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Réforme de l’hôpital : la logique reste productiviste

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Le financement au parcours de soin pourrait être à double tranchant.
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Laurent Mériade, Université Clermont Auvergne

Mardi 18 septembre, le Président de la République Emmanuel Macron a présenté le plan « ma santé 2022 », une réforme « pour les cinquante années à venir » du système de santé français qui « souffre plus d’un problème d’organisation que financier ».

En termes organisationnels, il convient de mettre au crédit de cette réforme une volonté de positionner enfin les hôpitaux et le système de santé français au centre de problématiques modernes déjà largement abordées dans de nombreux pays, notamment outre-Atlantique : lutte contre les déserts médicaux, définition de parcours patient, suppression du numerus clausus, développement des soins de proximité et de la télé-médecine. Jusqu’ici, ces problématiques avaient été abordées dans les hôpitaux, mais sans véritable impulsion gouvernementale pour les aborder de manière globale et coordonnée.

En matière de financement des hôpitaux, qui reste un élément déterminant pour la qualité de la prise en charge des patients et de la vie au travail des personnels de santé, il convient de rester plus prudent sur l’impact réel des réformes proposées.

Un impact financier trop modéré ?

Le plan « ma santé 2022 », dans son volet financier, a pour objectif de développer le financement au parcours de soin des hôpitaux pour réduire la part de la tarification à l’activité (T2A) à 50 % des modes de financement contre 63 % actuellement.

Le changement reste potentiellement assez limité (seul 13 % du budget d’un hôpital pourrait être financé par les parcours de soin). Ainsi, sur les 80 milliards d’euros budgétés chaque année dans les hôpitaux publics français, 10 milliards pourraient être attribués, à terme, selon cette nouvelle formule de financement. 40 milliards d’euros resteront attribués selon la formule de la T2A, pourtant tant décriée. Par ailleurs, environ 30 milliards d’euros resteront affectés par l’intermédiaire d’un système de dotation forfaitaire (dotation annuelle de financement, DAF, pour les soins de longue durée et soins de suite) et de missions d’intérêt général et de l’aide à la contractualisation (MIGAC, notamment pour le financement des activités d’enseignement et de recherche, des SAMU et des SMUR).

Quand on sait que, pour l’année 2018 uniquement, le déficit cumulé des hôpitaux publics est prévu à 1,6 milliard, on est en droit de s’interroger sur la réelle ambition financière du Plan Santé. En effet, celui-ci ne traiterait, à terme, qu’un dixième environ des éventuels problèmes de financement de ces organisations. Des interrogations d’autant plus légitimes que le financement au parcours de soin prévu par la réforme devrait se limiter, du moins dans un premier temps, à deux pathologies chroniques (diabète et insuffisance rénale).

Au-delà de l’impact financier relativement modeste de la réforme, cette dernière questionne également l’efficacité et, surtout, la qualité de la prise en charge des patients autour d’un parcours de soin.

Parcours de soin : améliorer la qualité de la prise en charge

Comme pour la T2A avec la classification des séjours hospitaliers (DRG – Diagnosis Related Groups, le financement au parcours de soin est inspiré du modèle de financement hospitalier anglo-saxon (USA, Canada, Royaume-Uni notamment).

La prise en charge par l’Assurance maladie se fait en fonction d’une standardisation du suivi des parcours de soin (care pathway) les plus récurrents dans les établissements de santé. Dans le modèle anglo-saxon du care pathway, les parcours sont organisés selon les étapes des soins (de la prévention et des soins primaires aux soins de courte durée jusqu’à ceux de réadaptation) et comprennent toute la gamme des services ou d’interventions chroniquement constatés sur les patients concernés. De nombreuses études démontrent l’intérêt clinique de ce type de suivi, notamment parce qu’il permet de comparer les interventions afin de déterminer celles qui ont le plus d’impact et celles qui ont la plus grande valeur ajoutée pour le patient.

Ainsi, selon certains de ces travaux, en Grande-Bretagne, les parcours de soins permettraient de définir des normes de rendement clinique claires et explicites. Ils encourageraient la comparaison systématique des résultats réels avec ces normes. Au Canada, l’introduction, au cours des années 1980, d’outils de calcul des coûts cliniques et de budgétisation des parcours aurait joué un rôle important dans l’amélioration de la qualité des soins de santé. Sans que l’on sache toutefois exactement si ce sont les évolutions des outils de gestion ou des pratiques médicales qui ont permis cette amélioration…

Un système de financement qui reste ambigu

Parallèlement, dans les pays concernés par le parcours de soin, certaines études ou révélations font, au contraire, part de pratiques financières fondées sur un pilotage de la performance des parcours, provoquant des effets non attendus et particulièrement indésirables pour les patients.

