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Rami Aman : « On doit écouter la voix des citoyens Palestiniens »

Ingénieur de formation, Rami Aman a passé six mois et demi dans les prisons du Hamas. Son seul tort : avoir tenté d’établir des liens pacifiques avec des Israéliens. De passage en France, il nous a accordé un entretien.

Rami Aman veut revenir à Gaza et vivre en paix avec Isaraël (Photo DR)
Rami Aman veut revenir à Gaza et vivre en paix avec Israël (Photo DR)

Aujourd’hui, croire en une paix entre Palestiniens et Israéliens, il n’y a sans doute que des fous ou des utopistes pour s’en persuader. Rami Aman n’est ni l’un ni l’autre. « Il veut tous nous tuer ? Nous envoyer où Trump, en Jordanie, en Malaisie ou au Canada ? »

Installé à Gaza en 1992

À 43 ans, cet ingénieur en télécommunications, aujourd’hui exilé en Égypte, veut mettre toute son énergie à faire d’un rêve une réalité. Revenir à Gaza et vivre en paix sur un territoire où cohabitent deux États.
Né en Algérie, éduqué au Koweït, Rami Aman s’est installé à Gaza avec toute sa famille en 1992. Dès l’adolescence, il a du mal à supporter les actions violentes que le Hamas mène en Israël. De même que la violence récurrente sur la bande de Gaza. « J’ai travaillé comme ‘’fixeur’’ pour de nombreuses télés étrangères et ce que voulaient les journalistes en général c’étaient des reportages sur les hommes masqués et armés du Hamas ou du Fatah. Le show. La vie des simples citoyens ne les intéressait guère. »

Le quotidien des Gazaouis

Ce métier, il le reconnait, lui a fait gagner beaucoup d’argent, mais aussi et surtout développer un réseau de contacts, y compris en Israël. Notamment pour des questions techniques de transmissions d’images et de reportages.
« À un moment, j’ai cessé ce travail de fixeur et j’ai créé une radio, Palestinian FM. Le Hamas a toujours montré de la méfiance à mon égard : tout ce qui ne dépend pas d’eux dépend du Fatah et ça leur parait suspect ». C’est comme cela que Rami s’intéresse au quotidien des Gazaouis, en particulier des jeunes et des étudiants. « Nous étions en 2011 en plein Printemps Arabe. J’ai été un des premiers à descendre dans la rue et à manifester à visage découvert ». Rami est un pacifiste et un libéral. « Mes parents sont musulmans, mais jamais, ils ne m’ont appris à détester les autres religions et n’ont jamais forcé ma sœur à porter le voile ».

Un marathon israélo-palestinien

Il y a tout juste 10 ans, le jeune ingénieur gazaoui commence à nouer des liens avec des citoyens israéliens via Facebook et les réseaux sociaux. En 2014, Rami réussit l’exploit d’organiser un double marathon : une course en parallèle qui réunit 70 personnes côté Palestinien et 150 côté israélien.
Vient ensuite un voyage aux États-Unis dans le cadre d’un programme Young Leaders qui réunit des cadres du Moyen-Orient, outre des Palestiniens, Rami y côtoie des Tunisiens, des jordaniens et bien sûr, des Israéliens. « Je n’en avais jamais rencontré auparavant. Juste des échanges téléphoniques liés à mon ancien métier ».
Arrêté une première fois en 2017, il se retrouve en prison en 2020 pendant six mois et demi. « On m’accuse d’être trop proche des Israéliens. Ce séjour a été un véritable cauchemar ». Il faudra une mobilisation internationale pour le faire sortir de prison. Mais pendant un an, le Hamas lui confisque son passeport : il ne peut plus voyager librement.

Ensuite, Rami gagne l’Égypte où il réside depuis

Alors qu’une grande partie des gazaouis ignorait tout de l’action terroriste menée le 7 octobre par les hommes du Hamas contre des civils israéliens, Rami avoue aujourd’hui qu’il n’a pas été surpris. Tout le monde voyait bien qu’ils se préparaient à l’attaque. Les Israéliens également qui bénéficiaient d’une technologie ultra-sophistiquée, à commencer par des drones en permanence au-dessus des têtes.
Aujourd’hui? « J’ai toujours ma maison, mais mes bureaux sont détruits ». Il le sait grâce à des amis restés sur place et qui lui envoient régulièrement des photos et des vidéos. Sur l’une d’elles, on voit un écran géant payé l’équivalent de 2000 euros et rendu inutilisable par des soldats israéliens qui y ont gravé le numéro de leur bataillon. Acte totalement gratuit.

Gaza : un acte gratuit (DR)
Gaza : un acte gratuit (DR)

Instaurer la compréhension entre les citoyens

Il en est persuadé aujourd’hui. « Les Palestiniens en ont assez de la violence. Ils veulent vivre en paix, ils veulent des élections ». Lui qui avait créé un parti politique à Gaza en 2011 n’exclut pas de se lancer dans la bataille à condition qu’elle se déroule sur un terrain démocratique et non pas sur celui des armes. Il continue le seul combat qui vaille et rêve de voir la création d’une fondation internationale dont le but serait de développer l’éducation des jeunes.
« Je connais des gens à Gaza et avec eux nous pouvons insuffler une nouvelle vision. Les gens ne sont plus prêts à donner leur sang, celui de leurs enfants. Ils ont assez perdu comme ça. Ils ont assez souffert comme ça. Il faut qu’ils soient prêts au changement, il faut qu’on les éclaire sur ce qui est bon pour eux. Et pour cela, nous avons besoin de contacts avec la société israélienne. Et de coordonner tout cela. »
Rami en est conscient : tant que la question des otages ne sera pas réglée, rien ne se fera. La reconstruction de Gaza ira-t-elle de pair avec un nouveau souffle parmi la population ? Il veut encore y croire.

Gaza, février 2025. Images amateur.

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