Dans une déclaration d’une rare sévérité, la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur les territoires palestiniens a accusé mardi Israël de commettre un génocide à Gaza, pointant du doigt l’échec du système multilatéral à empêcher cette tragédie. En violation flagrante du cessez-le-feu, Israël a repris les bombardements qui ont fait plus de 90 morts, selon les hôpitaux de l’enclave.
Des accusations sans précédent

Navi Pillay, 84 ans, ancienne juge du Tribunal pénal international pour le Rwanda et ex-Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, n’a pas mâché ses mots lors d’une conférence de presse au siège des Nations Unies. « L’État d’Israël est responsable de quatre actes de génocide à Gaza », a déclaré la juriste sud-africaine, qui présidait pour la dernière fois la Commission d’enquête.
Le rapport qu’elle présentait, le plus sévère publié depuis le début du conflit, conclut à une politique israélienne « visant la destruction systématique de la vie palestinienne ». La Commission estime notamment que les dirigeants israéliens – le président, le premier ministre et l’ancien ministre de la Défense – ont incité à commettre un génocide dans ce que Mme Pillay qualifie d’« attaque la plus impitoyable, la plus prolongée et la plus généralisée de l’histoire contre le peuple palestinien ».
Le contexte d’un conflit meurtrier
Ces déclarations interviennent alors que la guerre a fait plus de 68 000 morts palestiniens selon les autorités sanitaires de l’enclave, et que le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou ordonnait de nouvelles frappes massives sur Gaza, accusant le Hamas de violer le cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre.
Chris Sidoti, membre australien de la Commission, a tenu à replacer les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 – qui ont causé 1 200 morts israéliens et fait des centaines d’otages – dans le contexte du siège imposé à Gaza depuis près de deux décennies. « Mais l’illégalité de l’occupation israélienne ne justifie pas les crimes de guerre commis par le Hamas. Pas plus que ces crimes de guerre ne justifient les actions menées par l’armée israélienne depuis lors », a-t-il précisé.
Une complicité internationale dénoncée
Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens, a pour sa part publié un rapport intitulé « Génocide à Gaza : un crime collectif ». Depuis Le Cap, elle a dénoncé un système global de complicité : « Aucun État ne peut prétendre respecter le droit international tout en soutenant ou en armant un régime génocidaire ».
Selon elle, les États-Unis et l’Allemagne auraient fourni plus de 90 % des importations d’armes israéliennes, tandis que l’Union européenne reste le principal partenaire commercial d’Israël. L’aide humanitaire à Gaza aurait même été « instrumentalisée jusqu’à devenir un outil de domination ».
Une catastrophe humanitaire sans fin

Sur le terrain, la situation demeure désespérée. Plus d’un million de personnes dépendent désormais quotidiennement de l’aide internationale pour leurs besoins les plus élémentaires. Malgré le cessez-le-feu censé faciliter l’acheminement de l’aide, les convois se heurtent à de nouveaux obstacles, notamment au corridor de Philadelphie à la frontière égyptienne, saturé de camions.
Pendant ce temps, les familles déplacées tentent tant bien que mal de consolider leurs abris de fortune avant la saison des pluies.
Un appel à un « nouveau multilatéralisme »
Dans un constat amer, Navi Pillay a déploré que « le système multilatéral d’après-guerre ait échoué à prévenir ce génocide ». La juriste, qui a grandi sous l’apartheid en Afrique du Sud, a appelé à l’émergence d’« un nouveau multilatéralisme – non pas une façade, mais une architecture vivante des droits et de la dignité, pour le plus grand nombre et non pour les privilèges de quelques-uns ».
Elle a également demandé aux États de soutenir la Cour pénale internationale dans sa lutte contre l’impunité, insistant sur la nécessité d’une justice internationale qui s’applique avec la même rigueur à tous.