Alors que l’assurance-maladie et les syndicats de médecins négocient actuellement la nouvelle convention médicale qui va organiser l’offre de soins de ville pour les prochaines années, l’UFC – Que Choisir rend publique aujourd’hui sa carte de France interactive de l’accès aux soins.
Face à la déplorable aggravation de la fracture sanitaire, l’association presse les pouvoirs publics de fermer l’accès au secteur 2 et de mettre en place un conventionnement sélectif des médecins dans les zones sur-dotées.
Comme en 2012, l’UFC – Que Choisir a analysé l’offre exhaustive de soins de ville pour quatre spécialités (généralistes, pédiatres, ophtalmologistes et gynécologues), pour la totalité des communes de France métropolitaine, en croisant les deux dimensions de l’accès aux soins, géographique et financière. Tous les résultats sont disponibles gratuitement sur www.quechoisir.org.
Un recul de l’accès aux soins en 4 ans pour plus de 30 millions de Français
Entre 2012 et 2016, l’accès géographique aux médecins généralistes (à moins de 30 minutes du domicile) s’est dégradé pour plus du quart de la population. Pire, l’accès aux médecins spécialistes a diminué pour 38 % des Français en ce qui concerne les ophtalmologistes, 40 % pour les pédiatres et même 59 % de la population pour l’accès aux gynécologues. La situation est encore plus alarmante pour les spécialistes au tarif de la sécurité sociale, dont l’offre a reculé pour plus de la moitié des usagers, quelle que soit la spécialité étudiée.
Déserts des villes, déserts des champs
Selon les spécialités, ce sont entre 14,6 millions (pour les généralistes) et 21,1 millions (pour les pédiatres) d’usagers qui vivent dans un territoire où l’offre de soins libérale est notoirement insuffisante, principalement dans les zones rurales et montagneuses. Mais à ces déserts médicaux des champs, il faut ajouter les déserts médicaux des villes, qui eux sont financiers. Car lorsque l’on cherche à se soigner sans dépassement d’honoraires, c’est plus de 8 Français sur 10 qui n’ont pas suffisamment d’ophtalmologistes ou de gynécologues autour de chez eux !
Dès lors, la théorie déculpabilisante des dépassements d’honoraires « choisis » par les usagers s’efface devant la réalité des dépassements « subis » sur une grande partie du territoire, où l’accès aux soins sans discrimination financière devient chimérique.
1ère explication : une moins bonne répartition géographique des médecins
L’aggravation de la fracture sanitaire est d’abord géographique : les médecins sont moins bien répartis sur le territoire qu’en 2012. Et aucun département n’est épargné.
Les mesures de « saupoudrage incitatif », qui visent à inciter financièrement les médecins à s’installer dans les zones sous-dotées, prouvent ici leur criante inefficacité.
2ème explication : le dispendieux échec du Contrat d’accès aux soins
Sous l’effet des dépassements d’honoraires, le tarif moyen d’une consultation a augmenté depuis 2012 de 3,5 % pour les ophtalmologistes, de 5 % pour les gynécologues et même de 8,8 % pour les pédiatres, quand l’inflation sur la même période ne dépasse pas 1 %. On constate ici le dispendieux échec du Contrat d’accès aux soins, censé depuis 2013 réguler les pratiques tarifaires des médecins. En réalité, en 2014, il n’aura permis d’éviter que 59 millions d’euros de dépassements, sur un total de 2,46 milliards d’euros. Dans le même temps, les contreparties accordées aux médecins se sont élevées à 470 millions d’euros : 320 millions à la charge de l’Assurance maladie, et 150 millions à la charge des complémentaires santé. Dans ce jeu de dupes, chaque euro de dépassement d’honoraires évité aura ainsi indirectement coûté 8 € aux usagers !
Sur la base de ces constats, l’UFC – Que Choisir :
- invite les consommateurs à connaître l’état de l’accès aux soins de leur zone géographique en consultant gratuitement la carte interactive de la fracture sanitaire.
- exhorte la Ministre de la Santé et l’Assurance maladie à tirer les leçons des échecs passés, en adoptant deux solutions concrètes à l’aggravation de la fracture sanitaire :
- La fermeture de l’accès au secteur 2 : les effets délétères du secteur 2 (dépassements d’honoraires libres) ne sont plus à prouver. Le Contrat d’accès aux soins (dépassements encadrés) ne pourra produire ses effets que s’il cesse d’être facultatif, pour devenir le substitut du secteur 2 dont l’accès doit être fermé.
- Un conventionnement sélectif des médecins : toute nouvelle installation dans un territoire où l’offre est surabondante ne doit pouvoir se faire qu’en secteur 1 (sans dépassements d’honoraires), ce qui permettra de réinjecter de l’offre accessible dans des territoires qui en manquent et d’améliorer la répartition géographique des médecins.