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Jérôme Cahuzac : le procès du mensonge

L’ancien ministre du Budget est jugé depuis hier pour fraude fiscale, blanchiment, dissimulation de patrimoine. Il encourt jusqu’à sept ans de prison. Mais on retiendra surtout le cynisme de cet homme qui déclarait devant la représentation nationale : « Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse. A aucun moment » !

Jérôme Cahuzac: le mensonge personnifié
Jérôme Cahuzac: le mensonge personnifié

C’était il y a quatre ans. Jérôme Cahuzac était ministre délégué du Budget auprès du ministre de l’Economie Pierre Moscovici. Il était chargé, à ce titre, de débusquer la fraude fiscale. Un papier de Médiapart, début décembre 2012 va jeter la suspicion sur ce ministre assez peu connu du grand public. Le journal en ligne accuse Cahuzac d’avoir des fonds non déclarés sur un compte en Suisse, à la banque USB (jusqu’en 2010) puis les fonds auraient été transférés dans une banque à Singapour.
Le ministre s’offusque. Il dément farouchement. Ce chirurgien de profession, propriétaire avec sa femme d’une clinique spécialisée dans la micro-greffe de cheveux, ancien député du Lot et ancien président de la commission des finances à l’Assemblée nationale se défend avec la dernière énergie. Devant l’Assemblée, le 5 décembre 2012, raide comme la justice, il déclare : « Je démens catégoriquement les allégations contenues sur le site Médiapart. Je n’ai jamais eu de compte à l’étranger, ni maintenant, ni avant. J’ai saisi la justice… et c’est devant la justice que je m’expliquerai en attendant des éléments probants qui aujourd’hui font défaut. »
Sur les bancs de l’Assemblée, la gauche applaudit, convaincue de la sincérité du ministre. La droite reste prudente. Le ministre se retire après une franche poignée de main avec le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.

Plainte en diffamation

Médiapart met en ligne un document sonore. Il s’agit d’un entretien entre Cahuzac et son gestionnaire de fortune, en 2000, entretien qui confirmerait l’existence de comptes à l’étranger.
Jérôme Cahuzac pousse le vice jusqu’à déposer une plainte en diffamation contre le journal Médiapart. Grossière erreur. Le 7 décembre, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire. Une semaine plus tard, l’ancien bâtonnier d’Agen et ancien maire de Villeneuve-sur-Lot, Michel Gonelle, confirme la réalité de l’enregistrement sonore publié par Médiapart : c’est sur son téléphone qu’il a été enregistré, Michel Gonelle ayant mal raccroché son téléphone après une conversation avec Cahuzac.
La position du ministre du budget n’est plus tenable.
Les choses vont aller très vite. Le parquet ouvre une enquête préliminaire le 8 janvier 2013 pour « blanchiment de fraude fiscale ». De nombreuses personnes sont entendues, y compris l’épouse du ministre.
Le 19 mars 2013, une information judiciaire est ouverte. Cahuzac reste dans le déni. Le 2 avril pourtant, il est mis en examen pour « blanchiment de fraude fiscale et blanchiment de fonds provenant d’avantages procurés par une entreprise dont les services ou produits sont pris en charge par la sécurité sociale ».
Il reconnaît enfin avoir 600.000 € sur un compte à l’étranger. Il demande pardon au président de la République et au Premier ministre. Il démissionne de tous ses mandats.

Enorme scandale

L’enquête, conduite par deux juges, Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke va permettre de découvrir l’importance de la corruption à laquelle est mêlée Jérôme Cahuzac depuis des années. Notamment depuis qu’il était au ministère de la Santé (1988-1991) où les pots-de-vin étaient monnaie courante pour l’installation d’équipements lourds dans les hôpitaux (IRM, Scanners etc.) jusque dans les années 2000.
Des campagnes électorales d’hommes politiques auraient été financées par les laboratoires pharmaceutiques, selon les informations de Médiapart.
Le scandale est énorme. Il jette le discrédit sur toute la classe politique. Et sur cet homme au cynisme démesuré qui a fait l’objet d’un redressement fiscal « majoré » de 2,3 M€.
Aujourd’hui, Jérôme Cahuzac, 64 ans, doit répondre de ses délits mais aussi de ses mensonges. Il comparaît jusqu’au 15 septembre 2016 devant le tribunal correctionnel aux côtés de son ex-épouse, Patricia Ménard, chirurgien comme lui spécialisée dans la greffe des cheveux, de leurs conseillers, le banquier suisse François Reyl, l’ex-avocat Philippe Houman et la banque Reyl comme personne morale.
Ils risquent jusqu’à sept ans de prison et 1 million d’euros d’amende. Mais qui pourra croire désormais les arguments d’un homme qui a menti effrontément et si longtemps à tout le monde ?

Marcel GAY

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