« J’ai essayé de trouver l’esprit de Bob et de ne pas l’imiter. J’ai tout appris de lui avec sa famille et ses amis », confie l’acteur Kingsley Ben-Adir, qui incarne le charismatique « reggae man » dans le film de Reinaldo Marcus Green, « One Love ».
Vert-jaune-rouge, l’arc au-dessus de la scène du Grand Rex, à Paris, était aux couleurs du drapeau jamaïcain pour l’avant-première de « Bob Marley : One Love », un film de Reinaldo Marcus Green avec l’acteur Kingsley Ben-Adir dans le rôle du charismatique « reggae man » (sortie le 14 février). Sur scène avec eux, Ziggy Marley, fils aîné de Bob, fier « de diffuser le message d’amour » de son paternel. Car ce long-métrage de fiction est un vieux projet de la famille Marley, coproduit par Rita l’épouse et choriste, et ses enfants Ziggy, Cedella, et Stephen.
Après Elton John, Freddie Mercury, Whitney Houston, Elvis… c’est maintenant au tour d’une autre star de la pop culture d’avoir son biopic musical. « On n’aurait pas pu faire le film sans la famille, tout d’abord parce qu’ils ont les droits de sa musique », confiait Reinaldo Marcus Green, le lendemain matin, lors d’une conférence de presse dans un salon du Bristol, à Paris. « Le biopic n’était pas mon genre, mais Ziggy voulait vraiment un réalisateur avec sa propre vision, et pour tous les départements du film, c’était génial d’avoir la famille sur le tournage, Ziggy est comme une extension de Bob, c’était comme d’avoir un grand-frère sur le tournage », ajoute le cinéaste, qui avait réalisé « La Méthode Williams », avec Will Smith dans le rôle du père de Venus et Serena, les sœurs championnes de tennis.
« Exodus est un album qui a changé la musique »
« Bob Marley : One Love » commence avec la préparation d’un concert de la paix, à Kingston en 1976, dans une Jamaïque au bord de la guerre civile. Et l’irruption d’un commando dans sa maison de Hope Road, une tentative de meurtre contre Bob, Rita (jouée par Lashana Lynch), et les musiciens. Marley se réfugie ensuite à Londres où, entre jogging et parties de foot, il enregistre avec The Wailers un album pour le producteur Chris Blackwell, patron de Island Records. Ce sera « Exodus », élu meilleur album du XXème siècle par le magazine Time. En pleine période punk, le reggae, « musique du peuple », devient un phénomène mondial, Bob Marley and The Wailers enchaînent les tournées internationales, jusqu’au retour triomphal en Jamaïque, en 1978, pour le fameux One Love Peace Concert.
« Exodus est un album qui a changé la musique, qui a changé le reggae », estime Reinaldo Marcus Green, qui ne manque pas de rappeler que son second prénom est celui de Marcus Garvey, inspirateur des rastafaris et donc du prophète aux dreadlocks. « J’ai tourné ma première série télé, Top Boy, en Jamaïque et à Londres, et la première fois où je suis allé en Jamaïque je dormais chez Kevin MacDonald, qui a tourné le premier documentaire sur Bob Marley », précise le réalisateur. Sorti en 2012, « Bob Marley. The definitive story » était alors un portrait plus réaliste de la « superstar du Tiers-Monde ».
« On voulait le rendre plus humain »
« J’adore ce documentaire, il m’a ouvert la porte, il a dit beaucoup de choses, on voulait trouver un autre fil rouge, on s’est concentrés sur une période serrée 1976-78, il y a tellement de choses à raconter sur Bob Marley, encore aujourd’hui », estime Green, « C’est une histoire incroyable, Bob Marley est sur des t-shirts, des badges, des pin’s… C’est une icône, il est universel mais on voulait le rendre plus humain, montrer que c’est aussi un père, un mari, un ami (…) Kingsley Ben-Adir montre son côté humain, vulnérable, Bob Marley a l’air cool, mais dans sa vie privée il était difficile, Kingsley montre son humanité ».
Avant de préparer ce rôle, « Une expérience vraiment complexe », le comédien ne connaissait que « juste un peu » (dit-il en français) la vie du chanteur. « J’ai tout appris sur Bob Marley avec sa famille et ses amis », assure Kingsley Ben-Adir, qui a aussi incarné Barack Obama et Malcolm X, et joué un Ken dans « Barbie ». « Je suis très différent de Bob physiquement », ajoute-t-il, et on peut effectivement le trouver trop « beau gosse » pour incarner l’émacié Marley.
« J’ai essayé de trouver l’esprit de Bob et de ne pas l’imiter, quand il danse et quand il chante il y a quelque chose de profondément spirituel », dit-il, « Je l’ai regardé danser, et je ne pouvais pas m’arrêter de le regarder, c’était fou. J’ai passé beaucoup de temps à seulement le regarder », confie le comédien, qui a travaillé avec une chorégraphe pour danser à son tour « les yeux toujours fermés » et exprimer « son intensité dans les mouvements » : « Ce qui est ironique chez Bob, c’est qu’on pense qu’il est cool et en fait il y a beaucoup de tension en lui ».
Pas si sexe, drogue, et reggae
Pour les séquences musicales, Kingsley Ben-Adir était entouré de fils des Wailers incarnant leur père, Aston Barrett Jr dans le rôle de son père, le bassiste Family Man, David Kerr fils du guitariste Junior Marvin, Stephen Marley fils de Bob à la supervision musicale. Pour jouer le « jeune lion », « messager de la paix », l’acteur s’est familiarisé avec la culture rastafari et son messie, Hailé Sélassié, l’empereur d’Ethiopie. « Le rastafari est une religion mais c’est aussi un mouvement politique, assez complexe (…) One Love est un message universel, c’est l’histoire d’un homme et de sa recherche de paix intérieure, de sécurité, j’ai beaucoup médité sur la personnalité de Bob », dit Kingsley Ben-Adir, « La résilience, c’est très jamaïcain, c’est culturel ».
« Je ne comprenais pas ce qu’il chantait, mais en étudiant ses paroles j’ai compris sa lutte, et je suis heureux de transmettre ce message », estime Reinaldo Marcus Green, dont la chanson de Bob Marley préférée est « Redemption Song ». Son film est à sa façon une rédemption de la star du reggae, mort le 11 mai 1981, à 36 ans, le lendemain de l’élection de François Mitterrand. Car tout ce qui pourrait blesser ou fâcher la famille, la « part d’ombre », n’est évoqué que furtivement, au détour d’une scène, d’un dialogue. Trop propre, trop hollywoodien, ce récit est assez éloigné de la trilogie sexe, drogue, et reggae, son objet étant plutôt de relancer la franchise.
Cependant, ce qui plaira assurément aux spectateurs, c’est que l’essentiel, à savoir les chansons et la voix de Bob Marley, sont bien là et c’est un vrai plaisir de réentendre ses hymnes, « One love », « Il shot the sheriff », « Rit it up », « Redemption Song », « No woman no cry », « Could you be loved »… Yeah, man !
Patrick TARDIT
« Bob Marley : One Love », un film de Reinaldo Marcus Green, avec Kingsley Ben-Adir (sortie le 14 février).