Le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert, donne sur son blog les vrais chiffres de la dette publique. Un cours très instructif.
Tout le monde en parle, souvent pour faire peur. Il n’est pas de responsable politique qui ne parle de la dette publique avec le ton du sachant, maniant les chiffres pour accuser tel ou tel côté de l’échiquier un jour d’en être responsable, un autre de reporter la dette sur les générations futures et toujours d’affirmer que la dette d’aujourd’hui génère l’impôt de demain…
Essayons de donner quelques éléments factuels qui évitent les raccourcis pour ne pas dire les erreurs.
De quoi est constituée la dette publique ?
De plusieurs composantes : la dette de l’Etat, la dette de la sécurité sociale, la dette des collectivités locales, la dette d’autres organismes (Unédic, retraites complémentaires, organismes publics ou parapublics…). C’est déjà une première source de débat : chacune des catégories se renvoie la balle :
- Ainsi, par exemple, lorsque l’Etat décide d’exonérer les entreprises de cotisations sociales, les règles budgétaires (et les votes du Parlement) contraignent l’Etat à compenser ces pertes de recettes de la Sécurité Sociale. L’équilibre et la dette de la Sécurité sociale ne sont donc pas affectés. Les nombreux allègements de cotisations sociales (y compris les plus récentes décidées sous cette législature) ont été entièrement été supportés par le budget de l’Etat.
- De même, les collectivités locales affirment à juste titre que l’emprunt leur est interdit pour équilibrer leur section de fonctionnement et que leur endettement doit être systématiquement considéré comme vertueux puisque lié à leurs seuls investissements. C’est là aussi un peu discutable, sachant que l’Etat par ses dotations alimente leurs recettes de fonctionnement et que faute d’économies de dépenses, c’est l’Etat qui s’endette pour elles.
- L’endettement public englobe aussi des emprunts que l’Etat garantit, certains emprunts souscrits par des organismes contrôlés par l’Etat, dans des considérations si complexes que seuls les énarques (et pas les nuls) font semblant de comprendre. Par exemple il y a régulièrement débat pour savoir si la dette de la SNCF doit être ou non considérée comme de la dette publique, en totalité ou en partie…
Il n’empêche que la dette publique se regarde de façon agglomérée, et que renflouer un des secteurs par un autre ne change rien au total : ainsi, transférer de la dette d’un secteur à un autre (le cas Etat/Sécu étant régulièrement évoqué) ne change rien à la fin….
A combien s’élève la dette publique ?
Il y a en fait plusieurs façons de l’évaluer, qui donnent lieu à des interprétations différentes.
Naturellement, le premier réflexe est de regarder le volume brut de la dette : fin 2015, l’ensemble de la dette publique s’élève à 2.100 Milliards d’Euros. L’essentiel (79% soit 1.660 Milliards) est constitué de la dette de l’Etat. Les diverses administrations de Sécurité Sociale en représentent 10,5% (soit 220 Milliards). Les collectivités locales en portent 9% soit 200 Milliards. Remarquons au passage que la dette sociale est 8 fois moins élevée que la dette de l’Etat.
Il est aussi d’usage de rapporter la dette à la richesse nationale, c’est-à-dire au Produit Intérieur Brut (le fameux PIB), censé représenter la richesse produite en un an dans un pays. C’est légitime : un grand pays ayant évidemment en masse une dette plus importante qu’un petit pays, de même que la « richesse » d’un pays autorise une dette plus importante en volume. En France, fin 2015, la dette (2.100 Milliards) représentait 96,2% du PIB (2.180 Milliards).
D’autre indicateurs enfin sont possibles et pertinents : certains expriment la dette par habitant (en 2015, en France, cela représente 32.500 Euros par habitant). D’autres l’expriment en comparaison du salaire moyen…. On peut multiplier les critères, sachant que la parité des taux de change complexifie encore un peu plus les comparaisons entre nations.
Comment se rembourse la dette publique ?
C’est là le point clef qu’il faut bien avoir en tête. Les emprunts traditionnels utilisés généralement par les particuliers et les entreprises se remboursent au fil du temps. Périodiquement, l’emprunteur rembourse les intérêts et une partie du capital. Année après année, le capital restant dû baisse et la dette s’éteint après la durée convenue.
C’est complètement différent pour les emprunts de l’Etat. Pour l’essentiel de la dette publique (notamment la part de l’Etat), les emprunts sont remboursables in-fine : Par exemple, si l’Etat emprunte 100 Millions sur dix ans à un taux de 1%, il paiera 1 Million par an (les intérêts), et devra rembourser le capital de 100 Millions en une seule fois dix ans plus tard.
Dans les faits, au bout des dix ans, l’Etat (étant toujours déficitaire), réemprunte 100 Millions pour tenir son échéance ! Dans les faits, la dette de l’Etat ne se rembourse pas. Elle se prolonge et augmente en volume d’autant que tous les ans le déficit nécessite de nouveaux emprunts. Le seul chiffre qui peut baisser c’est la part de la dette dans le PIB, à la condition que le PIB augmente plus vite que la dette !
Ceci n’est pas particulier à la France, et la plupart des pays du monde fonctionnent ainsi. Il est vrai que si le budget redevient excédentaire, on peut voir la dette baisser en volume en profitant du solde pour rembourser du capital.
Combien coute la dette publique ?
La plupart des emprunteurs publics ne paient tous les ans que les intérêts et remboursent le capital avec un nouvel emprunt lorsqu’il vient à échéance.
Pour l’Etat, le coût annuel des charges de la dette représente annuellement autour de 41 Milliards d’Euros. Ce coût était de l’ordre de 49 Milliards d’Euros en 2012, mais la France a bénéficié de la baisse générale des taux d’intérêts et la qualité de sa « signature » est reconnue par les marchés financiers.
Par comparaison, c’est la seconde dépense de l’Etat derrière l’enseignement scolaire (50 Milliards), mais devant la Défense (environ 32,5 Milliards).
Qui sont nos créanciers ?
Ils sont difficiles à connaître précisément, car les titres de créances s’achètent et se vendent à tout moment et se mélangent dans des fonds mixant divers produits financiers !
On estime néanmoins qu’entre 50 et 60 % de nos créanciers sont étrangers et que les solde est détenu dans de l’assurance-vie et dans des OPCVM français.
Comment a évolué la dette publique ces dernières années ?
Entre 207 et 2012 (Présidence Sarkozy), la dette publique a augmenté de 25 points de PIB, soit 616 Milliards.
Entre 2012 et 2017 (Présidence Hollande), elle devrait augmenter de 6 points de PIB, c’est-à-dire 4 fois moins vite ! C’est essentiellement parce que les déficits de l’Etat et de la Sécurité Sociale se sont considérablement réduits.
La dette de la Sécurité Sociale a commencé à diminuer et en pourcentage de PIB, le poids de la dette publique se stabilise.
On peut en commenter la méthode, le rythme ou l’ampleur, mais incontestablement cette législature aura permis de corriger significativement la trajectoire de la dette publique.