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Vaccination des enfants : Une décision difficile à trancher ?

Que nous disent les sociétés savantes françaises et la Haute Autorité de Santé ? Nous avons demandé au Dr Jean-Michel Wendling*.

Jean-Michel Wendling
Dr Jean-Michel Wendling (DR)

Les Anglais ont pris un peu d’avance sur le variant Delta. Qu’ont-ils décidé tout récemment ?

Au Royaume-Uni, scruté par les européens, le gouvernement a décidé que les enfants de plus de 12 ans et les adolescents ne seront vaccinés contre la Covid-19 que s’ils sont vulnérables ou s’ils vivent avec une personne immunodéprimée :  des scientifiques ont fait part de leurs inquiétudes concernant les rapports d’inflammation autour du cœur liés aux vaccins Pfizer et Moderna. Sajid Javid, le secrétaire à la Santé, a pris en compte la recommandation des conseillers du Comité mixte sur la vaccination (JCVI) : « Le conseil aujourd’hui ne recommande pas de vacciner les moins de 18 ans sans problèmes de santé sous-jacents pour le moment. Mais le JCVI continuera d’examiner de nouvelles données et recommandera éventuellement la vaccination des moins de 18 ans sans problèmes de santé sous-jacents à une date ultérieure ».

Des scientifiques cependant divisés ?

La décision a divisé les scientifiques : Stephen Griffin, virologue de l’Université de Leeds, a déclaré : « On ne sait pas ce que le JCVI sait » notant que de nombreux pays avaient commencé à vacciner les enfants âgés de 12 ans et plus. « Il semble y avoir un lien avec les vaccins et la myocardite (une inflammation du muscle cardiaque), mais c’est très léger et très rare – mais avec la Covid, il y a un risque de Covid long », a-t-il ajouté… Gabriel Scally, professeur de santé publique à l’Université de Bristol et membre d’Independent Sage, a déclaré que la décision du JCVI n’était « pas logique », notant que le vaccin avait été considéré comme sûr et efficace pour les enfants âgés de 12 ans et plus au Royaume-Uni et était utilisé dans un certain nombre de pays.

Que nous disent les sociétés savantes françaises et la Haute Autorité de Santé ?

La Société Française de Pédiatrie (SFP) et les 14 sociétés savantes affiliées à la SFP ainsi que l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire ont estimé en février 2021 que très peu de données d’efficacité et de tolérance de ces vaccins étaient disponibles chez l’enfant et que cette vaccination n’apparaissait pas comme nécessaire chez l’enfant avant 16 ans en population générale. La Haute autorité de santé estime que la vaccination des adolescents (présentant une comorbidité en priorité) ou au contact d’un proche immunodéprimé est souhaitable et sera à même de diminuer la circulation virale et de leur permettre de retrouver une vie sociale plus normale.

Le Comité Consultatif National d’Ethique a-t-il fourni un avis ?

Au 8 juin, le CCNE a estimé que la vaccination des enfants de moins de 12 ans ne semblait pas éthiquement et scientifiquement acceptable. Chez les adolescents, entre 12 et 16 ans, le bénéfice individuel en lien avec l’infection est très faible en l’absence de comorbidité et ne semble pas suffisant pour justifier, à lui seul, la vaccination. Selon le CCNE, il convient d’accepter cependant de vacciner les adolescents qui le demandent après avoir reçu une information sur les incertitudes liées à la maladie, au vaccin lui-même, ainsi que sur les alternatives de prévention de la maladie.

Que sait-on de la COVID chez les enfants et de sa transmission ?

En premier lieu, le SARS-COV-2 qui circule majoritairement actuellement est le virus delta. Il semble dix fois moins létal selon les données de début juillet de Public Health England (PHE) : environ 0.03% de létalité sur la tranche des moins de 50 ans sans différence significative entre vaccinés (0.035%) et non vaccinés (0.029%). Cependant, les jeunes adultes vaccinés sont moins malades, moins contagieux, consultent moins les services d’urgence et sont moins hospitalisés grâce au vaccin ce qui est essentiel.

Les enfants ne sont en outre que très faiblement impliqués dans la transmission selon une étude très récente sur un échantillon d’enfants de 15 ans d’âge médian. Le taux d’attaque secondaire (SAR) en intra-familial est de 0.5%. Cela veut dire que sur 1000 personnes proches en famille exposées à un enfant positif, seuls 5 de ces proches seront touchés. Ces données sont explicables par le caractère pauci symptomatique ou même asymptomatique des formes de l’enfant, symptômes qui se limitent souvent à un banal rhume. Une méta-analyse prenant en compte 10 études, évalue ce taux d’attaque secondaire à seulement 1% pour les cas index asymptomatiques quel que soit l’âge.

Quelle est l’’efficacité et l’innocuité des vaccins ARNm chez l’enfant ?

