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Séquençage du Sars-CoV-2 : le retard colossal français

Le Pr Raoult, célèbre infectiologue marseillais constate dans cette interview « le retard colossal scientifique français ». Il dit pourquoi et livre trois messages.

 

Transcription de l’interview vidéo du Pr Raoult :

Peut-on faire un point sur les variantes du Sars-coV-2 et sur leur analyse ?

Les virus sont vivants

(…) Je pense que c’était une grande erreur des décisions stratégiques qui ont été prises, c’est d’oublier que les virus sont vivants. Les virus sont vivants, ils changent sans arrêt, ils sont sélectionnés, ils s’adaptent. Ce ne sont pas des objets, si on comprend que ce n’est pas des objets on comprend que c’est une lutte qui est très longue et complexe, imprévue et pleine de surprises.

La France est le dernier de la classe en termes de séquençage

Définition du séquençage : « Détermination de la séquence (suite ordonnée) des bases azotées constituant un fragment d’A.D.N. » (Exemple: le séquençage du génome humain, source Larousse)

(…) Il faut faire de la science pour comprendre ce que c’est qu’un virus, c’est-à-dire le séquence. De la même manière que la France a pris un retard considérable dans les tests, un des derniers pays moderne à faire des tests, la France est le dernier de la classe en termes de séquençage.

Ce qui a fait cette polémique c’est que les gens ne séquencent pas du tout et ils parlaient de choses qu’ils ne pouvaient pas voir parce qu’il n’y avait pas de séquences. Il n’y a que nous qui avons commencé à refaire des séquences cet été quand on a vu apparaître cette deuxième épidémie. Ces gens ont fantasmé sur un deuxième rebond qui n’a jamais existé. Ce qui s’est passé c’est une nouvelle épidémie avec ce qu’on a appelé des variants. Les variants étant ceux qui ont plus de dix mutations à la fois (…) mais comment on peut les voir ? Il faut faire des génomes.

Il vient d’être publié un papier dans l’ « International journal of infectious diseases » qui compare le nombre de séquences faites par le nombre de cas. Alors déjà la France est très mal placée dans cette situation parce que sur les 70 pays analysés elle était 31e est déjà derrière quatre pays africains dont le Sénégal que la République du Congo l’Égypte et puis nous on a remis ça à jour, hier avec mon ami Colson, et on a regardé pour avoir une donnée plus fiable on a regardé le nombre de morts identifiés par Covid et le nombre de séquences. Dans ces conditions la France est 71e derrière 18 pays africains, donc nous sommes tiers-mondisé dans ce domaine.

Et si vous comptez que cette place est tempéré par le fait que nous avons fait plus d’un tiers des séquences ici à l’IHU qui sont actuellement déposées au nom de la France vous voyez l’état, le retard colossal scientifique que ce pays a. (…) Vous savez, je suis un peu ennuyé par des gens qui se pensent, du fait de leurs fonctions ou du fait qu’ils sont dans des associations, avoir la possibilité de dire la science. Voyez la Spilf qui m’a poursuivie, dont le président est Pierre Tattevin, et qui a dit que c’était affreux que je sois suivi par les africains. Je voudrais vous dire une chose : à Rennes, où est M. Tattevin, il n’y a eu aucun virus séquencé, c’est moins qu’au Mali.

Alors il faudrait commencer maintenant à apprendre aux Français la modestie avec leurs partenaires. C’est insultant, quand on ne sait même pas faire un génome, quand on ne sait même pas regarder un génome, de parler des gens qui travaillent avec nous d’une manière aussi insultante.

Et je pense que la Spilf représentera, si ces gens ne changent pas, non pas la langue française mais une partie de l’Hexagone métropolitain français et non pas nos alliés qu’on ne méprise pas comme ça.

Est-ce qu’on peut analyser l’effet de l’épidémie sur la mortalité en France ?

Oui on peut l’analyser et c’est extrêmement intéressant. L’analyse que je fais, ce ne sont que les chiffres de l’Insee mais l’Insee ne les analyses pas comme moi ni vos journaux parce que vos journaux veulent vous foutre la trouille et que moi je veux faire de la science. La seule manière d’analyser la mortalité, ça n’est pas de donner des chiffres bruts en disant il y a plus de morts parce que de toute manière la population augmentant il y a toujours plus de morts, c’est comme ça, il ne peut pas en être autrement. Nous avons la population mondiale qui a doublé donc si à terme il ne peut pas y avoir moins de deux fois plus de morts cet idiot (nb de penser le contraire).

(…) Si on regarde en pourcentage de la population voilà ce que nous avons: la proportion de décès (pourcentage de la population qui meurent au fur et à mesure des années)

De 1946 à 2020, sur les chiffres qui nous sont communiqués par l’Insee et qui seront peut-être pondéré ultérieurement, vous voyez qu’effectivement il y a une petite remontée ici  (en 2020) mais on n’a pas l’impression que ce soit Hiroshima. Ça monte un peu alors une fois que l’on a dit ça, que c’est-il passé en même temps ? En même temps, on a eu un vieillissement considérable de la population (…) la mortalité touche dans 80 à 90% des gens qui sont très âgés ou qui ont des pathologies associées épouvantables.

