Selon la télévision danoise (DR), plusieurs parlementaires et hauts fonctionnaires allemands, français, norvégiens et suédois ont été régulièrement espionnés par l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) avec le concours des services secrets danois, Forsvarets Efterretningstjeneste (FE). Une affaire gravissime.
Par Robert Harneis
La surveillance des dirigeants européens a eu lieu, notamment, entre 2012 et 2014. Les Américains ont espionné en particulier Angela Merkel, ainsi que Peer Steinbruck et Frank-Walter Steinmeier, aujourd’hui président de la République allemande.
La NSA aurait utilisé les câbles sous-marins dans les eaux danoises pour espionner les SMS et les conversations téléphoniques. L’Agence avait notamment accès à la station d’écoute secrète de Sandagergardan, près de Copenhague.
L’enquête a été menée par DR avec l’aide du journal Le Monde, de la SVT suédoise, de la NRK norvégienne, des chaînes allemandes NDR et WDR et du journal Suddeutsche Zeitung.
Les journalistes danois ont eu connaissance d’un rapport d’enquête interne mené par les services secrets danois. Les autorités suédoises, norvégiennes et allemandes ont déclaré qu’elles n’avaient pas été informées de ce rapport par le gouvernement danois. Achevée en 2015, elle a été menée par quatre hackers et un analyste, qui ont examiné la coopération secrète américano-danoise dans le plus grand secret afin de ne pas alerter les États-Unis.
Enjeux stratégiques des câbles sous-marins
Selon la Süddeutsche Zeitung, plusieurs scandales ont récemment secoué les services secrets danois, qui auraient aidé les États-Unis à espionner leur propre gouvernement et leur industrie de la Défense. Cela a conduit à la démission de tous les hauts responsables de ce pays, y compris Thomas Ahrenkiel, qui devait prendre le poste d’ambassadeur en Allemagne.
Les câbles sous-marins par où passent 99% des flux de données représentent un enjeu géopolitique majeur. « La France est le pays le plus connecté de l’Union européenne. Actuellement 23 câbles sous-marins sont reliés au territoire français ».
Informé de cet espionnage, le ministre français des Affaires européennes, Clément Beaune, s’est dit choqué : « Entre alliés, il doit y avoir de la confiance, une coopération minimale, donc ces faits sont graves, ils doivent être vérifiés et ensuite nous devons tirer des conclusions sur notre coopération future ».
La ministre danoise de la Défense, Trine Brämsen, lui emboite le pas : « la mise sur écoute systématique des alliés proches est inacceptable ».
Après l’affaire Snowden en 2013, le président Obama avait affirmé que les États-Unis cesseraient la surveillance de leurs alliés. Il n’est pas possible à ce stade de déterminer si ces dernières interceptions ont eu lieu avant ou après l’engagement du président.
Emmanuel Macron et Angela Merkel ont appelé lundi 31 mai les États-Unis et le Danemark à s’expliquer sur cette sombre affaire. « Ce que nous attendons, c’est la clarté complète, a indiqué le président français. Nous avons demandé à ce que nos partenaires danois et américains apportent toutes les informations sur ces révélations et sur ces faits passés et nous sommes en attente de ces réponses ».
Ces révélations interviennent juste avant la première visite du président américain Joe Biden en Europe pour les sommets du G7, de l’OTAN et de l’UE-USA en juin. Biden était vice-président d’Obama et très actif sur la scène politique européenne.
Fera-t-il amende honorable ? On en doute…