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Le mythe de l’industrie européenne de la Défense (5/5)

Sur fond de tensions géostratégiques et de guerre en Ukraine, le président Macron a annoncé au salon Eurosatory que « nous entrons dans une économie de guerre ». Mais où en sont l’industrie française et européenne de la Défense ? État des lieux en cinq épisodes.

Le controle de l'espace par SpaceX (Pexels)
Le controle de l’espace par SpaceX (Pexels)

L’industrie de défense européenne face à l’avenir (5/5)

Par Procope de Césarée*

L’avenir de l’industrie de défense militaire est dicté par la compétition USA-Chine (et ce, y compris dans tous les domaines hors militaire). Cette compétition, sur le plan technologique, est menée, pour l’heure, par les USA et la Chine fait un effort constant et déterminé pour ‘suivre’ avec l’assurance de sa supériorité industrielle finale. On vit une révolution industrielle (dite de 5ᵉ génération) de laquelle l’Europe est non seulement absente, mais exclue. Cette révolution s’appuie sur une dizaine de secteurs technologiques, dites ‘technologies mères’. Il faudrait un livre pour détailler et démontrer cette affirmation, mais c’est un fait.

Qui dominera l’espace, dominera la Terre

On signale simplement le fait spatial, car il est critique en matière de puissance globale : qui dominera l’espace dominera la terre. L’intérêt militaire est connu depuis toujours en matière dite de ‘point haut’, mais en plus ce n’est que depuis l’espace qu’on peut contrôler le cyberespace.
Exemple : dans un délai de 3 ans maintenant, on devrait voir le StarShip de SpaceX opérationnel. Cette machine, utilisable comme un avion, permettra de construire économiquement des usines orbitales de plusieurs dizaines de milliers de tonnes. Ces usines profiteront de 2 qualités qu’on ne peut pas trouver sur notre terre : l’apesanteur et le vide. Ces deux qualités permettent d’accéder à des fabrications industrielles de matériaux nouveaux (dits méta-matériaux) aux performances exceptionnelles et par suite de fabriquer des objets avec des performances inaccessibles à des fabrications terrestres. Industriellement parlant, il y aura ceux qui ont accès à ces matériaux et ceux qui n’y auront pas accès… et qui ne pourront fabriquer que des objets de type moyenâgeux. Pour être très clair : un moteur d’avion fait avec ces matériaux aura des performances inaccessibles à ceux qui n’en profiteront pas. Et pour rassurer Macron, il ne sera pas question de parler de ‘bien public’.
Si en 2025, le StarShip qui représente une œuvre colossale pour l’humanité, est opérationnel, sous 10 ans (2035) le niveau industriel de la France sera typiquement ramené à celui d’un pays africain. Un point c’est tout. Le gap technologique n’est pas rattrapable.

Sentiment anti-français

Dans cette matière qu’est le spatial, je peux assurer (car je participe très modestement) que l’Europe du Nord (Allemagne comprise) a bien compris l’enjeu et a aussi bien compris qu’une Europe spatiale sous influence française conduisait à une ruine inéluctable. Les 2 sociétés européennes qui vont s’exercer dans le lancement des petites charges, ont pris pour modèle SpaceX, et ont un mot d’ordre : pas de coopération européenne (et il faut du courage, car ça veut dire : pas de crédits européens) car, avec des Français dans la boucle (ArianeSpace ou Airbus), ce n’est même pas la peine d’espérer.

Macron n’imagine pas plus le sentiment ‘anti-français’ qui naît en Europe du Nord (dans ce genre d’industrie), qu’il n’imaginait encore hier le sentiment de rejet à son égard d’une majorité de Français (fait vérifié, comme d’habitude, au grand dam des prévisionnistes de BFM qui nous assurait une franche majorité absolue – M. Ségala en tête le vendredi 17 juin).
L’avenir appartient à la technologie. On ne peut pas faire d’innovation réelle avec le ‘’trente-cinq-heurisme’’ cher à la France. Elon Musk le dit et il est qualifié pour le dire : il n’est pas énarque, mais ingénieur et il a déjà à son actif plus d’innovations réelles que toute la France a pu en produire depuis plus de trente ans.
Faire une fusée comme toute autre innovation, c’est (dixit Elon) ‘ 1% d’inspiration, et 99% de transpiration’. Tout le monde peut avoir le un pour cent d’inspiration, mais le reste est hors de portée de l’Europe de Bruxelles et encore moins de la France. Fin du débat.

