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La leçon des « Champions »

« Les comédiens irradient l’authenticité et l’engagement », assure le cinéaste espagnol Javier Fesser, qui a tourné une comédie avec des acteurs amateurs et handicapés mentaux.

C'est une équipe pas comme les autres que ces Amigos, qui compensent leur maladresse par la logique du coeur.
C’est une équipe pas comme les autres que ces Amigos, qui compensent leur maladresse par la logique du coeur.

« Il y a deux types de personnes : celles qui sont diagnostiquées et celles qui sont encore à diagnostiquer », estime Javier Fesser. « Malheureusement, j’appartiens au groupe qui passe 80% de son intelligence à masquer ses handicaps », ajoute le réalisateur espagnol de « Champions » (sortie le 6 juin). « Le film raconte l’histoire d’un entraîneur qui se retrouve dans un monde d’extraterrestres et qui finalement va se rendre compte que l’extraterrestre c’est lui », dit-il.

Un soir d’engueulade avec son boss et d’oubli dans l’alcool, ce coach de basket (joué par Javier Gutiérrez) est pris par la patrouille, puis condamné à des travaux d’intérêt général : entraîner Los Amigos, une équipe pas comme les autres, uniquement composée d’handicapés mentaux. Tous interprétés par des handicapés et acteurs amateurs pour la plupart.

« C’est ce qui donne au film son authenticité », disait Javier Fesser, lors de l’avant-première parisienne à l’UGC Ciné-Cité Bercy, où il était venu en compagnie de quelques-uns de ses acteurs, Gloria Ramos, Sergio Olmos, et Jesus Vidal. « C’est un film basé sur la réalité, qui fait le portrait de personnes qui irradient l’authenticité et l’engagement, et fonctionnent avec la logique du cœur, ils m’ont donné une grande leçon », assure le réalisateur, « J’ai commencé ce film en pensant que nous étions tous égaux, et je l’ai fini en pensant que nous sommes tous formidablement différents ».

« J’ai ressenti pour eux une empathie incroyable »

L'affiche du film
L’affiche du film

Le lendemain matin, on retrouvait la même équipe au Bistrot des Cinéastes, où Javier Fesser évoquait le tournage de « Champions » : « Je crois que le plus grand défi a été de faire le portrait de ces personnes qui souffrent de handicap mental de la manière la plus juste et la plus vraie qui soit. Constituer une équipe, ça a été l’expérience la plus passionnante, le casting a vraiment été le moment où j’ai pu faire une immersion profonde dans le monde et dans la vie de ces personnes, que je ne connaissais pas du tout avant ».

Ses « Champions » maladroits lui ont donné la même leçon de vie qu’ils donnent dans le film à leur coach, et aux spectateurs. « La logique voudrait que je m’identifie au coach, mais en vérité je m’identifie bien plus à l’équipe, quand j’ai lu le scénario j’ai ressenti pour eux une empathie absolument incroyable et une volonté de partager ce regard tellement frais, honnête et authentique », assure Javier Fesser, « En faisant ce film, j’ai rencontré des personnes qui ne jugent pas les autres et n’opèrent pas de classification ».

Pour évoquer la différence et faire tomber les clichés, le cinéaste a choisi l’humour et la comédie : « Les personnes dont le film fait le portrait ont un regard extrêmement positif, extrêmement joyeux, humain, plein d’humour, et ça ne pouvait que se refléter dans le film, inévitablement », dit-il, « Les comédiens étaient d’une incroyable générosité et avaient cette capacité d’enthousiasme, ça m’a permis de faire le film de manière facile, passionnante, et joyeuse, ce n’est pas la moindre qualité de la chose ».

Ce que confirme Gloria Ramos, aussi espiègle à l’écran que dans la vie : « Finalement, on a fait des choses en équipe et c’était comme jouer au théâtre, c’était facile. Toute petite, je voulais être comédienne, finalement c’était ma première expérience de cinéma, mais du coup maintenant je fais du théâtre ». « Comme c’était mon premier film, au début c’était un peu difficile », ajoute le souriant Sergio Olmos, « Mais petit à petit, avec l’aide de Javier Fesser, des techniciens, et des autres comédiens, je me suis aperçu que ça fonctionnait et on a réussi à se libérer de nos peurs, j’étais très content ».

« L’humanité, la générosité, l’honnêteté »

Le coach est interprété par l'acteur Javier Gutiérrez (à gauche), ici face à Jesus Vidal.
Le coach est interprété par l’acteur Javier Gutiérrez (à gauche), ici face à Jesus Vidal.

« Je suis acteur professionnel depuis cinq ans, au théâtre, je joue dans une œuvre qui s’appelle ‘’Cascaras Vacias’’ (‘’Coquille vide’’), une coproduction du Centre dramatique national d’Espagne. Champions a été ma première expérience de cinéma », confie Jesus Vidal, grand fan de la NBA et des Celtics de Boston. « Mon handicap c’est la déficience visuelle, je suis presque aveugle, et je suis un acteur qui a certains traits physiques particuliers », ajoute Jesus, « Il m’a fallu jouer une personne qui avait un handicap intellectuel, et c’est une réalité que je connaissais très peu en fait. Mon personnage est extrêmement tendre, et moi dans la vie je n’ai pas cette tendresse, ce n’est pas un de mes traits de caractère, mais c’est quelque chose qu’avaient les autres comédiens et qu’ils m’ont transmis, qu’ils m’ont appris ».

Cette tendresse et l’humour font de « Champions » un de ces « feel good movie », un de ces films qui font du bien aux spectateurs, qui en sortent avec le sourire. « Tous les personnages ont un handicap, pour certains un handicap intellectuel, pour d’autres il s’agit d’un handicap émotionnel, d’autres personnages ont d’autres limites, le film vise à briser ces barrières et ces classifications », dit le réalisateur, « La société tirerait de grands bénéfices si elle intégrait davantage ces personnes, qui sont porteurs de trois valeurs, l’humanité, la générosité, l’honnêteté, alors que nous qui ne souffrons d’aucun handicap manquons bien de ces qualités ».

« Je démarre le film avec un match de pros, pour souligner le contraste qu’il pouvait y avoir entre ces pros et les équipes de sport adapté, et le film se termine sur un autre match qui offre sans doute plus d’émotions que n’importe quel match de première division », précise Javier Fesser.

Patrick TARDIT

« Champions », un film de Javier Fesser (sortie le 6 juin).

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