Ainsi, en Grande Bretagne, plusieurs scandales ont mis en avant des pratiques (malheureusement déjà constatées en France avec la T2A) qui privilégient la santé financière des hôpitaux plutôt que celle des patients. En effet, les hôpitaux publics anglais perçoivent une rémunération lorsqu’ils utilisent un parcours de soins standardisé (care pathway) de préférence à une tarification à l’acte plus personnalisée. Cette incitation financière a amené certains établissements à privilégier le protocole standardisé souvent au détriment de la santé du patient (diminution ou suppression de certains traitements en fin de vie, décès prématurés pour absence de personnalisation de la prise en charge…).

L’ambition du parcours de soin est de faciliter le suivi et l’amélioration des pratiques médicales par leur standardisation. Pour les pathologies les plus chroniques, il est indéniable que ce système est très pertinent, d’autant plus que l’introduction progressive de la télémédecine permettra sans doute de fluidifier encore la prise en charge des patients. En revanche, les financements au parcours de soin restent très ancrés dans les logiques productivistes de la T2A, pourtant dénoncées par les praticiens médicaux tout comme par le gouvernement actuel.

Ceci est assez symptomatique des logiques de performance et de résultat (issus de ce que certains appellent le new public management) qui structurent ce mode de financement. Comme elles avaient, à partir de 2004 en France, défini la T2A…

La logique productiviste à l’hôpital demeure

Des travaux revenant sur dix ans de pratique de parcours de soin au Royaume-Uni ont suggéré que les principes qui sous-tendent les parcours de soins restaient très semblables à ceux de la gestion scientifique, elle-même étroitement liée à l’émergence de l’industrie de masse au XXe siècle. Avec le financement au parcours de soin, le danger pour le financement des hôpitaux reste le même : favoriser les activités standardisées et programmables qui entraînent des hospitalisations relativement courtes sans disposer, pour autant, de moyens complémentaires pour toutes les autres activités jugées plus complexes.

En matière médicale, comme souligné plus haut, les principes du parcours du soin peuvent créer des situations bénéfiques tant pour l’organisation des hôpitaux que pour la santé des patients. En revanche, ce sont les modalités de construction et d’application de ces parcours qui nécessitent une réflexion en amont pour sortir de la logique productiviste actuellement en vigueur à l’hôpital. À travers le Plan Santé, le gouvernement veut-il réellement en sortir ? En ces périodes de restrictions budgétaires généralisées, il est permis d’en douter.

Même si d’autres mesures de la réforme vont, sans aucun doute, dans le sens attendu par les acteurs de santé (notamment la création de postes d’assistants médicaux et de communautés territoriales de santé), la problématique essentielle, partiellement éludée par cette réforme, reste la coordination d’un ensemble d’acteurs de la santé dont les intérêts (notamment financiers) divergent.

Coordonner pour mieux organiser

Des travaux récents en management de la santé, concentrant leur attention sur la cartographie des parcours de soin (notamment en cancérologie), révèlent les difficultés liées à la faible coopération des acteurs pour construire puis s’insérer dans ces parcours.

C’est donc avant tout pour que les acteurs puissent travailler ensemble et fluidifier les parcours que des incitations financières doivent être mobilisées. Chaque territoire de santé, chaque nation disposent de ses propres spécificités médicales. Celles de la France restent encore assez peu tournées vers la prise en charge collective et coordonnée du patient.

Mobiliser le parcours de soin à la fois comme modalité de prise en charge des patients et mode de financement des établissements ne semble pas incompatible. Cependant ceci ne peut se réaliser qu’en acceptant l’idée de sortir quelque peu de la logique productiviste du système hospitalier français, qui use tant les esprits que les organismes à l’hôpital, sans améliorer pour autant les finances des établissements.The Conversation

Laurent Mériade, Enseignant chercheur en sciences de gestion – Titulaire de la chaire de recherche « santé et territoires » – IAE, Université Clermont Auvergne

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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