatiques, dont les effets en cascades sont pressentis par les plus éminents spécialistes depuis les années 70.
La pandémie actuelle n’est qu’un coup de pouce supplémentaire, une probable erreur humaine, et par-dessus tout, une monstrueuse démonstration de la fragilité d’un système économico-politique au bord de la faillite. Un peu comme un jeu de mikado géant dont on ne peut s’empêcher de retirer la dernière baguette quand, parfois, un simple souffle suffit. La transition passera nécessairement par une contraction des ressources énergétiques, mais aussi alimentaires, et in fine démographiques.
L’humanité a sans doute encore de belles famines devant elle.