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Thionville : fiasco pour les usagers et pour les salariés de Trans-Fensch

Les remous liés au nouveau plan de transport urbain du Thionvillois, en Moselle, ne sont pas apaisés. Usagers et salariés de la Trans-Fensch, mis devant le fait accompli, dénoncent les errements de l’entreprise. Explications.

Bernard Aubin

Par Bernard Aubin

Nous sommes le premier septembre. A Thionville et dans 34 communes avoisinantes, les usagers des transports en commun sont déboussolés. Les changements d’horaires, l’allégement des dessertes, ils connaissaient déjà. Mais là, ils doivent affronter un bouleversement bien plus profond : toutes les lignes ont été remises à plat, les dessertes et les horaires ont été modifiés, les repères fondés sur plusieurs décennies d’expérience ont disparu. Sur certains itinéraires chargés, un seul bus en remplace parfois trois. Les usagers des derniers arrêts sont sacrifiés, les scolaires peinent à regagner leurs établissements, des destinations ont été « oubliées » tandis que des anciens coupés de toute information attendent leurs bus désepérément…

Grosse colère

Côté usagers, la levée de bouclier est quasi immédiate. Une pétition totalise rapidement plus de 4000 récriminations et recense pas loin de 2000 dysfonctionnements. Les parents d’élèves de la FCPE et le collectif Yussois DEFY haussent le ton. La Trans-Fensch, opérateur qui dessert le réseau de Thionville et de la vallée de la Fensch sous la marque Citéline reçoit sur son site des centaines de protestations. Société Publique Locale depuis 2014, cette entreprise n’avait pas besoin de ça pour voir son destin fragilisé.
En 2017 déjà, l’opérateur se trouvait empêtrée dans des problèmes d’absentéisme et de qualité de service. Un rapport commandité par le Préfecture de la Moselle préconisait la privatisation de l’entreprise via un recours à une Délégation de Service Public. Le Président du Syndicat Mixte des Transports Urbains (SMiTU) de l’époque, récemment aujourd’hui reconduit à son poste, y était défavorable, craignant un plan social. Plus nuancées était la CFDT, favorable à la DSP sous réserve de maintien de l’emploi. Position similaire à l’UNSA qui revendique une véritable clarification des rôles.

Manque de moyens

A ce jour, usagers et salariés ont pour point commun d’avoir été placés devant le fait accompli et de souffrir des mêmes errements. Le nouveau service, ils l’ont pratiquement découvert du jour au lendemain. L’UNSA dénonce les souffrances des salariés. Le syndicat pointe les mauvaises conditions de travail : sous-effectifs entraînant un important surmenage, modifications intempestives de l’emploi du temps, roulements si tendus qu’ils n’intègrent même pas la possibilité de satisfaire des besoins naturels…
« Il y a cinq ans, nous couvrions 4,5 millions de kilomètres. On est tombé à 3,5 millions », témoigne un délégué UNSA qui souhaite démontrer les capacités d’adaptation de l’entreprise aux restrictions imposées par les élus. Le même regrette que pour le SMitU « Trans-Fensch n’est pas un Service Public mais représente un coût ». Il évoque aussi les nouvelles contraintes liées à la Loi NOTRe qui imposent désormais l’utilisation de cars en interurbains. Des véhicules et du personnel qui manquent cruellement à l’entreprise contrainte de sous-traiter une partie de ses prestations.

Les sous-traitants sous-traitent

Toujours selon l’UNSA, les entreprises sous-traitantes sous-traitent parfois à leur tour leurs prestations, si bien que la fiabilité des dessertes en prend un sacré coup. Et lorsque le sous-traitant du sous-traitant ne réalise par le service, des salariés de la Trans-Fensch titulaires du permis de transport en commun sont réquisitionnés en dernière minute pour desservir la ligne : au service du public avant tout ! Malgré le tableau qui en est trop souvent dressé, le professionnalisme de la Trans-Fensch ne semble pas en cause, bien au contraire. 95 % des salariés sont attachés à la société, précise le délégué, qui ajoute que le coût du kilomètre de bus est inférieur à 5 euros.
Du côté des usagers, la riposte s’est organisée. Face à la grogne, le SMiTU a dû faire marche arrière et programmer un retour à l’ancien service dès les vacances de la Toussaint. Une évolution qui fit débat au sein même de l’organisme mais qui resterait provisoire, le temps d’apporter des corrections au nouveau service dont le retour est déjà programmé. Trois changement de service en une année civile, c’est tout à fait inconcevable pour la toute nouvelle association USAG’THIFENSCH et pour DEFY qui n’excluent pas le recours à la mobilisation contre cette décision.

32 km de ligne

Les représentants des usagers ont pris contact avec les présidents des Communautés d’Agglomérations « Portes de France » et « Val de Fensch ». Principaux financeurs des transports urbains, ces derniers sont de fait partie prenante de l’avenir des transports urbains. D’autant plus que « Portes de France » plébiscite particulièrement la réalisation de Citézen, le nouveau transport en commun en site propre qui doit voir le jour en 2026. Le financement de ces 32 kilomètres de lignes est à l’origine des économies drastiques imposées au bus de tous les jours.
A l’avenir, USAG’THIFENSCH souhaiterait adapter l’ancien service aux attentes, en y ajoutant notamment quelques lignes qui ont été récemment créées. De quoi répondre parfaitement aux besoins des usagers… mais avec pour corollaire l’explosion les budgets préétablis.
Les Communautés d’Agglomérations seront-elles prêtes à mettre la main à la poche ? Peut-être en saura-t-on plus si leurs présidents acceptent de recevoir les représentants de l’association des usagers. Dans le cas contraire, les tensions ne manqueront pas d’être exacerbées.
Côté salariés, on devrait peut-être en savoir plus dès ce 14 octobre, lors d’une réunion du Comité Social Économique de l’entreprise. Les appels d’offres lancés dans le cadre de la DSP ont été dépouillés mais les résultats n’ont pas été publiés.
En attendant, les usagers devront prendre patience jusqu’aux prochaines vacances pour retrouver leur service d’antan, et seulement jusqu’en avril. Avec les mêmes fréquences ? Cela, personne ne le sait encore. Pour plus tard, l’opacité est totale.

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