L’humoriste belge passe au cinéma avec un film en partie inspiré de son histoire, « C’est tout pour moi ».
C’est l’histoire d’une gamine qui rêve de danse, de spectacle, et qui une fois jeune fille va tenter sa chance à Paris, n’ayant rien d‘autre « que des rêves en poche ». Nawell Madani incarne cette Lila dans « C’est tout pour moi » (sortie le 29 novembre), un film qu’elle a coréalisé avec Ludovic Colbeau-Justin. Comme son personnage, Nawell a connu bien des galères, de bonnes et mauvaises rencontres, avant le succès de son spectacle « C’est moi la plus Belge ! ». Rencontre avec la tourbillonnante serial-vanneuse, lors de l’avant-première de son film à l’UGC Ciné-Cité de Ludres.
Qu’est-ce qui vous a décidé à faire un film inspiré de votre parcours, un mélange de fiction et d’autobiographie ?
Nawell Madani : Il y a des éléments inspirés de ma vie, et d’autres pas du tout. J’ai voulu m’en éloigner au maximum, pour justement laisser exister ce personnage et ne pas m’accrocher à ma propre histoire. Le mieux à faire, c’était de raconter l’histoire d’une jeune provinciale qui part à la conquête de Paris, et venir piocher dans ma vie ou ce que j’aurais pu observer quand il fallait trouver des ressorts comiques ou dramatiques. Aujourd’hui, je l’assume complètement, l’héroïne s’appelle Lila et pas du tout Nawell.
Le public va quand même transposer et se dire que c’est votre histoire…
Oui, ça arrive, si ça permet que le message passe mieux, pourquoi pas, je le dis : c’est pas moi. J’ai inspiré dans l’écriture pour que ça sonne juste, mais c’est pas ma vie.
« Je suis impulsive, hyper-active »
Qu’est-ce qui vous rapproche de cette Lila ?
Le franc-parler, la répartie, le côté garçon manqué, l’humour, le fait de ne pas courber l’échine. Même quand on a l’impression d’atteindre son objectif du bout des doigts, plus d’une fois j’ai retourné les tables, peut-être pas au bon moment. Je suis impulsive, hyper-active, comme elle, et surtout depuis toute petite je crois en moi, plus que quiconque.
Votre modèle pour ce film était la success-story à l’américaine ?
Mes inspirations sont black américaines, les films qui m’ont inspirée c’est Flashdance, Rocky, Karaté Kid…. En France, on est gêné de parler de success-story de gens qui ne sont pas morts, on a un problème avec le succès. Si tu as une grosse voiture, tu dois la cacher, si tu gagnes de l’oseille tu ne dois pas le dire, si tu as réussi en un temps chrono tu dois en avoir honte… c’est français, vraiment. Moi, je viens de Belgique, je ne me considère pas comme Française, donc je casse les codes, j’ai une culture anglo-saxonne. Pour ma part, je n’ai pas été gênée d’écrire l’histoire d’une provinciale qui part à la conquête de Paris pour tout défoncer. Ma mère était infirmière, mon père est chauffeur de taxi, je viens d’une bourgade, je n’étais pas du tout prédestinée à vivre ce que je vis aujourd’hui. J’ai galéré, mais une fois que j’ai trouvé ma place, une fois que j’ai compris ce que je voulais raconter et comment le raconter, ça a été vite parce que je me suis donnée à mile pour cent, et surtout j’y ai cru.
Pourquoi avoir choisi François Berléand pour le rôle de prof de comédie et pygmalion ?
Parce que c’est le seul qui peut sortir une punch-line avec une tête morose. C’est un nounours grincheux, et comme ma référence c’était Million Dollar Baby, je voulais absolument mon Clint Eastwood, et je trouvais qu’il s’en rapprochait beaucoup, il porte bien cette casquette du paternel.
Justement, dans le film vous donnez de l’importance au rapport père-fille, comme dans votre vie ?
Pas que, parce que ma mère est aussi importante dans ma vie, c’est elle qui m’a inculqué la gagne. Comme mon père a toujours été un obstacle, à contrecourant de ce que je voulais faire, et qu’on reste à vie la petite fille à son papa, j’ai voulu briller à ses yeux, et cela jusqu’à présent. Si ma mère me soutenait mais que mon père me cassait derrière, c’est tout ce que je retenais.
« J’ai atteint un niveau grâce à ma famille »
Ce fut difficile de réussir dans le monde très masculin du stand-up ?
C’est sûr, c’est un domaine où il y a une dominante masculine, même le public nous juge, les journalistes demandent si on fait de l’humour au féminin, comme si les hommes faisaient un humour universel, il y a encore beaucoup de travail. Quand on est une femme, coquette, et qu’on aime se mettre en valeur, on se demande si notre place est sur scène, on n’a pas la même liberté de ton. Etant une femme d’origine maghrébine, et de confession musulmane, non seulement j’ai à faire au machisme mais aussi à des jugements. Je parle comme la jeunesse d’aujourd’hui, je n’ai pas fait ce métier pour me travestir, je l’ai fait parce que c’est mon exutoire. Je suis la première Maghrébine à avoir atteint ce niveau, j’ai fait des Palais des Sports, des Zénith, j’attaque mon septième Olympia, le fait d’avoir défoncé ces portes-là je suis comme une grande sœur, j’ouvre les portes, je ramasse les premiers coups, et ce sera plus facile pour celles qui arrivent derrière.
La morale de votre film est donc qu’il faut croire en ses rêves ?
Je pense qu’aujourd’hui on est dans une période où rêver relève du luxe. Mais oui, dans un premier temps, c’est croire en ses rêves, et deuxièmement le partager, le vivre avec les siens. Aujourd’hui, j’ai atteint un niveau grâce au socle que j’ai derrière, grâce à ma famille, avoir mon père dans les coulisses c’est magique. Quand je vais tester les Etats-Unis en anglais, et qu’il y a ma mère dans la salle, en claquette et djellaba à Hollywood, et qu’elle me dit je n’aurais jamais cru ça de là où je viens… Mon père m’a dit une phrase que j’ai retenue à vie : Tu me permets de rêver. Mes parents avec moi, ils imaginent tout.
Propos recueillis par Patrick TARDIT
« C’est tout pour moi », un film de Nawell Madani et Ludovic Colbeau-Justin (sortie le 29 novembre).