Coïncidence ! Quelques jours seulement après la disparition de Sean Connery, le premier « James Bond » à l’écran, une nouvelle biographie de l’auteur de la série, Ian Fleming, vient de sortir.
Tout autant que son héros de fiction mondialement célèbre, sans doute beaucoup plus que ceux qui l’ont incarné, le père de l’agent secret britannique 007 a eu de multiples vies … et bien des conquêtes féminines.
En refermant les 340 pages de cette biographie, on est obligé de constater à quel point l’auteur a mis une grande part de lui et de sa vie mouvementée dans un personnage désormais mythique.
Né en Écosse dans une famille plutôt aisée, Ian Fleming a parcouru le monde entier. Etudiant plutôt moyen, son éducation supérieure ne se fera ni à Oxford ni à Cambridge mais a Sandhurst, l’école de formation des officiers de l’armée de terre britannique.
Ses débuts dans l’écriture se font au sein de la prestigieuse Agence Reuters. Des débuts placés sous le signe de la nécrologie. On lui confie en effet la mise à jour de ce que l’on appelle dans le milieu journalistique « la viande froide ». Mais ses qualités sont vite décelées et le propulsent vers les sommets. Il est envoyé à Moscou puis Berlin comme correspondant permanent.
Pressenti pour représenter l’agence à Shanghai, il démissionne brutalement et bifurque vers le milieu de la Finance. Attiré qu’il est par des revenus beaucoup plus substantiels il reprend pied à Londres.
Aucun scrupule
Dans cette seconde biographie en français*, l’historien Christian Destremau brosse un portrait très précis et excessivement bien documenté mais pas toujours à l’avantage de celui qui, tout au long de sa carrière d’auteur, a vendu plus de 100 millions d’exemplaires.
Playboy frivole, dilettante, sans grande ambition, avec un mépris aristocratique pour le carriérisme, il ne travaille pas beaucoup. Pire ! En matière amoureuse il ne prend guère de gants ! Destremau évoque cet épisode navrant. En mai 1935 Ian Fleming décide de convoiter la femme d’un de ses meilleurs amis, fraichement marié.
« Il n’avait strictement aucun scrupule. S’il voyait quelqu’un qui lui plaisait, il pensait qu’il devait l’avoir pour lui. Je ne cherche pas à me vanter : il voulait quelqu’un et c’est tombé sur moi » racontera sa conquête. » Pas plus scrupuleuse que lui d’ailleurs.
« Le sexe prend dans sa vie une place de plus en plus importante, peut-être parce qu’il est insatisfait de son sort et craint l’ennui » explique Destremau. « Il collectionne les ouvrages pornographiques, notamment d’origine française, et n’hésite pas à les extraire de leur cachette pour les feuilleter devant les jeunes femmes qu’il reçoit à dîner. Quant aux ‘’ choses sérieuses’’, sa règle de base pourrait être celle du titre du court récit de Vivant Denon : Point de lendemain. »
Les services secrets
C’est la guerre qui plongera Fleming dans le monde du renseignement. Il y trouvera son inspiration et prendra toute la « substantifique moelle » qui nourrira les aventures futures de son héros. La plupart écrites dans les années 50.
Sa proximité avec le monde des services secrets britanniques est indéniable « Fleming a joué en 1941 un rôle dans la création de l’OSS – Office of Strategic Services –, l’organisation qui a précédé la CIA » explique Christian Destremau. Vétéran des services de renseignements navals, Fleming est de toute évidence resté en contact avec l’Intelligence Service. Son frère Peter, lieutenant-colonel Robert mais aussi Wilfred Dunderdale, un espion du MI6 serviront de sources d’inspiration essentielles pour créer le personnage de James Bond.
Pour la petite histoire, quand un producteur décidera de porter ses livres à l’écran, Fleming se montrera au départ très réticent sur le casting et le choix définitif de Sean Connery pour incarner James Bond. L’écrivain, écossais lui-même, trouvait l’accent de l’acteur beaucoup trop marqué…
Ian Fleming Les vies secrètes du créateur de James Bond par Christian Destremau. Editions Perrin 2020
* Jacques Layani, Ian Fleming, on ne lit que deux fois Écriture, 2008