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Les compétences clés de l’industrie du futur

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Les profils hybrides vont être de plus en plus recherchés par les entreprises.
PaO_STUDIO/Shutterstock

Martine Assar Leinenweber, Institut Mines-Télécom (IMT)

« Que les nouvelles technologies aient pour but d’augmenter ou d’automatiser le travail, le renforcement des compétences est une urgence », assure Laurence Morvan, directrice de cabinet du PDG d’Accenture, dans une étude du cabinet parue en septembre 2018. Par ailleurs, « les dirigeants d’entreprise doivent comprendre comment la technologie va remodeler la nature du travail dans leur secteur, et anticiper le nouvel éventail de compétences que leurs employés devront maîtriser ».

Ce constat est une des conséquences de la révolution digitale qui investit tous les secteurs et toutes les entreprises. Il s’agit d’un phénomène « perturbateur » et « disruptif » qui oblige celles-ci à repenser rapidement leurs modèles et leurs processus opérationnels. Ce phénomène n’est plus seulement un problème technologique, ni une question de vision stratégique, mais un défi réel et profond qui implique tout le capital humain. Il nécessite le développement de nouvelles compétences dans tous les domaines d’activité des organisations.

« Polycompétence », capacités d’adaptation et soft skills

Le projet « Osons l’industrie du futur » piloté par l’Alliance Industrie du Futur est né en 2016 dans le cadre d’un Programme d’investissements d’avenir (PIA) ; c’est un projet collaboratif associant plusieurs partenaires de secteurs différents (UIMM, ONISEP, ENSAM et IMT). Ses objectifs sont de rendre plus attractive l’image de l’industrie et de ses métiers sur le marché de l’emploi, de favoriser l’accès de tous aux métiers industriels, et de renforcer les échanges jeunes/entreprises. Grâce à une démarche d’identification des compétences, et particulièrement des compétences de demain, cela a permis de créer des kits de compétences pour 15 métiers de 5 secteurs différents (maintenance, management, big data, production et supply chain).

« Le projet « Osons l’industrie du futur » à l’IMT », vidéo de présentation avec Martine Assar, chef de projet.

Ces travaux soulignent également que l’usage de nouveaux outils de travail a des conséquences sur les compétences techniques des travailleurs (ces compétences étant plus facilement soumises à l’obsolescence) : la technologie permet maintenant de travailler à distance, de travailler en groupe et en mode projet avec une organisation des entreprises qui doit suivre ce mouvement d’accélération et de transformation. La demande des acteurs de terrain va vers une permanence d’un socle de connaissances techniques de base. Ce socle ne va sûrement pas diminuer, car la demande évolue vers des profils de spécialistes et d’experts. Cependant, il ne sera plus aussi prédominant. Demain, il faudra des personnes polyvalentes, « polycompétentes » avec une capacité très forte à s’adapter à différentes situations tout en travaillant dans la multiculturalité, une capacité à assimiler la stratégie et la culture de son entreprise, ainsi que celle de développer une vision systémique sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Bref, la demande va vers un assemblage de compétences, des savoir-faire certes, mais des compétences comportementales également : les entreprises ont besoin de profils d’individus plus agiles, créatifs, communicants, autonomes et responsables, autant de compétences non exhaustives que l’on peut qualifier de soft skills, de compétences comportementales, ou compétences socio-émotionnelles. Selon le site l’Observateur de l’OCDE, « les employeurs ont reconnu en elles des facteurs clés de dynamisme et de flexibilité. Une force de travail dotée de ces compétences est à même de s’adapter continuellement à la demande et à des moyens de production en constante évolution ».

Loin de vouloir des profils type « mouton à cinq pattes », les entreprises recherchent ainsi plutôt des profils hybrides (ex. un ingénieur-manager, un informaticien-designer, etc.). D’après le « Portrait de l’Ingénieur 2030 » réalisé par l’Institut Mines-Télécom, l’hybridation des cultures techniques, économiques et sociétales doit mettre en valeur des territoires nouveaux à l’interface de plusieurs domaines, avec le design comme culture emblématique. Par exemple, dans la formation d’ingénieur, il faudrait réintroduire dans le corpus des formations « des humanités » (les lettres, et une partie des sciences humaines et sociales) pour favoriser la transversalité des connaissances et l’assimilation de compétences comportementales.

« Portrait de l’ingénieur du futur », interview de Bertrand Bonte, directeur développement & métiers de l’Institut Mines-Télécom pour Xerfi canal (2015).

À mesure que les machines progressent, les aspects strictement humains du travail auront une importance croissante. C’est d’ailleurs tout le débat entre la force de l’intelligence artificielle face à l’intelligence humaine moins « puissante » mais plus « fine » par ses intuitions et son savoir-être social, entre autres.

Nouveaux modes d’apprentissage

Un autre enjeu de cette identification des compétences de demain concerne la manière, les moyens et les modes de transmission de ces compétences. L’idée principale est bien celle de la reformation permanente des salariés dans l’objectif d’améliorer leur employabilité, qui est un facteur important de la compétitivité des entreprises. Les nouvelles technologies ont permis ces dernières années de favoriser une libération des pratiques pédagogiques, avec un foisonnement d’expérimentations et d’innovations afin de sortir les apprenants d’un cadre traditionnel d’apprentissage. Ainsi, on découvre de nouveaux modes d’apprentissage qui requièrent de nouvelles ingénieries pédagogiques (tutoriels, blended learning, MOOC, SPOC, COOC, learning expedition, serious games, hackathon, escape game, etc.).

Il s’agit donc d’encourager les pratiques collaboratives, la co-construction, et d’instaurer des pratiques de mentoring (et de reverse mentoring) pour accélérer le partage des savoirs. La Formation en situation de travail (FEST) fait partie de ces nouveaux outils de formation. Elle repose sur la création d’un binôme référent-apprenant et part de ce que sait et sait faire l’apprenant. Dans ce mode d’apprentissage, c’est l’apprenant qui construit à sa façon le savoir à acquérir avec d’autant plus d’implication et d’engagement que ce savoir a été une construction personnelle qu’il pourra, avec cette démarche, faire évoluer en fonction des besoins qui se présenteront.

Dans le contexte très mouvant de la transformation numérique que nous sommes en train de vivre, il y aura de profondes évolutions du contenu et de la structure de l’emploi. C’est pourquoi la nécessité d’une anticipation des compétences de demain à acquérir pour être en adéquation avec les besoins d’une économie dynamique et performante sera essentielle.

Le projet « Osons l’industrie du futur » a permis d’illustrer des tendances : les travailleurs s’orienteront vers des métiers à plus forte qualification faisant appel à la créativité, à l’intelligence émotionnelle, à l’agilité, à la collaboration. Il faut donc que tous les acteurs de la formation (écoles, universités, entreprises, organisations syndicales, etc.) aident chaque individu à atteindre les compétences attendues en créant des passerelles, pour favoriser les échanges, les collaborations, et les interactions. Cela devra passer par des stratégies de formation d’envergure qui favoriseront la curiosité et le goût d’entreprendre pour que chacun puisse apprendre à mieux apprendre.The Conversation

Martine Assar Leinenweber, Chef de projet Industrie du futur, Institut Mines-Télécom (IMT)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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