Ce conflit interne à la police aurait pu se régler en quelques heures et à l’amiable. Après 9 ans de procédure, il n’est pas terminé.
Un procès ubuesque. Après neuf longues années de procédure, une dizaine d’audiences, de multiples auditions, de nombreux renvois et même un transport de justice, le tribunal de correctionnel de Paris vient enfin de juger … un simple « outrage ».
A l’origine deux hommes qui, à les entendre à la barre du tribunal, n’entretenaient aucune relation. Deux inconnus. A croire qu’ils ne se sont jamais croisés ni parlé, encore moins disputés. Et pourtant cela fait 9 ans que ces deux-là se livrent une bataille judiciaire sans précédent.
Hautes personnalités
D’un côté celui qui a porté plainte en avril 2011, Frédéric Lillo, chef de groupe au service de protection des hautes personnalités, le SPHP devenu en 2013 le le SDLP[1].
En accord avec sa hiérarchie, et pour préparer un colloque international qui devait se tenir quelques semaines plutôt tard, le commandant Lillo demande à certains membres de son unité de plancher sur le thème des « risques individuels isolés pour la sécurité publique ».
Ce policier de haut rang, un ancien de la DNAT, laisse entendre que ce petit exercice pourrait également être pris en compte dans la procédure de notation et d’avancement. Du coup, plusieurs fonctionnaires refusent tout net et vont se plaindre à leur représentant syndical, Thierry Guillot-Noel.
Celui-ci est membre du bureau régional d’Unité Sgp Police, un syndicat classé plutôt à gauche. Pour défendre ses mandants, comme il l’expliquera la larme à l’œil au tribunal, – « j’ai toute ma vie milité dans le syndicalisme »- il rédige à son tour une note pour le moins salée. Le destinataire n’est autre que Gilles Furigo le grand patron du SPHP. Par la suite, Guillot Noel ira lui-même afficher cette note interne dans le couloir réservée aux syndicats, au siège du SPHP rue de Miromesnil à Paris.
Tract assassin
Les termes de la lettre – que nous avons pu nous procurer – sont peu amènes pour Frédéric Lillo.
« …l’intéressé qui semble n’avoir pas ou peu de connaissances sur le sujet précité demande à ses subordonnés de pallier à ses carences en exigeant pour le 29 avril prochain, délai de rigueur, la rédaction d’une note sur ce thème ; c’est-à-dire de faire le travail à sa place pour ensuite tenter de briller auprès de la hiérarchie. »
Et pour conclure, Thierry Guillot Noel enfonce le clou : « une fois de plus ce document montre l’incompétence de certains fonctionnaires du corps de commandement et je me félicite que ce dernier ne fasse pas partie de mon syndicat ».
La fierté du commandant Lillo en prend un coup. Il digère mal ce tract qu’il considère comme un outrage et un tissu de mensonges. Et puisqu’il n’est pas du genre à se laisser faire, il attaque au motif que ce tract porte gravement atteinte à son honneur et à sa réputation professionnelle.
C’est comme si son autorité de chef avait été abimée. « Je me suis trouvé discrédité. On a parlé de moi comme d’une brêle. Et puis dans cette grande maison, quand on dépose plainte c’est très mal vu. L’évolution de ma carrière s’en est ressentie »
Ce qu’il considère lui-même comme une affaire de Clochemerle lui a couté cher. Elle va prendre 9 années de sa vie jusqu’à ce jugement en correctionnelle.
Le délibéré a été fixé au 30 juin, la veille du départ à la retraite de Thierry Guillot Noel.
Lui aussi voudrait bien tirer un trait sur ce dossier mais Frédéric Lillo a la rancune tenace. Une instruction est en cours suite à sa plainte pour de « fausses déclarations ».
Une incidente dans cette affaire qui n’en finit plus de ne plus finir.
[1] Composé de plus d’un millier de fonctionnaires de police, dirigé par Frédéric Aureal, il assure la protection de ministres du gouvernement français mais aussi celle des chefs d’Etat étrangers en visite dans notre pays.