« La compréhension de l’homosexualité a peu progressé au Japon », constate le réalisateur Daishi Matsunaga, dont le film n’est pas juste une histoire d’amour gay, mais plutôt « un film sur une expérience humaine ».

Adaptation d’un roman de Makoto Takayama, le titre du film de Daishi Matsunaga, « Egoist » (sortie le 8 octobre) pourrait nous envoyer sur une fausse piste : « Egoist parle en réalité d’altruisme et d’attention aux autres », estime le réalisateur. Egoïste, le personnage principal pourrait pourtant le paraître, ce Kōsuke (joué par Ryōhei Suzuki), beau gosse, chic et élégant, qui ne porte que des vêtements de marque et des sacs de luxe, habite dans un bel et grand appartement, dispose de revenus confortables, travaille pour un magazine de mode, et fréquente le milieu gay intello de Tokyo.
Soucieux de sa forme et de son apparence, il embauche un jeune coach sportif, « un garçon adorable », Ryūta (Hio Miyazawa), qui trouve son nouveau client « très attirant ». Ainsi commence une histoire d’amour entre le « bourgeois » et le jeune homme désargenté, qui vit avec sa mère malade et se démène pour s’occuper d’elle. « Je vais t’acheter », finit par dire le plus riche, offrant des cadeaux, des sushis pour la maman, glissant des enveloppes, et achetant même une voiture à son jeune amoureux qui enchaîne les petits boulots, déménagements la journée et plonge le soir…
Une leçon de tolérance
Ado rejeté pour son homosexualité, Kōsuke avait fui la province après la mort de sa mère alors qu’il avait quatorze ans ; aujourd’hui encore, son père reste dans l’ignorance de la vie intime de son fils. Sous sa beauté apparente, Kōsuke va montrer qu’il n’est pas si « Egoist » que ça et va à son tour, lorsqu’il le faudra, prendre soin de la mère de son amant. Celle-ci donne d’ailleurs une leçon de tolérance, dans un pays où deux hommes ne s’autorisent pas à se donner la main dans les rues de la capitale, et où l’homosexualité a été si peu évoquée par le cinéma japonais.
« La compréhension de l’homosexualité a peu progressé au Japon », note le réalisateur, qui a confié les deux rôles masculins à des acteurs populaires au Japon, où Ryōhei Suzuki est notamment connu pour des films d’action (il incarne ainsi « Nicky Larson »). Avec ce récit, lent et délicat, Daishi Matsunaga évoque avec tendresse le dévouement d’un fils « formidable », la douleur du deuil, les sentiments, et rend cette histoire proche de tous : « Je n’essayais pas vraiment de faire un film sur une histoire d’amour gay, mais plutôt un film sur une expérience humaine », assure-t-il, « Dans ce pays où l’on attache une grande importance à la manière dont on s’intègre dans la société, je considère qu’il est plus que jamais essentiel d’accorder de la valeur à son propre bonheur et à ses propres sentiments ».
Patrick TARDIT
« Egoist », un film de Daishi Matsunaga, avec Ryōhei Suzuki (sortie le 8 octobre).