Conclusion : il ne peut pas y avoir d’industrie de la défense européenne souveraine

Nota : il ne me faut que quelques minutes pour détruire des ‘opinions’ contradictoires dont je me moque, car mon école de pensée n’admet qu’un seul juge : l’Histoire, et elle ne nous est pas défavorable depuis maintenant 30 ans … On peut ainsi faire un livre sur l’histoire d’Atos (avec Bull comme ancêtre), ce fleuron dont les résultats n’ont toujours été que… rien du tout… et on trouve encore des macronistes pour chanter ses performances du futur dans le quantique, les supercalculateurs, etc. toutes choses proclamées sans la moindre preuve. Ce qui est sûr, c’est que le Président de cette société m’assurait (en 2005) de la construction d’un supercalculateur ‘exaflop’, donc champion du monde (la France allait se situer leader mondial) et de très loin (quand il parlait) et ça s’est terminé par un ‘supercalculateur de 23 petaflops mis récemment en service, soit moins de 3% de la performance prévue… l’exaflop existe bel et bien : il est en service aux USA.
Dans le domaine essentiel du super calcul, la France n’est même plus listée dans un top 100 qui bouge tous les jours (4 nouvelles installations par mois en Chine…). Réalité.
Mais Macron a le ‘coup d’après’ avec le quantique : l’analyse actuelle des sociétés du ‘quantique’ (c’est du ‘lourd’ à les entendre) montre une chose sûre : on ne voit rien de tangible (au passage, j’ai fait cracher le morceau à une des sociétés phares – implantée à Saclay – en ce qui concerne les quantum dots… impeccable sur le plan théorique, mais dont la réalisation pratique dépend d’une pureté isotopique du carbone qui n’est pas accessible sur terre et hop, on peut dormir tranquille… J’ai conseillé au fondateur d’aller voir Elon Musk et il m’a répondu : bien sûr ! Mais…)

Autre nota : 18 juin 2022, investissements Intel en Europe :

  • Allemagne Magdebourg « méga-site de fabrication de semi-conducteurs de pointe » pour 17 milliards d’euros – pour 2027. Intel bénéficiera de 6,8 milliards d’euros de financement de la loi européenne sur les puces (montant du financement confirmé dans la déclaration budgétaire fédérale).
  • Intel : Irlande : investissement en Irlande à hauteur de 17 milliards d’euros étendu à 30 milliards.
  • Intel : des investissements plus petits pour la France, l’Italie, la Pologne et l’Espagne.
  • En France, un centre de R&D sur le plateau de Saclay

Europe : accord avec Intel pour la technologie de traitement Intel 4.
Actuellement, la production de semi-conducteurs de l’UE représente environ 9% du total mondial. Le Chips Act de l’UE s’inspire du régime de subventions du Chips Act américain (52 milliards de dollars). Il sert le même objectif, à savoir localiser d’importants facteurs de production de haute technologie et sécuriser les chaînes d’approvisionnement critiques.
Conclusion : on assiste à une véritable colonisation américaine de l’Europe dans le domaine. Et c’est pas mal financé par Bruxelles. Et on ne parle que du seul Intel (pour l’heure les 3 autres grands ont décliné les offres européennes).
Analyse : Intel évite la France en matière d’implantation industrielle, et ce, malgré, des offres dont Macron pensait qu’on ne pouvait pas les refuser… Le lot de consolation est un centre de R&D à Saclay où Intel pourra tranquillement piller le vivier d’ingénieurs du plateau (il ne récupérera que les meilleurs bien entendu). Intel ne rêve pas d’un futur avec une implantation dans cet endroit merveilleux qualifié par Macron de ‘Californie sans la mer’.

Les pipelines Otan

Le réseau de pipelines de l’OTAN (NPS) a été mis en place durant la Guerre froide pour approvisionner les forces de l’Alliance en carburants, et il continue de répondre aux besoins en la matière avec la souplesse requise dans l’environnement de sécurité d’aujourd’hui.

Le NPS se compose de dix réseaux distincts de stockage et de distribution de produits pétroliers.

  • Long d’environ 10 000 km, il traverse douze pays de l’OTAN et offre une capacité de stockage de 4,1 millions de mètres cubes.
  • Le NPS relie des dépôts de stockage, des bases aériennes militaires, des aéroports civils, des stations de pompage, des postes de chargement ferroviaire et routier, des raffineries et des points d’entrée/de prélèvement.
  • La distribution en vrac fait appel à des installations intégrées au Programme OTAN d’investissement au service de la sécurité (NSIP), financé en commun.
  • Les réseaux sont placés sous le contrôle d’organismes nationaux, à l’exception du réseau d’oléoducs en Centre Europe (CEPS), qui est un système multinational géré par le Bureau de programme CEPS, qui dépend de l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA).

*Procope de Césarée (6ᵉ siècle après J-C. est un rhéteur et historien byzantin dont l’œuvre est consacrée au règne de l’empereur Justinien). Il s’agit ici bien sûr d’un pseudonyme. Celui d’une personne très bien informée des enjeux technologique, politiques et géostratégiques de notre époque.

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