Alors qu’Israël se prépare à mener une opération militaire massive contre le Hamas à Gaza, le risque de voir ce conflit s’étendre à l’ensemble du Proche-Orient se profile à l’horizon. La menace immédiate la plus grave pour Israël provient du Hezbollah, groupe armé et parti politique basé au Liban, frontalier d’Israël au nord.
Le Hamas et le Hezbollah sont tous deux soutenus par l’Iran et considèrent l’affaiblissement d’Israël comme leur principale raison d’être. Toutefois, ces deux groupes ne sont pas identiques. Leurs différences auront probablement un impact direct sur leurs actions – et sur celles d’Israël – dans les jours et les semaines à venir.
Contrairement au Hamas, le Hezbollah n’est jusqu’ici jamais entré en guerre uniquement au nom de la seule cause palestinienne. Cela pourrait changer. Le groupe libanais n’est pas encore totalement entré dans le conflit actuel, mais il a déjà échangé des tirs avec les forces israéliennes. Entre-temps, l’Iran a déclaré qu’une extension de la guerre apparaissait « inévitable ».
Qu’est-ce que le Hezbollah ?
Le « parti de Dieu » se présente comme un mouvement de résistance chiite. Son idéologie est axée sur l’expulsion des puissances occidentales du Moyen-Orient et sur le rejet du droit d’Israël à l’existence.
Le groupe a été créé en 1982, en pleine guerre civile libanaise (1975-1990), après qu’Israël a envahi le Liban en représailles à des attaques perpétrées par des factions palestiniennes basées dans ce pays. Il a rapidement été soutenu par l’Iran et son Corps des Gardiens de la révolution, qui lui ont fourni des fonds et des armes, ainsi que des formations militaires pour ses membres, dans le but d’étendre l’influence iranienne au sein des États arabes.
La force militaire du Hezbollah a continué à se développer après la fin de la guerre civile libanaise en 1990, malgré le désarmement de la plupart des autres factions. Le groupe s’est focalisé sur la « libération » du Liban d’Israël, et s’est engagé dans des années de guérilla contre les forces israéliennes occupant le Sud-Liban, jusqu’au retrait d’Israël en 2000. Le Hezbollah a alors largement concentré ses opérations sur la récupération par le Liban de la zone frontalière contestée des fermes de Chebaa.
En 2006, le Hezbollah a livré une guerre de cinq semaines à Israël – une guerre visant à régler des comptes avec l’État hébreu plus qu’à libérer la Palestine. Ce conflit a causé la mort d’au moins 158 Israéliens et plus de 1 200 Libanais, pour la plupart des civils.
À partir de 2011, pendant la guerre civile syrienne, le pouvoir du Hezbollah s’est encore accru, ses forces venant à l’aide du président syrien Bachar Al-Assad, allié à l’Iran, dans sa confrontation avec des rebelles majoritairement sunnites. En 2021, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que le groupe comptait 100 000 combattants (bien que d’autres estimations évaluent ses effectifs dans une fourchette allant de 25 000 à 50 000 hommes). Il dispose d’un arsenal militaire sophistiqué ; il est notamment équipé de roquettes de précision et de drones.
Le groupe existe également en tant que parti politique au Liban et y exerce une influence significative, si bien qu’on le qualifie souvent d’« État dans l’État ». Huit de ses membres ont été élus pour la première fois au Parlement libanais en 1992 ; son poids a constamment progressé, et en 2018, une coalition dirigée par le Hezbollah a formé un gouvernement.
Le Hezbollah a conservé ses 13 sièges (sur 128 au total) au Parlement lors des élections de 2022, mais la coalition qu’il dirigeait a perdu sa majorité et le pays n’a actuellement pas de gouvernement pleinement opérationnel. D’autres partis libanais accusent le Hezbollah de paralyser et saper l’État, et de contribuer à l’instabilité persistante du Liban.
Qu’est-ce que le Hamas ?
« Hamas », qui se traduit littéralement par « zèle », est un acronyme arabe signifiant « mouvement de résistance islamique ». Le mouvement a été fondé en 1987, à Gaza, en tant qu’émanation des Frères musulmans, un important groupe sunnite historiquement basé en Égypte.
Apparu au cours de ce que l’on appelle la première intifada ou soulèvement des Palestiniens contre l’occupation israélienne, le Hamas a rapidement adopté le principe de la résistance armée et a appelé à l’anéantissement d’Israël.
La situation politique palestinienne a évolué de manière significative après les accords d’Oslo de 1993, négociés entre le gouvernement israélien et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dans le but d’établir un accord de paix global.
Opposée au processus de paix, la branche armée du Hamas, les Brigades al-Qassam, s’est imposée comme la principale force de résistance armée) contre Israël. Elle a lancé une série d’attentats suicides à la bombe qui se sont poursuivis pendant les premières années de la deuxième Intifada (2000-2005), avant de passer aux roquettes, dont l’emploi récurrent est devenu sa tactique principale.
De même que le Hezbollah, le Hamas est un parti politique. Il a remporté les élections législatives en 2006 et, en 2007, il a pris le contrôle de la bande de Gaza à l’issue d’affrontements sanglants avec le parti rival, le Fatah, qui a fait plus de 100 morts. Depuis lors, le Hamas contrôle la bande de Gaza et ne tolère aucune opposition politique. Il n’a jamais organisé d’élections, et ses adversaires politiques et détracteurs sont fréquemment arrêtés, des rapports d’ONG de défense des droits humains faisant état de tortures.
Au cours de cette période, la branche armée du Hamas est devenue de plus en plus sophistiquée. Son arsenal comprend désormais des milliers de roquettes, y compris des missiles à longue portée et des drones.
En quoi le Hamas et le Hezbollah se distinguent-ils ?
Le Hamas reçoit de plus en plus de fonds, d’armes et d’entraînement en provenance de Téhéran ; pour autant, il ne se trouve pas dans la même situation de dépendance vis-à-vis de l’Iran que le Hezbollah qui, pour sa part, est presque exclusivement soutenu par ce pays et qui reçoit ses directives de la République islamique.
De plus, en tant qu’organisation sunnite, le Hamas ne partage pas le lien religieux chiite avec l’Iran qui caractérise le Hezbollah et la plupart des autres mandataires de Téhéran. Si le Hamas bénéficie sans aucun doute du patronage de l’Iran, il tend à opérer de manière plus indépendante que le Hezbollah.
En effet, le Hamas a été soutenu dans le passé par la Turquie et par le Qatar, entre autres, et opère avec une relative autonomie. Le groupe a également longtemps été en désaccord avec l’Iran, les deux parties défendant des positions opposées en Syrie.
À l’heure actuelle, le conflit est essentiellement une guerre entre Israël et le Hamas. Le Hezbollah reste toutefois une menace pour Israël. S’il est activé par l’Iran, son implication totale changerait rapidement le cours du conflit et ouvrirait probablement la voie au déclenchement d’une guerre régionale.
Julie M Norman, Associate Professor in Politics & International Relations & Co-Director of the Centre on US Politics, UCL
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.