Les 12 commandements européens pour diminuer son risque de cancer
Henri Pujol, Université de Montpellier
Il est moins connu que le programme Erasmus, grâce auquel des étudiants circulent partout en Europe. Mais il a sauvé des milliers de vies et mérite au moins autant l’attention en cette année 2017 où on célèbre, comme pour Erasmus, son 30e anniversaire. Il s’agit du programme « L’Europe contre le cancer ». Une initiative ambitieuse qui poursuit encore aujourd’hui son œuvre de prévention à travers ses 12 commandements, le « Code européen contre le cancer ».
« Ne fumez pas », dit le premier commandement, dans la dernière édition du Code, réactualisé en 2014. Et ainsi de suite jusqu’au douzième.
- Ne fumez pas.
- Faites de votre domicile et de votre voiture un environnement sans tabac.
- Limitez votre consommation d’alcool.
- Adoptez une alimentation saine riche en fruits et légumes et en céréales complète. Limitez la viande rouge, les aliments riches en matières grasses, en sel, ou en sucre, et évitez la charcuterie.
- Gardez un poids de forme.
- Soyez physiquement actif dans votre vie quotidienne.
- Évitez les expositions excessives au soleil, surtout chez les enfants. Utilisez une protection solaire. N’utilisez pas d’appareil de bronzage.
- Prenez les mesures adéquates pour réduire votre risque d’exposition éventuelle au radon chez vous.
- Respectez les consignes de sécurité sur votre lieu de travail, pour vous protéger des substances cancérigènes.
- Pour les femmes : Si possible, allaitez vos enfants. Limitez les traitements hormonaux de la ménopause.
- Faites vacciner vos enfants contre l’hépatite B (nouveau-nés) et les papillomavirus (jeunes filles).
- Participez aux programmes de dépistage du cancer colorectal (hommes et femmes), du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus (femmes).
En France, 18 300 vies sauvées durant l’an 2000
Aujourd’hui, des travaux de recherche permettent d’estimer le nombre de vies sauvées grâce au Code. À comportements inchangés des citoyens et des pouvoirs publics, et compte tenu du vieillissement de la population, le nombre de décès annuel par cancer dans l’Europe des Douze entre 1985 et l’an 2000 aurait dû augmenter, passant de 850 000 à un peu plus de 1 000 000. Une étude d’impact effectuée en 2003 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) montre que la réduction du nombre de décès (en valeur corrigée des données démographiques) a été de 9.2 % sur cette période, un peu inférieure aux 15 % visés initialement. Ainsi, le Code a évité 92 500 décès par cancer en l’an 2000 dans l’Europe des Douze, dont 18 300 en France.
La force de ce programme de santé publique, très innovant à l’époque de son lancement, est symbolisée par sa tutelle. La Commission européenne, alors présidée par Jacques Delors, l’avait placé sous l’autorité du vice-président Manuel Marin en charge des Affaires sociales, et non pas sous l’égide du Commissaire à la recherche comme attendu pour un programme à forte dimension médicale. Ce fut un vrai changement de paradigme, impulsé par le président du Comité des experts cancérologues européens, le professeur Maurice Tubiana – décédé en 2013.
Pour la première fois, on informait solennellement tous les citoyens de l’Europe des Douze qu’ils pouvaient eux-mêmes, par un comportement volontariste, réduire leur risque de cancer – et la mortalité liée à cette maladie – avec une puissance d’impact comparable à celle des progrès dans les soins et la recherche en biologie. L’objectif visé était de modifier les attitudes dans la population, tandis que les pouvoirs publics adopteraient en parallèle les mesures adéquates pour prévenir les cancers et les détecter suffisamment tôt.
Des recommandations toujours pertinentes, 30 ans plus tard
Il est remarquable que, 30 ans après, les douze recommandations aient gardé toute leur pertinence et demeurent le socle, non seulement de la lutte contre le cancer, mais aussi de la lutte contre les maladies chroniques et dégénératives qui représentent environ les deux tiers des dépenses de soins dans notre pays.