Une étude publiée le 15 juillet dans le NEJM montre que le vaccin BNT162b2 chez les jeunes âgés de 12 à 15 ans produisait une réponse immunitaire plus importante que chez les jeunes adultes et était très efficace contre Covid-19 avec une efficacité vaccinale de 100% (étude financée par BioNTech et Pfizer ClinicalTrials.gov NCT04368728). Les participants âgés de 16 à 25 ans avaient une réponse en anticorps équivalente après vaccination.

Et les effets indésirables ?

Dans les deux cohortes d’âge, les vaccinés Pfizer-BNT162b2 ont signalé plus d’événements indésirables légers que le groupe placebo. Sur le suivi, les effets gênants immédiats étaient d’intensité légère à modérée, résolutifs en 1 ou 2 jours : la douleur au site d’injection, des maux de tête et la fatigue, de la fièvre (≥ 38 °C) survenue après la seconde dose chez 20 % (12 à 15 ans) et chez 17 % des 16 à 25 ans, des frissons, des douleurs articulaires et musculaires, des diarrhées et rarement des vomissements.

Sur les effets indésirables considérés sévères, 0,6 % des jeunes âgés de 12 à 15 ans et 1,7 % des patients âgés de 16 à 25 ans étaient concernés sur un suivi à un mois après la seconde dose (tableau S2 des données en annexe de la publication). Un seul accident grave sur 1131 doses a justifié la suspension de la vaccination dans le groupe 12/15 ans.

 Quid de la pharmacovigilance française ?

Les données de pharmacovigilance françaises issues des centres de Bordeaux, Marseille, Toulouse, et Strasbourg sont plus optimistes. Au 1er juillet 2021, un peu moins d’un million de moins de 18 ans ont été primo-vaccinés avec Pfizer. Seuls 78 000 ont eu 2 doses. Le recul est donc limité. Le centre de Rouen a relevé 28 effets secondaires graves ce qui est plutôt très rassurant sur du court terme (0.003% de complications). Les mois qui viennent permettront d’affiner ces chiffres de suivi chez les moins de 18 ans.

Et les effets au long court de la Covid et du vaccin ?

Nous ne disposons bien entendu pas d’éléments de recul sur les effets long terme à 5 ou 10 ans des vaccins ARNm. C’est donc l’inconnue. Mais il en est de même avec le SARS-COV 2 : personne ne peut préjuger précisément des effets long terme de ce virus chez nos enfants et adolescents dans 5, 10 ou 30 ans. On sait en revanche que chez l’adulte et l’adolescent des formes chroniques sont possibles. Pour ces COVID longs, le bureau des statistiques nationales du Royaume-Uni a signalé que la prévalence la plus élevée de COVID long après 12 semaines était chez les personnes âgées de 25 à 34 ans (18,2 %) et la plus faible dans la tranche d’âge de 2 à 11 ans (7,4 %). Dans une série en Italie, 42,6 % des enfants présentaient au moins un symptôme > 60 jours après l’infection. Des symptômes tels que fatigue, douleurs musculaires et articulaires, maux de tête, insomnie, problèmes respiratoires et palpitations étaient particulièrement fréquents. Mais ces études n’ont pas été réalisées sur le variant delta actuel. Une grande enquête britannique portant sur 3000 enfants infectés et 3000 enfants non infectés a été lancée : «The CLoCk Study ».

A-t-on des exemples de virus dont les effets secondaires graves et différés sont prévenus par la vaccination ?

Certains vaccins sont effectivement capables de prévenir certains cancers. Certains virus favorisent des cancers comme le virus de l’hépatite B (VHB) à l’origine de l’hépatocarcinome (cancer du foie). Ainsi, le premier programme mondial de vaccination universelle contre le VHB a été lancé à Taïwan en juillet 1984. Une étude avait prouvé que la prévalence de ce cancer chez les enfants âgés de 6 à 14 ans a été réduite de 75% (RR=0.25–0.36). Les vaccins contre le papillomavirus (HPV) se sont révélés en outre des composants clés de la prévention du cancer du col de l’utérus.  La panencéphalite sclérosante subaiguë (PSS), affection gravissime survenant quelques années après une infection par le virus de la rougeole est aujourd’hui évitée grâce au vaccin antirougeoleux. La vaccination est donc une chance dans des configurations de ce type où le risque long court survient. Seul l’avenir nous donnera des réponses.

Enfin, tous les jours de bonnes nouvelles arrivent avec des potentiels traitements précoces toujours en cours d’évaluation comme le Clofoctol, la vitamine D, la Quercétine ou l’Ivermectine, de nouveaux vaccins également de fabrication plus classique et pour certains dont la voie d’administration pourrait être par voie nasale en spray dès 2022.
Soyons confiants et optimistes pour la rentrée et continuons à vacciner en priorité les adultes, les vulnérables et surtout à bien appliquer les règles d’hygiène notamment le lavage des mains réguliers autour des repas !

*Le Dr Jean-Michel Wendling, spécialiste prévention santé au travail à Strasbourg, est consultant scientifique pour infodujour.fr.

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