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Quand la guerre en Ukraine rappelle la guerre civile espagnole de 1936

Les similitudes entre le conflit russo-ukrainien d’aujourd’hui sont nombreuses avec la guerre civile espagnole de 1936-39. Et plutôt inquiétantes.

Robert Harneis
Robert Harneis, journaliste

Par Robert Harneis

Les choses ne vont pas bien pour le président Zelensky dans sa lutte pour résister à l’invasion russe en Ukraine. Cependant, il semble déterminé à se battre pour chaque parcelle de territoire dans le Donbass plutôt que de permettre à ses forces de battre en retraite et de se regrouper. Il existe des parallèles inquiétants entre le conflit actuel et la guerre civile espagnole de 1936-1939.

Terrain de jeux pour les marchands d’armes

D’un côté, en Espagne, il y avait le gouvernement républicain de gauche. De l’autre, les forces rebelles catholiques nationalistes de droite, dirigées par le général Franco. Les Républicains étaient soutenus par l’Union soviétique et les nationalistes par l’Allemagne d’Hitler et l’Italie de Mussolini. Comme l’Ukraine aujourd’hui, l’Espagne était un terrain d’essai idéal pour les nouvelles armes et un endroit où les marchands d’armes pouvaient gagner beaucoup d’argent. Les Républicains manquent de munitions, souffrent d’un soutien extérieur hésitant et d’un manque de puissance aérienne. Comme les Ukrainiens, les Républicains se plaignent de ne pas recevoir de leurs alliés les fournitures d’armes et de munitions dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin. Peu enthousiastes à l’égard de l’un ou l’autre camp, la France et la Grande-Bretagne tergiversent et imposent des mesures de non-intervention inefficaces qui ressemblent aux sanctions anti-russes actuelles.

Les unités néo-nazies

De la même manière que les Ukrainiens ont des unités spéciales néo-fascistes, comme le bataillon Azov, qui ont leur propre loi et sont à part du reste de l’armée, en Espagne, les Républicains du gouvernement avaient aussi une armée dans leur armée, les communistes. Les communistes, comme les néo-fascistes d’aujourd’hui, malgré tout leur courage, projetaient une image extrémiste et cohabitaient difficilement avec leurs camarades soldats non communistes.
Mais ce qui est le plus frappant, c’est la façon dont le gouvernement ukrainien, comme les Républicains avant eux, semble mener la guerre d’un point de vue politique et de relations publiques plutôt que militaire.

Comme dans le Donbass

Dans son imposante histoire de la guerre civile espagnole, « La bataille pour l’Espagne », le célèbre historien militaire Anthony Beevor, écrivant sur la bataille de l’Èbre, fait remarquer que pour les Républicains, « poursuivre la bataille dans de telles circonstances n’avait aucune justification militaire. Et tout cela parce que (le Premier ministre) Negrin croyait que les yeux de l’Europe étaient braqués sur eux et qu’il ne pouvait pas reconnaître une défaite. Une fois de plus, des considérations politiques et de propagande ont conduit à un autre désastre auto-infligé (…) les ordres de l’époque soulignaient la décision républicaine de tenir bon « pas une seule position ne doit être perdue… pas un mètre de terrain ne doit être cédé à l’ennemi ». C’était ‘le sacrifice inutile d’une armée qui ne pouvait être remplacée’. » Cela aurait pu être le Donbass aujourd’hui.

Le délire de la propagande

Beevor ajoutait : « C’était au-delà de la stupidité militaire, c’était le délire fou de la propagande. » Il a noté l’impossibilité absolue de contester la sagesse de la politique militaire du gouvernement « pire : toute résistance à cette politique était condamnée comme une trahison à la cause du prolétariat. »
Aujourd’hui, en Ukraine, toute suggestion visant à ce que le gouvernement Zelensky se retire de la lutte désastreuse dans le Donbass ou adopte une attitude plus conciliante envers la Russie peut conduire à l’emprisonnement, voire à l’assassinat, comme cela est arrivé à l’un des diplomates ukrainiens négociant avec les Russes en mars.
Comme le gouvernement Zelensky, jusqu’à récemment, les Républicains étaient convaincus de gagner malgré toutes les preuves que c’était impossible.

Trop tard pour une retraite ordonnée

Au cours des deux dernières semaines, l’armée ukrainienne, au lieu de se retirer du Donbass où elle subit d’énormes pertes, a envoyé plusieurs brigades supplémentaires dans le chaudron qui se forme lentement sous l’action des Russes. Une retraite précoce vers la barrière naturelle du Dniepr aurait raccourci leurs lignes de communication avec leurs partisans de l’OTAN aux frontières polonaises et roumaines. Cela n’aurait peut-être pas permis de gagner la guerre, mais cela aurait sans aucun doute sauvé la vie de nombreux soldats ukrainiens et compliqué les plans russes. Il est probablement trop tard aujourd’hui pour une telle retraite ordonnée.
Le verdict final de Beevor sur les Républicains espagnols pourrait être l’épitaphe de l’Ukraine d’aujourd’hui : « Le leader nationaliste espagnol, le général Franco, n’a pas tant gagné la guerre que les commandants républicains, dont les chances de succès étaient déjà très élevées, ont gaspillé le courage et le sacrifice des troupes et l’ont perdue.  »

Une lutte inégale

Les troupes ukrainiennes de première ligne dans le Donbass sont soumises à des tirs d’artillerie et à des attaques aériennes russes écrasants, avec peu d’espoir de secours. Depuis les redditions massives à Marioupol, treize incidents distincts ont été enregistrés sur les médias sociaux ukrainiens, d’unités refusant d’aller au front dans le Donbass, au motif d’une formation, d’un équipement et d’un encadrement inadéquats. Il est fort possible qu’il y en ait eu d’autres. À une occasion, un tel bataillon a refusé que son commandant soit arrêté.
L’effondrement final du camp républicain en Espagne est survenu lorsque des éléments non communistes de l’armée se sont rebellés, ont pris le contrôle et ont abandonné la lutte inégale. Il ne serait pas très surprenant que quelque chose de similaire se produise en Ukraine, avec des éléments plus modérés dans les forces armées demandant la paix et des négociations sérieuses avec la Russie.

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