À l’heure où l’État cherche 40 milliards pour boucler son budget 2026, les investigations menées par des médias européens ont révélé une fraude fiscale géante liée aux dividendes qui aurait coûté plus de 33 milliards à la France entre 2000 et 2020. Treize banques françaises sont dans le collimateur du fisc.

Le terme « CumCum » désigne une pratique d’arbitrage de dividendes mise en place principalement par de grands investisseurs étrangers et des banques. Le mécanisme consiste à transférer temporairement des actions détenues par des non-résidents à un établissement français, juste avant le versement des dividendes. Comme cet établissement est soumis à un régime fiscal plus favorable, les dividendes échappent à la retenue à la source normalement due par l’actionnaire non-résident. Une fois les dividendes perçus, les actions sont restituées à leur propriétaire initial.
Cette stratégie, longtemps présentée comme de l’« optimisation fiscale », est aujourd’hui considérée comme une fraude par plusieurs juridictions.
L’ampleur de la fraude en France
Selon des estimations, la France aurait perdu 33,4 milliards d’euros de recettes fiscales entre 2000 et 2020 à cause de montages CumCum.
Le manque à gagner annuel est évalué entre 1,5 et 3 milliards d’euros/ an pour l’État français avant les récentes réformes.
En septembre 2025, le Crédit Agricole (via sa filiale Cacib) est devenu la première banque française à reconnaître officiellement sa participation. Une CJIP (convention judiciaire d’intérêt public) a été signée avec le Parquet national financier, aboutissant au versement de 88,2 millions d’euros au Trésor public.
Au total, ce sont 13 banques françaises où leurs filiales qui sont aujourd’hui dans le collimateur de Bercy.
Dans plusieurs pays européens
En Allemagne, principal pays touché, la perte est estimée à 35,9 milliards d’euros entre 2000 et 2020, des procédures judiciaires y sont encore en cours.
Aux Pays-Bas, les pertes sont importantes également, bien que plus fragmentées. Des montages légaux liés à l’exonération de dividendes (ex. OCI) auraient coûté 750 millions d’euros en trois ans.
Au total, une enquête journalistique européenne (« CumEx Files ») a réévalué en 2021 le préjudice global à 150 milliards d’euros pour l’ensemble de l’Europe.
Réponses législatives et enjeux
En France, la loi de finances pour 2025 a introduit des dispositifs pour fermer les brèches utilisées dans les montages CumCum.
Le Sénat a critiqué la rédaction des textes d’application, jugés trop favorables aux banques. Après pression, le gouvernement a promis en juillet 2025 de rectifier ces failles.
Cependant, le débat reste vif. Les banques invoquent la compétitivité et la complexité des règles. Les autorités fiscales cherchent à tracer les opérations et démontrer l’abus de droit. La question centrale reste celle de la frontière entre optimisation et fraude.
Des milliards perdus…
Le scandale des CumCum illustre les limites de la régulation fiscale face aux montages sophistiqués mis en œuvre par les acteurs financiers. Avec des dizaines de milliards d’euros perdus en Europe, il révèle une tension profonde entre les intérêts des États et ceux des grandes institutions bancaires. En France, malgré des avancées législatives, la bataille judiciaire et politique est loin d’être terminée.