Inconnu du grand public il y a deux ans seulement, l’ancien ministre de l’Economie, est donné favori des sondages. Au premier comme au second tour de la présidentielle. Mais d’où vient cet étrange météore politique ?
Même si près de 40% du corps électoral français avoue ne pas savoir pour qui voter à trois semaines du premier tour de la présidentielle, le 23 avril, toutes les enquêtes d’opinion confirment la même tendance : Emmanuel Macron sera présent au second tour, le 7 mai, avec Marine Le Pen. Avec 25 ou 26% des intentions de vote pour l’un comme pour l’autre, ils distancent nettement les neuf autres candidats, relégués au rang de faire-valoir.
Ce n’est sans doute pas sur son programme, annoncé bien tard et finalement assez indigent (aucune mesure phare ne retient l’attention) que l’ancien ministre de l’Economie fait la différence. Ce n’est pas non plus sur son talent d’orateur. On se souvient de ses vociférations et de ses envolées dans les aigus, lors d’un meeting à Paris, le 10 décembre 2016. Moqué sur les réseaux sociaux, raillé par ses propres troupes, il a dû prendre des cours avec le baryton-basse Jean-Philippe Lafont pour apprendre à maîtriser sa voix. Son charisme ? Euh… On le perçoit mal. Ses bourdes ? Assez surprenantes quand il affirme en Algérie que la colonisation est « un crime contre l’humanité ». Ou lorsqu’il parle de la Guyane comme une île… N’a-t-il pas aussi affirmé, publiquement, qu’une partie des employés breton de Gad étaient « illettrés » ? Ses détracteurs parlent de « macroneries » !
Son passage au ministère de l’Economie du gouvernement Valls entre 2014 et 2016 n’a pas laissé, non plus, de souvenir impérissable. La loi Macron « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » visant à « déverrouiller l’économie française » a été adoptée grâce à l’utilisation du 49-3. On en retient une seule chose : la libéralisation du marché des autocars longue distance. Tout ça pour ça !
Ascension programmée
Alors qu’est-ce qui explique le parcours fulgurant d’Emmanuel Macron dans la vie politique française ?
A 39 ans, cet énarque, ancien banquier, ancien ministre de Manuel Valls est sur une trajectoire ascendante. Ce jeune homme ambitieux a été repéré par Jacques Attali et par Jean-Pierre Jouyet. Ils le « programment » pour l’élection de 2022. Dans cette optique, ils organisent peu à peu son ascension dans le monde très fermé des affaires mondiales et de la politique. Gauche ou droite ? Aucune importance. L’argent et le pouvoir s’accommodent de toutes les convictions.
Dès lors, tout va aller très vite. En 2004, diplômé de l’ENA, Macron devient inspecteur des Finances. Entre 2006-2009, il flirte avec le parti socialiste. En 2008, il commence une carrière de banquier d’affaires chez Rothschild et Cie. D’abord comme directeur puis, deux ans plus tard, comme associé-gérant. En 2012 il mène à bien un rapprochement entre l’Américain Pfizer et le Suisse Nestlé. Montant de la transaction : 11 milliards de dollars. Le montant de la commission encaissée par Emmanuel Macron n’est pas connu. Mais à 1% seulement, cela représente beaucoup, beaucoup d’argent. L’ONG Anticor s’étonnera plus tard du faible patrimoine déclaré par le candidat à l’Elysée.
En mai 2012, Macron quitte Rothschild pour l’Elysée où il est nommé secrétaire général-adjoint grâce à ses protecteurs. Le 26 août 2014 il remplace Montebourg à Bercy. Mais, deux ans plus tard, le 30 août 2016, il démissionne pour se consacrer entièrement au mouvement qu’il vient de fonder : « En Marche ! » Vers où ? Vers l’Elysée, évidemment. Mais pas pour tout de suite, pour 2022 ! L’élection de 2017 servira de premier tour de piste.
Candidat attrape-tout
Seulement voilà. Les révélations sur les emplois fictifs présumés de Pénélope Fillon dans le Canard Enchaîné du 24 janvier 2017 vont tout changer. Macron devient le seul candidat des lobbies. Du libéralisme. De la finance. Des affaires. Tous les regards se tournent vers lui. Tous les espoirs aussi. Une « macronite » aiguë s’empare du pays. La presse le découvre. Il fait les gros titres des journaux, avec ou sans femme, apparaît tous les jours à la télévision. Bref, un pur produit du marketing politique.
Car il n’est pas question de laisser Marine Le Pen accéder aux plus hautes fonctions de la République. Ce serait désastreux pour l’économie libérale, pour les banques, pour l’euro, pour l’Europe.
En quelques mois, le social-libéral Emmanuel Macron est donc devenu « le » candidat qui a le plus de chances de l’emporter le 7 mai 2017. Les ralliements, des élus de gauche et de droite, sont quotidiens. Car il faut penser à l’après-présidentielle, c’est-à-dire aux législatives. Mieux vaut être dans le bon camp pour conserver son siège à l’Assemblée. Même Manuel Valls a annoncé qu’il voterait Macron. Un candidat attrape-tout.
« Une imposture » ?
Ce positionnement ni gauche, ni droite est plutôt intéressant au moment où les Français rejettent « le système » en général et les partis politiques en particulier. Reste l’homme. Un homme jeune, intelligent, ambitieux. Mais politiquement très immature.
François Baroin, sénateur-maire de Troyes et soutien de François Fillon ne s’y trompe pas. Il fusille Macron en deux phrases : « Il a changé d’avis sur tous les sujets, il ne dit rien sur rien et n’en pense pas plus. Il est temps de dénoncer cette imposture qui, pour moi, représente un saut dans le vide sans parachute. »
Lors du débat télévisé entre cinq des onze candidats à la présidentielle, le 20 mars dernier sur TF1, Marine Le Pen s’est dite « incapable de résumer la pensée » d’Emmanuel Macron tant ses propos lui paraissaient vides de sens.
Ce manque d’épaisseur de la pensée politique, c’est bien ce qui inquiète les communicants du candidat Macron. Ils se demandent comment il va pouvoir tenir dans un débat un peu musclé, face à un professionnel tel que Mélenchon, un roué comme Fillon, une hargneuse comme le Pen ? Son immaturité ne va-t-elle pas lui jouer des tours ? La baudruche ne va-t-elle pas se dégonfler ?
A trois semaines du premier tour, cette élection présidentielle tellement atypique peut nous réserver encore de belles surprises.
Marcel GAY