Les agriculteurs achèvent une semaine de manifestations contre les mesures d’austérité du gouvernement fédéral. D’autres secteurs se sont associés à la grogne. L’économie allemande vacille sur ses bases.
Des milliers de tracteurs et de camions ont convergé vers Berlin, ce lundi 15 janvier 2024, au terme d’une semaine d’actions dans tous les Länder. Devant la Porte de Brandebourg, une foule d’agriculteurs a accueilli le ministre des Finances, Christian Lindner, avec des huées. Sur les véhicules stationnés le long de la grande avenue berlinoise Unter den Linden, beaucoup de pancartes exprimaient leur défiance contre la coalition tripartite d’Olaf Scholz baptisée « feu tricolore » en raison des couleurs symbolisant les partis qui la composent : le parti social-démocrate, SPD, dont la couleur est le rouge, le parti libéral-démocratie, FDP, dont la couleur est le jaune et l’Alliance 90/Les Verts dont la couleur est le vert.
Contre la politique d’austérité
Les exploitants agricoles refusent la politique d’austérité du gouvernement qui se manifeste, notamment, par la baisse des aides publiques sur le gazole agricole. Ils ont été rejoints par les restaurateurs, les transporteurs et de nombreux artisans s’insurgent également contre les mesures d’austérité. Ce lundi, l’Association fédérale des PME explique que « les PME sont solidaires les unes des autres, les agriculteurs sont aussi des PME ». Tous dénoncent la politique du gouvernement de coalition. Et redoutent les effets de la mondialisation en raison de l’importation massive de produits à bas coût.
Les transporteurs et chauffeurs routiers
Les défilés de tracteurs qui paralysent l’Allemagne depuis plusieurs semaines ont fait prendre conscience à de nombreuses entreprises artisanales qu’elles étaient dans la même galère que les paysans. Le malaise agricole a fait tache d’huile et se déplace sur le terrain politique.
La fédération allemande des transports routiers, de la logistique et de l’élimination des déchets (BGL) participe aux manifestations avec les transporteurs et les chauffeurs routiers et s’oppose à une double tarification du CO2 pour le péage, plus le prix du diesel.
Le BGL estime que les coûts supplémentaires engendrés par la majoration du CO2 sur le péage des poids lourds au 1ᵉʳ décembre 2023 s’élèvent à environ 3,75 milliards d’euros pour l’année en cours. À cela s’ajouterait une somme estimée à 1,44 milliard d’euros en raison de l’augmentation de la taxe sur le CO2 au cours de l’année 2024, qui passera de 30 à 45 euros par tonne de dioxyde de carbone et se répercutera sur le prix du carburant.
La semaine dernière, le président de la BGL, Dirk Engelhardt, s’est offusqué : « Notre métier paie deux fois en ce moment. Et nous souhaitons que le gouvernement de l’Ampel retire cette double imposition ».
Les pêcheurs pénalisés par les parcs éoliens
Les pêcheurs de la côte de la mer du Nord manifestent également avec les agriculteurs. Ils refusent, eux aussi, la suppression du diesel agricole et de l’exonération fiscale pour les véhicules agricoles. Il en va de même pour l’augmentation des péages, a fait savoir l’association professionnelle des pêcheurs. D’autant que les pêcheurs ont perdu des zones importantes de pêche en raison de la construction de parcs éoliens en mer du Nord et en mer Baltique.
Les restaurateurs solidaires
Plus que d’autres sans doute, les restaurateurs sont associés aux agriculteurs et soutiennent leurs actions. « Avec l’Union des agriculteurs allemands, nous nous engageons pour que les aliments produits dans la région, tout comme les repas dans la restauration, restent abordables » déclare Guido Zöllick, président de DEHOGA (association professionnelle regroupant les métiers de l’hôtellerie et de la restauration). DEHOGA et 16 autres associations se mobilisent pour une taxation uniforme à 7% sur les repas.
Les restaurateurs critiquent surtout l’augmentation de la TVA sur les plats ainsi que la suppression des freins aux prix de l’électricité et du gaz, l’augmentation de la taxe CO2 et le nouveau péage pour les camions.
Artisans et commerçants
Les commerçants et les artisans critiquent sévèrement l’action de la coalition de l’Ampel. « Les tergiversations de la politique au cours des dernières semaines et des derniers mois ont fait perdre à nos entreprises leur confiance dans l’avenir », a déclaré Robert Wüst, président de l’association des chambres des métiers du Brandebourg. De nombreuses entreprises artisanales sont déçues par la politique actuelle du gouvernement fédéral. Les boulangers ou les bouchers, en particulier, craignent que la suppression des subventions aux agriculteurs ne renchérisse le coût des matières premières dans leurs entreprises ».
La paysannerie européenne menacée
Finalement, c’est toute l’économie allemande qui est impactée par la baisse des aides publique et l’augmentation du prix de l’énergie. Depuis la guerre entre la Russie et l’Ukraine et l’arrêt des importations de gaz et de pétrole russes, les prix ont flambé en Allemagne. L’Allemagne était dépendante à 55% du gaz russe et à 35% de son pétrole.
La crise économique pourrait vite se déplacer sur le terrain politique. Et rapidement se propager aux autres pays. L’Europe toute entière est au bord du chaos.
Foule massive à Berlin, la police dirige les agriculteurs vers le stade olympique, tellement c'est plein… pic.twitter.com/xpwaJs9fZV
— SILVANO TROTTA OFFICIEL (@silvano_trotta) January 15, 2024
Foule massive à Berlin, la police dirige les agriculteurs vers le stade olympique, tellement c'est plein… pic.twitter.com/xpwaJs9fZV
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