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Climat des affaires : optimisme record en Europe

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Les niveaux enregistrés aussi bien en Europe qu’aux États-Unis permettent d’anticiper un maintien de la croissance économique sur des niveaux relativement importants.
Pixabay, CC BY

Philippe Dupuy, Grenoble École de Management (GEM)

Grenoble École de Management et l’association des Directeurs financiers et des contrôleurs de gestion (DFCG) recueillent chaque trimestre l’avis des responsables financiers français. Les résultats sont agrégés au niveau mondial par un réseau d’universités coordonnées par Duke University aux États-Unis. Pour le quatrième trimestre 2017, l’enquête s’est déroulée du 21 novembre au 7 décembre 2017.


Notre indicateur de climat des affaires s’inscrit, à nouveau, en hausse en Europe ce trimestre pour atteindre 66,9 contre 63,4 au trimestre précédent sur une échelle de zéro à cent. C’est le plus haut niveau que nous avons observé depuis l’origine de notre série en 2002. Le précédent point haut datait de décembre 2006 (66,3). Sur un an glissant, l’indicateur enregistre un bond de plus de 10 points (56,6 en décembre 2017). Il est essentiellement tiré par l’Allemagne (78,6) et la France (64,5) mais il est frappant de constater que pour la première fois depuis la crise de 2008, l’ensemble des pays pour lesquels nous avons des données dépasse le niveau de 55 et affiche un niveau d’optimisme compatible avec une croissance économique soutenue.

Néanmoins, certains pays restent à la traîne. C’est le cas du Royaume-Uni, qui ferme la marche avec un niveau d’optimisme de 58, soit près de 9 points en deçà de la moyenne de ses voisins européens. Nous observons cet écart défavorable à l’économie britannique depuis le vote du Brexit en juin 2016. Il est important néanmoins de noter que nous n’avons pas de données pour la Grèce pour ce trimestre, pays qui affiche généralement les plus bas niveaux d’optimisme selon notre indicateur.

Aux États-Unis, le climat des affaires reste encore très favorable à la croissance : il s’établit à 68,6 contre 65,9 au trimestre précédent. Ces niveaux restent cependant en deçà du point le plus élevé que nous observons sur l’ensemble de la série : 73,6 en mars 2004. Il est important de noter que les niveaux enregistrés aussi bien en Europe qu’aux États-Unis permettent d’anticiper un maintien de la croissance économique sur des niveaux relativement importants. Mais l’Europe a désormais rattrapé le retard cyclique de quelques trimestres régulièrement observé par le passé. La fermeture de cet écart pourrait indiquer un ralentissement de la progression des climats des affaires dans les deux zones pour les trimestres à venir.

Dans le reste du monde, le climat des affaires continue aussi de s’améliorer. En Amérique latine, nous enregistrons un optimisme moyen de 73 avec notamment 71 au Pérou et au Mexique. Au Brésil, le climat des affaires semble désormais stabilisé sur des niveaux permettant une accélération de la croissance (61). Seul point noir de notre tableau : l’Équateur, qui affiche un optimisme extrêmement faible à seulement 28.

En Asie, le climat moyen des affaires fait un bond de 6 points environ pour atteindre 66,0 contre 60,2 au trimestre précédent. L’ensemble des pays pour lesquels nous recueillons des données se situe au-dessus de 50, c’est-à-dire sur des niveaux favorables à une croissance de l’activité. Enfin, en Afrique, les indicateurs de climat des affaires continuent de s’améliorer pour atteindre 53 contre 52 au trimestre précédent.

Accélération de l’innovation

Pour ce trimestre, nous avons demandé aux responsables financiers des entreprises d’évaluer l’impact des innovations sur leur activité. Les résultats montrent que 52,4 % des entreprises en Europe observent une accélération du rythme des innovations depuis trois ans. C’est particulièrement le cas pour les grandes entreprises du secteur de la finance (75 %) et de la technologie (79 %). En revanche, lorsqu’il s’agit du commerce aux détails, l’accélération des innovations n’est perçue que par 25 % des entreprises. C’est en Allemagne que les entreprises ont très majoritairement répondu « oui » à cette question (82,6 %) et c’est d’ailleurs en Allemagne que l’effort d’adaptation apparaît comme le plus important. Ainsi, 94,7 % des entreprises d’outre-Rhin déclarent augmenter leurs investissements et 78,9 % les budgets de R&D pour faire face à cette accélération.

En France, la perception est bien plus mesurée puisque seules 37 % des entreprises semblent devoir faire face à une accélération des innovations. En réaction, en France, seules 76,5 % des entreprises augmentent les dépenses d’investissement et 52,9 % font un effort en termes de R&D. En comparaison, aux États-Unis, 66 % des entreprises constatent une accélération des innovations et répondent par plus d’investissement (76 %) et plus de R&D (46 %).

Néanmoins, de manière rassurante, nous n’observons pas d’emballement des comportements face à l’accélération des innovations. Ainsi, en Europe, peu d’entreprises cherchent à s’engager dans des projets plus risqués. Elles sont également peu nombreuses à réduire leur horizon de gestion, voire à changer leurs méthodes de travail. Ce n’est pas tout à fait le cas aux États-Unis où 63 % des entreprises déclarent gérer leurs opérations à plus court terme et 31 % indiquent choisir des projets plus risqués.

Équilibre vie professionnelle/vie personnelle

Pour ce trimestre, nous avons également interrogé les responsables financiers quant à l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. La majorité d’entre eux nous ont indiqué vouloir diminuer leur temps de travail, et ce d’ailleurs quel que soit le volume de celui-ci aujourd’hui. De manière surprenante, c’est en Europe continentale et dans certains pays d’Asie que le volume horaire quotidien semble le plus important, en particulier dans les grandes entreprises.

Par exemple en France, un responsable financier consacrerait selon nos observations 75 % de son temps « d’éveil » quotidien à l’activité professionnelle, soit environ 60 à 65 heures par semaines. Paradoxalement, dans la sphère anglo-américaine, ce temps professionnel n’occuperait que 66 % du temps d’éveil pour un total d’environ 55 heures par semaine à temps de sommeil égal. Pour combler cet écart, il faudrait qu’un responsable financier américain dorme 2h30 de moins que son équivalent français chaque jour ! C’est bien entendu la prise en compte du nombre de jours travaillés qui permet de rétablir la balance, les jours de congé étant plus nombreux en Europe continentale… Mais encore faut-il pouvoir les prendre !


L’enquête Duke University–Grenoble École de Management mesure chaque trimestre depuis plus de 20 ans le climat des affaires tel que perçu par les responsables financiers des entreprises à travers le monde. L’enquête est courte (environ 10 questions). Elle recueille plus de 1 200 réponses anonymes d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles. C’est désormais la plus grande enquête de ce type dans le monde. Une analyse détaillée par pays peut être envoyée à chaque participant.

The ConversationLes datavisualisations de cet article ont été réalisées par Diane Frances.

Philippe Dupuy, Professeur Associé au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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