Francis Lalanne relance la polémique du traité de Lisbonne qui fait suite à la trahison des Français par Nicolas Sarkozy après le rejet du traité constitutionnel européen de 2007 par référendum. Explications.

C’est une accusation explosive qui refait surface près de vingt ans après la ratification du traité de Lisbonne. Dans un entretien relayé par un podcast très suivi sur les réseaux sociaux, le chanteur et militant Francis Lalanne affirme que la France ne serait juridiquement pas membre de l’Union européenne, en raison d’un vice de procédure lors du vote parlementaire de 2008. Selon lui, un tiers des sénateurs ayant approuvé la révision constitutionnelle préalable n’avaient plus de mandat légal au moment du scrutin.
Le vote « illégal » du Congrès en 2008
Pour comprendre cette thèse, il faut remonter au 21 juillet 2008, date du vote du Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis à Versailles) qui a permis de ratifier le traité de Lisbonne. Ce texte, adopté après le rejet par référendum de la Constitution européenne en 2005, avait été validé par les parlementaires, ouvrant la voie à la ratification par la France.
Or, Francis Lalanne soutient qu’un tiers des sénateurs présents n’avaient plus de mandat valide. Élus en 1998 pour neuf ans, leur mandat aurait expiré en septembre 2007. Mais le renouvellement du Sénat, normalement prévu cette année-là, avait été reporté à 2008 afin d’aligner le calendrier sur les élections municipales. Résultat, selon Lalanne : des élus “périmés” ont participé à un vote crucial, ce qui rendrait la ratification « nulle et non avenue » au regard du droit français.
Bombe juridique… ou lecture erronée du droit ?
Dans son livre Mise en demeure, l’artiste affirme qu’il s’agit d’un “faux en écriture publique”, une irrégularité qui, si elle était reconnue, pourrait théoriquement invalider le traité de Lisbonne et remettre en cause la légitimité de toute la construction européenne actuelle. Il dit vouloir saisir la justice pour faire valoir ce « vice de procédure », qu’il décrit comme « mathématique et non politique ».
Cependant, la plupart des constitutionnalistes interrogés depuis plusieurs années sur des thèses similaires rappellent que le report des élections sénatoriales avait été validé par la loi, et ne remettait pas en cause la légalité des mandats prolongés. En d’autres termes, même si les sénateurs exerçaient une dixième année de mandat, celle-ci avait un fondement juridique.
Entre théorie du complot et critique institutionnelle
Lalanne voit dans cette « irrégularité » la preuve que la France aurait été intégrée à une Union européenne “imposée par la ruse et le faux”. Le podcast relaie ainsi un discours de défiance vis-à-vis des institutions européennes, accusées de contourner la volonté populaire exprimée en 2005 par le “non” au référendum.
Les observateurs notent toutefois que cette narration s’inscrit dans un climat de méfiance croissante envers les institutions, où se mêlent critiques légitimes du déficit démocratique européen et théories juridico-politiques non reconnues par le droit positif.
La trahison de Sarkozy
Pour l’heure, aucune instance judiciaire ni aucun expert du Conseil constitutionnel n’a validé la lecture de Francis Lalanne. Le traité de Lisbonne, ratifié et en vigueur depuis 2009, demeure le fondement légal de l’Union européenne actuelle.
Mais la viralité de ce discours — entre indignation démocratique et argumentation juridique simplifiée — montre à quel point la défiance envers les élites politiques et européennes reste un ressort puissant dans le débat public français.
Rappelons que, consultés par référendum le 29 mai 2005, les Français ont été 54,67 % à dire non au traité constitutionnel européen. En 2007, Nicolas Sarkozy allait contre la volonté des Français et faisait ratifier le traité de Lisbonne, peu ou prou identique, par voie parlementaire. Une décision qui relève de la haute trahison !