Reprenons une par une les causes de cancer, à commencer par le tabac, première cause de décès évitable par cancer. Il était responsable de 47 000 (31.3 %) des 150 000 décès par cancers enregistrés en France en 2015, selon l’Institut national du cancer (Inca). Il n’est jamais trop tard pour s’arrêter de fumer, et d’enfumer les autres. Le tabagisme passif serait en effet responsable de 1 000 décès par cancer chaque année en France.
L’alcool, ensuite, représente la deuxième cause évitable de mortalité par cancer. Il cause 15 000 (10 %) décès par cancer. En cas de consommation de boissons alcoolisées, il faut en réduire la fréquence à quelques jours par semaine et limiter la quantité consommée à un maximum de 2 verres par jour pour les hommes et 1 verre par jour pour les femmes – certaines recommandations sont plus strictes encore.
L’alimentation, également. 20 à 25 % des cancers seraient dus à nos comportements alimentaires. Certains aliments constituent des facteurs de risque avérés, s’ils sont consommés en excès : viande rouge, charcuterie, sel, aliments très caloriques. En revanche, d’autres aliments réduisent les risques de cancer. Ainsi, il est conseillé de consommer chaque jour cinq fruits et légumes, et d’autres aliments riches en fibres comme les céréales complètes (pain, pâtes, riz complets) et les légumes secs (lentilles, haricots secs).
Trente minutes de marche rapide, cinq jours par semaine
Le surpoids et l’obésité sont des facteurs reconnus de risque, alors qu’une activité physique régulière diminue le risque de cancer. On recommande l’équivalent de 30 minutes de marche rapide, 5 à 7 jours par semaine.
Les expositions abusives aux UV, avec le soleil ou en cabine de bronzage, étaient à l’origine, en 2015, de 15 000 mélanomes ayant entraînés 1 800 décès. Il faut donc se protéger du soleil et se passer d’appareils de bronzage.
Le radon est le deuxième facteur de risque dans le cancer du poumon. Ce gaz radioactif naturel, présent dans le sol de certaines régions, peut se diffuser dans les habitations. En se renseignant auprès de son Agence régionale de santé, on peut savoir comment mesurer la teneur en radon de son domicile. Pour diminuer la concentration de ce gaz, une meilleure isolation du sol et une meilleure ventilation s’imposent.
Les cancers professionnels seraient à l’origine de 4 à 10 % des décès par cancer. Le respect des consignes de manipulation et la vigilance de la médecine du travail sont importants pour leur prévention.
Des traitements hormonaux de la ménopause à limiter
L’allaitement maternel réduit le risque de cancer du sein. En revanche, les traitements hormonaux de la ménopause l’augmentent et ne doivent être prescrits qu’en cas de troubles entraînant une altération de la qualité de vie et seulement sur de courtes périodes, avec un suivi médical régulier.
Enfin, consulter son médecin permet de savoir comment participer aux programmes de vaccination et de dépistage proposés par les autorités sanitaires.
Depuis 1988, les Ligues européennes contre le cancer se mobilisent pour mieux faire connaître ces mesures individuelles de prévention des cancers.
Aujourd’hui encore, l’Inca estime à 40 % la proportion de cancers qui pourraient être évités si tous les citoyens modifiaient en conséquence leur mode de vie. Le Circ, lui, évalue même ce taux à 50 % – la différence s’explique par le fait que les causes de la maladie ne sont pas encore toutes maîtrisées.
Dans l’Union, 24 pays ont lancé leur Plan cancer depuis l’an 2000. La France s’est dotée du sien en 2003. La lutte européenne contre le cancer se poursuit au sein du programme Santé de l’Union couvrant la période 2014-2020, doté de 450 millions d’euros. Son objectif : « Réduire de 15 %, à l’horizon 2020, le nombre de nouveaux cancers dans l’Union ». Là encore, la diffusion la plus large du Code est l’une des conditions pour que ce nouvel objectif soit atteint.
Michel Richonnier, économiste, ex-enseignant à Sciences Po et au Collège d’Europe à Bruges (Belgique), a participé à la rédaction de cet article.
Henri Pujol, Professeur honoraire de médecine à l’Université de Montpellier, Université de Montpellier
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.