Brian Byrne, University of New England; Katrina Grasby, University of New England et Richard Olson, University of Colorado
Les études montrent que le génome d’un élève peut avoir une influence considérable sur ses résultats. Pour certains, cela signifie qu’on ne peut pas faire grand chose pour les enfants en difficulté, et qu’il est donc vain de dépenser un centime de plus pour les aider.
Mais est-ce vraiment le cas?
L’idée que notre avenir dépend uniquement de facteurs génétiques est aussi répandue qu’erronée: ceux-ci n’expliquent pas tout. En effet, les facteurs environnementaux jouent aussi un rôle dans la réussite scolaire de l’enfant. Bien conçues et bien appliquées, des solutions peuvent compenser les facteurs génétiques défavorables qui freinent certains élèves.
Ce que l’on sait de l’influence génétique
C’est essentiellement grâce à la méthode des jumeaux, qui compare la similarité génétique entre vrais et faux jumeaux, que l’on a découvert le rôle des gènes dans l’aptitude scolaire.
Si les vrais jumeaux ont des résultats scolaires similaires, contrairement à ceux des faux jumeaux, cela valide l’hypothèse d’une influence génétique car les vrais jumeaux ont exactement les mêmes gènes, tandis que les faux jumeaux n’en partagent que la moitié. Dans les deux cas, ils ont en commun un foyer et un établissement scolaire.
Les chercheurs peuvent ainsi déterminer l’influence des gènes sur la réussite scolaire, au-delà des effets d’un environnement commun. En d’autres termes, cela leur permet d’estimer l’héritabilité des facultés d’apprentissage. Comme les faux jumeaux peuvent être de sexe opposé, ces études identifient également les différences éventuelles entre garçons et filles dans le rôle joué par la nature et l’environnement.
Pour l’essentiel, les deux sexes semblent affectés par les mêmes gènes bien que le discours populaire ait tendance à exagérer l’influence du genre.
Des études de jumeaux visant à déterminer l’impact de la génétique sur les capacités à lire, écrire et compter ont été menées dans le monde entier, y compris en Australie, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Europe, en Asie et en Afrique.
Les chiffres varient quelque peu selon les régions et les matières, mais l’influence des gènes oscillerait entre 50% et 80%. Ces études se fondent à la fois sur des tests standardisés et les évaluations menées par les écoles.
On en sait moins sur les domaines créatifs et techniques, pour lesquelles il existe clairement des talents spécifiques.
Et l’environnement dans tout ça?
Avec ce genre d’études, on peut également décomposer l’influence de l’environnement en différentes facteurs: ceux qui sont communs aux jumeaux, comme la situation socio-économique du foyer et l’école fréquentée, et ceux qui ne le sont pas: maladies, enseignants différents (ce qui arrive souvent), etc.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, certains facteurs communs, comme la situation socio-économique et l’établissement fréquenté, ont une influence relativement mineure une fois que l’on tient compte du patrimoine génétique.
Il faut cependant noter que des circonstances environnementales défavorables, notamment de faibles taux de scolarisation et d’assiduité, peuvent entraîner chez certains groupes une moindre réussite scolaire.
Pour d’autres, un environnement inhabituel peut entrer en jeu. Par exemple, une contamination aux métaux lourds, due à des activités minières ou de transformation, peut être liée à des résultats plus bas au NAPLAN (National Assessment Program – Literacy and Numeracy), une évaluation standardisée utilisée en Australie.
Le rôle des interventions pédagogiques
Des interventions bien conçues, appliquées de manière pertinente et au bon moment, peuvent aider des enfants en difficultés à atteindre des niveaux de réussite normaux, ou du moins à s’en approcher.
Ces interventions, généralement pensées pour des enfants spécifiques ou des petits groupes, se sont avérées efficaces lorsqu’elles étaient appliquées au niveau académique.
Il ne s’agit pas de prétendre que l’on peut facilement compenser les désavantages génétiques, mais en faisant preuve de bonne volonté, on constate de réels progrès dès lors que l’on assure un suivi, que l’on met en évidence les liens entre l’alphabet et les sons produits par la parole, et que l’on accompagne le tout d’exercices de lecture assistés.
Implications budgétaires
En conclure qu’il serait inutile d’engager des dépenses supplémentaires face à l’influence génétique est donc indûment pessimiste.
Au contraire: si les difficultés de certains enfants à apprendre à lire, écrire et compter ont une origine biologique, alors une aide budgétaire spécifique est précisément la solution. Elle est particulièrement nécessaire si l’on souhaite lutter contre des décalages croissants entre les élèves les plus brillants et ceux qui sont en difficulté.
Les implications pour le corps enseignant
Certains professeurs ont du mal à admettre le rôle des gènes dans la réussite scolaire, peut-être à cause d’une aversion envers toute explication biologique (le pseudo « déterminisme biologique ») ou du sentiment, erroné, que les gènes ont une plus grande influence que leur enseignement.
Cela a notamment eu pour conséquence de souligner de manière exagérée le talent et l’implication pédagogiques comme facteurs déterminants dans la réussite de certains élèves et l’échec des autres.
Les jumeaux nous apportent une preuve directe que les différences entre enseignants n’influent pas de manière significative sur les différences d’alphabétisation. Le rôle des instituteurs reste déterminant, car c’est grâce à eux que nos enfants en savent plus à la fin de l’année qu’au début, mais leur efficacité est bien plus homogène que la plupart des gens ne l’imaginent.
Le cas du Colorado
Malheureusement, dans certains systèmes éducatifs, comme celui du Colorado, l’emploi et la rémunération des enseignants dépendent d’évaluations qui accordent une trop grande importance aux progrès des élèves.
C’est ignorer le fait que les difficultés de certains sont liées à des obstacles biologiques, qui certes peuvent être surmontés dans une certaine mesure, à condition de disposer des ressources adaptées.
Aux États-Unis, le moral des enseignants a atteint un abîme historique. Ailleurs, comme en Australie, ils sont assaillis de critiques dans les médias et les discours politiques.
Ce dont nous avons besoin
Il est indispensable d’avoir une perception plus nuancée des facteurs qui déterminent la réussite scolaire, y compris du rôle joué par les gènes. Dans le même temps, nous devons éviter le pessimisme injustifié qui accompagne la reconnaissance de l’influence génétique, ce qui menace non seulement la réussite scolaire mais aussi la santé physique et mentale des enfants.
Il faut aussi faire confiance aux interventions qui reposent sur des bases scientifiques: dans les mains d’enseignants disposant des ressources suffisantes, elles peuvent faire toute la différence pour les élèves qui ont du mal à appréhender certaines matières.
Traduit de l’anglais par Charlotte Marti pour Fast for Word.
Brian Byrne, Chief Investigator, ARC Centre of Excellence in Cognition and its Disorders, Chief Investigator, NHMRC Centre of Research Excellence in Twin Research, and Emeritus Professor, School of Behavioural, Cognitive and Social Sciences, University of New England; Katrina Grasby, PhD, University of New England et Richard Olson, Professor of psychology and neuroscience director, Colorado Learning Disabilities Research Centre, University of Colorado
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.