Caroline Diard, École de Management de Normandie – UGEI
Une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron était de réformer les retraites. Le projet consisterait à mettre en place un régime unique de retraite, où les droits seraient comptabilisés en points. Ce serait donc la fin les régimes spéciaux et des inégalités de traitement selon le statut ou le secteur.
Comment fonctionne le système actuel ?
De nombreuses réformes se sont succédé depuis 1982, année au cours de laquelle, l’âge légal de départ à la retraite est fixé par ordonnance à 60 ans. Le 15 novembre 1995, Alain Juppé, premier ministre, présente un plan de réforme de la sécurité sociale qui n’aboutira pas compte tenu de l’ampleur des grèves qu’il provoque.
En 2003 la loi portant réforme des retraites est promulguée et aligne progressivement le régime des fonctionnaires sur le régime général pour la durée de cotisation permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein. À partir de 2009, la durée de cotisation augmente d’un trimestre par an jusqu’en 2012. La loi introduit un système de décote et de surcote.
Sont créés également deux nouveaux dispositifs d’épargne retraite : le plan d’épargne retraite populaire (PERP) et le plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). La loi introduit un droit à l’information individuelle du salarié sur sa retraite.
En décembre 2012, la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale, prévoit l’accélération de la réforme des retraites : l’âge légal de départ à la retraite et l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein passent respectivement à 62 et 67 ans dès 2017. En 2003, la loi avait institué un droit individuel des assurés à être informés sur leur retraite.
Par la loi de janvier 2014 l’Union Retraite assure la mise en œuvre du droit à l’information retraite :
- retracer l’ensemble de leur carrière,
- vérifier les informations les concernant,
- connaître le montant approximatif de leur future retraite. Le relevé de carrière reprend les droits acquis au cours d’une carrière.
Le relevé de situation individuelle (RIS) est un relevé de carrière inter-régimes. Il reprend les droits que vous avez acquis dans tous vos régimes de retraite obligatoires de base et complémentaires. Les droits sont exprimés en trimestres (régime de base) et en points (régimes complémentaires).
La loi du 20 janvier 2014 assure la pérennité financière du système par répartition et accorde enfin à certaines catégories de travailleurs les droits qui leur avaient été refusés lors des réformes précédentes.
Rappelons qu’en France le système des retraites fonctionne par répartition : les cotisations, versées par les actifs au titre de l’assurance vieillesse, servent à payer les pensions des retraités actuels. Le système reposant sur le principe de la solidarité entre générations, son équilibre financier dépend du rapport entre le nombre de cotisants et celui des retraités.
Le système français, « fusée » à plusieurs étages
Pour comprendre l’enjeu de la réforme à venir il faut rappeler les sous-systèmes qui coexistent :
- La retraite de base gérée par la CNAV, Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, concerne les salariés du privé, ou agents non titulaire de l’état et des collectivités publiques et du personnel navigant de l’aviation civile. Au niveau régional, la CNAV est représentée par les caisses de retraite CARSAT. Actuellement, 18 millions de cotisants alimentent les pensions de 13 millions de retraités.
- Les régimes spéciaux constituent le quatrième bloc de régimes de Sécurité sociale (à côté du régime général, du régime agricole et du régime des travailleurs non salariés et non agricoles). Ces régimes fonctionnent sur la base d’une solidarité liée à une profession (par exemple régime des marins…) ou à une entreprise (SNCF…). Antérieurs à la création de la Sécurité sociale, ces régimes ont été maintenus par le législateur (décret du 8 juin 1946, aujourd’hui articles L 711-1 et R 711-1 du Code de la sécurité sociale).
- La retraite complémentaire obligatoire : tous les assurés de la retraite CNAV, CARSAT cotisent en plus à une ou deux caisses de retraite complémentaire selon leur statut professionnel. L’ARRCO concerne les salariés non-cadres ou cadres, du privé ou agricoles ou les agents non titulaires de l’état. L’ AGIRC concerne les cadres du secteur privé de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture.
