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De l’utilisation du « notamment » dans la loi et dans la langue… de bois !

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’Etat au budget, Christian, fait ici une petite leçon de linguistique en politique.

Par Christian Eckert

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget (DR)

Député 7 ans avant d’être secrétaire d’Etat durant 3 ans, j’ai découvert les subtilités des mots et leur importance dans l’écriture de la loi comme dans les discours…
Très souvent, dans les débats parlementaires, l’adverbe « notamment » fait l’objet de discussions sans fin sur l’utilisation à en faire… Par exemple, écrire dans la loi une liste de critères à utiliser pour rendre éligible à une mesure, est souvent agrémenté de l’adverbe « notamment ». Ceci permet d’en rajouter d’autres ou d’en oublier certains dans l’application des textes légaux. Ne pas l’inscrire au contraire fige les choses… Pas anodin.

Taxer les étrangers

Pourquoi ce propos général qui peut paraitre abscons ? Je réécoutais ce matin avec intérêt le propos de Monsieur De Rugy, fraichement reconverti ministre (la reconversion chez lui est fréquente) sur les vignettes destinées à taxer les poids lourds.
J’ai repassé plusieurs fois la vidéo. Il y a un tout petit « Notamment » prononcé à voix basse dans sa phrase : « … Nous travaillons sur une forme de vignette NOTAMMENT pour permettre de taxer les camions étrangers… ».
Curieusement, les premières dépêches et les articles sur le sujet oubliaient le « Notamment ». Taxer les étrangers, c’est toujours bien vu. D’autant que les arguments portent.
Mais depuis, les propos ont évolué et butent sur l’adverbe notamment. Les français ne sont pas idiots.

Incompatible

Monsieur De Rugy a été parlementaire avant d’être macronien et connait l’importance de cet adverbe. Il connait un peu aussi les règles européennes : imposer une vignette aux seuls camions « étrangers » qui traversent la France est incompatible avec les directives européennes en vigueur.
Sauf à trouver un artifice (au demeurant scandaleux) comme l’ont fait les allemands avec la bienveillance de la Commission, une vignette ne peut exister que si elle traite tous les camions, notamment les camions étrangers. Mais donc aussi les autres, c’est-à-dire les camions français !
Dans le langage de monsieur De Rugy, le mot notamment est essentiel. Mais s’il l’a prononcé discrètement, c’est qu’il sait que la fronde des transporteurs français s’annonce rude, avec ou sans bonnets rouges, en tout cas le passé a montré qu’ils sont souvent mobilisés.
Certains articles récents semblent même évoquer les voitures et pas seulement les poids lourds. Le retour de la vignette automobile en rajeunira quelques-uns. Monsieur De Rugy aurait sans doute pu dire qu’il voulait taxer les véhicules, notamment les camions et notamment les camions étrangers.
Que monsieur De Rugy ait au moins le courage tenir des propos clairs. Ses actes, on a compris, de revirement en revirement, que c’est autre chose.

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