Proportion de décès au sein de la population française métropolitaine de 1946 à 2020

Proportions des décès en France 1946-2020 - Source INSEE par Pr Raoult
Proportions des décès en France 1946-2020 – Source INSEE par Pr Raoult

 

Proportion de décès toutes causes chez les moins de 65 ans en France entre 2000 et 2020

Si on regarde la proportion de décès chez les patients qui ont plus de 75 ans, il s’est passé quelque chose en 2020 : il y a une surmortalité les gens de plus de 75 ans. Quand vous passez aux plus de 65 ans la différence est franchement moins notable. Et si vous passez, ça c’est la surprise du jour, aux gens qui ont moins de 65 ans il y a eu l’an 2020 moins de morts qu’en 2019. Mille morts de moins, ça, c’est la réalité, ce n’est pas de la fiction, ce n’est pas l’excitation, ce n’est pas une fakenews. Vous savez, les spécialistes des fakenews, ce sont ceux qui n’aiment pas les vraies nouvelles; c’est ce que j’ai appris avec le temps et à mes dépens.

Proportions des décès toutes causes chez les moins de 65 ans en France - Source INSEE par Pr Raoult
Proportions des décès toutes causes chez les moins de 65 ans en France – Source INSEE par Pr Raoult

 

Tout ça sont des données entièrement officielles, simplement l’analyse n’est pas faite parce que l’analyse va à contre-courant de cette idée que nous sommes en train de vivre une apocalypse.

Donc il faut cibler les gens qui plus de 65 ans qui représentent un problème et surtout ceux de plus de 75 ans, il faut s’en occuper, il faut prendre les mesures, il faudrait nous laisser, on a déjà déposé deux projets de recherches pour traiter les gens dans les Ehpad qui ont été rejetées.
Il faut pouvoir nous laisser travailler parce que c’est un vrai domaine. La moyenne de mortalité dans les Ehpad est de 28%. Là, n’importe quels efforts thérapeutiques doit pouvoir amener à diminuer cela puis, ensuite, l’autre élément en dehors de l’âge c’était celui de l’endroit dans lequel vous vivez. Sur ces données nationales, la surmortalité dans l’île de France étaient considérables à côté des autres zones de France. Donc, si vous étiez âgés et si vous étiez parisiens, et bien vous aviez un danger beaucoup plus important que les autres: c’est de la réalité.

Au bout d’un an on peut réfléchir, (…) la seule manière de faire une analyse c’est de regarder ce qui s’est passé et d’en faire une analyse objective fouillé sans émotion en prenant les chiffres qui sont vérifiables et d’essayer d’en tirer des données.

Quelle évaluation peut-on faire des mesures sociales qui doivent être prises pour lutter contre la Covid ?

(…) sur les données qui sont produites par l’Insee, il n’y a pas d’évidence, les mesures de confinement n’ont pas changé en quoi que ce soit la cinétique de l’évolution de la maladie en France. Clairement au moment où on commence le confinement c’est le moment où explose la première épidémie. Quand on commence le confinement dans la deuxième épidémie ça ne change rien, il y a un aspect ondulatoire qui est indépendant des mesures sociales.
Mais mieux que ça, l’homme qui est le plus connu au monde sur le mode des analyses épidémiologiques à Stanford, qui s’appelle Ioannidis, compare les différents pays et ce qui a été fait (…) et à la fin, il montre qu’il n’y a aucune évidence actuellement et que les mesures contraignantes aient joué le moindre rôle dans le contrôle de l’épidémie en analysant y compris la France que versus la Suède, la Suisse, la Corée du sud, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Iran, l’Italie.

Les trois messages du Professeur Raoult

(…) La réalité c’est que ce qui est fait n’a pas d’effet visible actuellement donc globalement pour moi voici les trois messages:

  1. on voit bien que la mortalité n’a pas touché les gens de moins de 65 ans donc il faut se focaliser sur la possibilité de traiter les gens plus âgés. En particulier il faut essayer de mettre quelque chose en place pour les Ehpad qui soit le plus actif que ce que nous avons fait jusqu’à maintenant. Y compris en utilisant des outils technologiques modernes de surveillance des constantes vitales.
  2. Il faut arrêter d’affoler la population et être prudent avec les mesures restrictives qui relèvent de plus en plus de l’idéologie ou de l’opinion que de la réalité.
  3. et, enfin, il faudra du temps pour rattraper cette espèce de retard technologique épouvantable dans lequel nous sommes, y compris dans celui de la mesure des cas parce que l’absence de contrôle et de validation de tests qui sont réalisés actuellement donne une idée très fausse de la réalité. Il y a une quantité de faux positifs, il y a des faux négatifs et donc il est temps que technologiquement, ce pays se mette à niveau. Et pour se mettre à niveau il faudra que les gens qui n’ont pas les outils ni la compétence se remettent au travail et apprennent l’humilité face aux gens qui nous regardent en se moquant de notre arrogance.
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