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Ukraine : Les aléas de la guerre

Deux mois et demi après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu. D’un côté comme de l’autre.

Robert Harneis
Robert Harneis, journaliste

Par Robert Harneis

C’est un truisme de dire que les guerres se déroulent rarement comme prévu. Comme l’a écrit Winston Churchill de façon mémorable : « Tirons-en les leçons. Ne croyez jamais, jamais, jamais qu’une guerre se déroulera sans heurts et sans difficultés, ou que quiconque s’embarque dans cet étrange voyage peut mesurer les marées et les ouragans qu’il rencontrera. L’homme d’État qui cède à la fièvre guerrière doit se rendre compte qu’une fois le signal donné, il n’est plus le maître de la politique, mais l’esclave d’événements imprévisibles et incontrôlables ».
Il y a eu des surprises désagréables partout, et pas seulement pour la Russie.

Les revers de l’armée russe

À première vue, l’échec de la Russie à prendre Kiev dans les premiers jours de la guerre en est l’exemple le plus frappant. Il est douteux que Moscou ait réellement espéré capturer une ville de trois millions d’habitants avec seulement 40 000 hommes. Mais il est clair que le Kremlin aurait aimé générer un changement rapide de gouvernement et des négociations significatives par des tactiques de choc. Ce que nous avons vu ressemble à ce que l’on appelait aux XVIIIe et XIXe siècles, dans les guerres, un « espoir perdu » [NB : « Les enfants perdus »]. Une tentative désespérée de mettre fin à la guerre rapidement, qui n’aboutirait probablement pas mais qui valait la peine de risquer la vie d’hommes courageux.
Ceci est confirmé par l’appel de Poutine aux généraux ukrainiens pour renverser Zelensky dans les premiers jours de la guerre et son discours émouvant remerciant les soldats qui ont perdu la vie.

Huit ans dans le Donbass

Cet espoir initial a été déçu et la sinistre tâche de combattre à travers des fortifications massives préparées pendant huit ans avec l’aide de l’OTAN dans le Donbass se poursuit. Notez qu’elle est lente car de tels combats le sont toujours, comme l’a admis le Pentagone. Dans ce cas, ils sont particulièrement difficiles parce qu’ils se déroulent dans des centres de population afin de rendre les choses aussi difficiles que possible pour les Russes. C’est aussi une région où il y a beaucoup de rivières. En outre, les Russes et leurs alliés, les forces républicaines du Donbass, sont gênés par la nécessité d’éviter autant que possible de tuer leur propre peuple et de détruire leur propre pays.

La suprématie aérienne

Le choc numéro un, dont on parle moins, mais qui est désastreux pour le gouvernement de Kiev, a été l’anéantissement complet de son système de défense aérienne et des communications entre les unités dans les 24-48 premières heures de la guerre.
On s’attendait à une invasion, mais les forces russes ont réussi à créer une surprise tactique totale et à obtenir la suprématie aérienne. L’énorme convoi russe qui est resté notoirement à l’extérieur de Kiev pendant plus d’une semaine et qui n’a été attaqué à aucun moment en est une preuve évidente. Ainsi, depuis le début de la guerre, les forces ukrainiennes sont bloquées dans des positions fixes et ne peuvent pas manœuvrer. Elles sont lentement mais sûrement détruites, pièce par pièce, par un ennemi largement supérieur.
Elles se défendent d’autant plus férocement que les soldats et les officiers ukrainiens savent que s’ils tentent de se rendre, ils risquent d’être abattus dans le dos par leurs propres officiers. La situation est donc difficile pour les Russes et leurs alliés du Donbass, mais il n’y a aucune raison de penser qu’ils sont surpris par cette situation, comme le prétendent souvent les médias occidentaux.

« Une guerre cool »

Une autre mauvaise surprise pour l’Ukraine semble avoir été l’absence d’intervention militaire directe de l’OTAN, du moins jusqu’à présent. Il existe une interview importante du principal conseiller présidentiel ukrainien, Alexei Arestovich, datant du 18 février 2019, dans laquelle il prédit une guerre en 2022 et déclare, très ouvertement, qu’une guerre générale avec la Russie serait « la chose la plus cool » car elle conduirait à une intervention occidentale avec une zone d’exclusion aérienne protégeant les forces ukrainiennes les plus faibles. Pour l’instant, il a sa guerre générale, mais aucun signe de présence occidentale au sol ou dans les airs.

Nouvelles armes russes ?

Il se peut que son erreur de calcul trouve son origine dans l’annonce par le président Poutine de la nouvelle série de missiles hypersoniques et autres missiles nucléaires intercontinentaux contre lesquels il n’existe aucune défense. Dans un discours dramatique devant l’Assemblée fédérale russe le 1er mars 2018, Poutine a décrit ces nouvelles armes. Il a alors déclaré qu’en 2004, lorsque les États-Unis ont abandonné le traité sur les missiles anti-balistiques (ABM), qu’il avait prévenu que la Russie se protégerait, mais que personne ne l’avait écouté. Il a poursuivi avec son franc-parler habituel : « Non, personne ne voulait vraiment nous parler du cœur du problème et personne ne voulait nous écouter. Alors, écoutez maintenant ».
Il est fort possible qu’aveuglé par sa haine de la Russie, Arestovitch n’ait pas écouté, mais qu’au Pentagone, à Washington, on l’ait fait et qu’on ait compris qu’il n’était désormais plus possible de menacer militairement la Russie sans risquer une destruction mutuelle assurée (MAD).
Les États-Unis et leurs alliés ont eu leur lot de chocs et de surprises, notamment l’échec presque total de leur plan de saisie d’actifs et de sanctions qui était censé mettre la Russie à genoux sur le plan économique.
Comme l’a dit le président Macron, « leur monnaie s’effondre, ils font défaut sur leurs paiements et sont de plus en plus isolés », ce qui entraînera des négociations en vue d’un cessez-le-feu.
En réalité, la monnaie russe est plus forte qu’avant la guerre, l’euro s’effondre, la Russie n’est pas en défaut de paiement.
La suite de l’histoire reste à écrire.

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