- La retraite supplémentaire facultative (assurances vie, PERP, art 39 ; article 83) est perçue en plus de la retraite de base et de la retraite complémentaire. Elle revient à capitaliser. L’épargne retraite a d’ailleurs été ouverte à tous par la « loi Fillon » de 2003 qui a mis en place une incitation fiscale pour encourager la constitution d’une épargne retraite facultative.
Les mesures incitatives sont nombreuses en faveur des régimes facultatifs, ce qui laisse à penser que le système français tend résolument vers la capitalisation individuelle. En réalité deux systèmes coexistent pour la génération active : la répartition obligatoire et la capitalisation fortement conseillée. Ce qui revient à faire porter à une génération deux fois le poids de leur retraite. Cela questionne donc sur l’équité du système. Les générations actives n’ont pas la garantie du même « retour sur investissement » que les générations précédentes…
Les dysfonctionnements
À l’iniquité possible du système en constante évolution, s’ajoutent bien des dysfonctionnements :
Certains actifs vont un jour devenir des polypensionnés, terme barbare qui désigne une retraite qui bénéficie du versement de plusieurs systèmes. C’est le cas des salariés du privé ayant exercé également dans la fonction publique par exemple.
Parmi les régimes spécifiques, on notera que la CIPAV a dernièrement fait couler beaucoup d’encre. De nombreux autoentrepreneurs ont eu en effet la surprise de voir que les trimestres cotisés n’étaient pas validés. La Cour des comptes a pointé du doigt ce problème. Tout serait depuis rentré dans l’ordre !
Plus grave, car cela concerne tous les salariés du régime général : les points ARRCO et AGIRC ne sont pas validés pour certains actifs qui doivent donc en faire réclamation. C’est une situation ubuesque et inacceptable. En effet, tous les employeurs du privé transmettent en janvier les données sociales aux caisses de retraite. Depuis la dématérialisation du dispositif, des erreurs sont constatées alors que durant toutes les années où la DADS était en « version papier » moins d’erreurs étaient notables.
Les caisses se renvoient la balle suite aux fusions et transferts divers – l’Accord national interprofessionnel (ANI) signé par les partenaires sociaux le 13 mars 2013 vise à rationaliser les coûts de gestion des institutions de retraite complémentaire Agirc et Arrco. L’une des mesures mises en place est donc le regroupement obligatoire des adhésions Agirc-Arrco des entreprises qui cotisent auprès de plusieurs groupes de protection sociale.
Mais les agents des plateformes téléphoniques sont parfois dans l’incapacité d’apporter les renseignements utiles. L’usager-cotisant n’est pas au centre des préoccupations. Il est pourtant le cœur du système et en assure la pérennité. Un minimum de bienveillance et de respect pourrait améliorer la perception du service. Fort heureusement, les cotisants peuvent obtenir des informations via les sites web dédiés et consulter leur RIS (relevé individuel de situation), les actifs peuvent se connecter aussi sur un nouveau service qui permet de créer un compte personnel tout comme le compte personnel de formation.
Ce nouveau compte personnel consiste tout simplement en un portail en ligne pour connaître ses droits à retraite (période validée, date éventuelle de départ à taux plein, etc.), ainsi que ses interlocuteurs (régimes et caisses de retraite) et selon son âge d’estimer le montant de sa pension. De leur coté, les CARSAT proposent désormais d’effectuer des demandes de retraite en ligne. L’Agirc et l’Arcco doivent par ailleurs fusionner en 2019, date à laquelle un guichet unique de demandes de retraite en ligne devrait voir le jour.
Il est difficile de s’y retrouver dans le maquis des sites web et devant la difficulté à effectuer une reconstitution de carrière, certaines sociétés privées se proposent moyennant finance de l’effectuer à la place du cotisant.
La simplification avance et semble aller dans le bon sens. Mais les réformes successives ont été entachées de grave dysfonctionnement, préjudiciables aux cotisants. Les citoyens sont trop souvent démunis devant la difficulté de s’y retrouver, de recouper les informations et de faire valoir leurs droits. Le guichet unique pourrait donc être une bonne solution, à condition que les informations « remontent » correctement et chaque année…
Caroline Diard, Enseignant-Chercheur en Management des Ressources Humaines – Laboratoire Métis, École de Management de Normandie – UGEI
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.