Jean Louis Vigneresse, Université de Lorraine
Le mois prochain c’est la fête des Mères, et si vous offriez un diamant ? Pour celles et ceux pour qui le prix pourrait être un frein, il vous reste la méthode naturelle. Il faudra simplement compter avec des profondeurs de formation de 250 à 400 km et de 600 à 800 km, par réaction entre des carbonates et du fer dans la croûte océanique.
Il reste à élucider pourquoi ces deux intervalles de formation et surtout à quoi correspond la zone la plus profonde, qui ne représente que quelques pour cent des diamants que l’on rencontre. C’est la question qu’ont essayé de résoudre des chercheurs de University of Michigan dans un en examinant les conditions de température et pression dans le manteau terrestre. Effectivement, il existe une zone de décroissance de production, ou plutôt de vitesse de croissance des diamants entre 400 et 600 km due à des changements de production en fonction de la température et pression.
Des impuretés magnifiques
C’est aussi là qu’interviennent les impuretés qui cristallisent dans la maille du diamant (grenats ou éclogites, des minéraux de haute pression). Le problème est que ces impuretés sont également à l’origine de la destruction des diamants lors de leur remontée rapide à la surface.
Il faut alors se tourner vers les diamantaires et la société De Beers en particulier, qui ont classé les pierres selon les quatre « C » que sont cut (taille), colour (couleur), clarity (pureté) et carat (poids). C’est ce qui fait la qualité, et surtout la valeur d’une pierre. La taille et le poids sont fonction de l’habileté du tailleur et de la forme originale de la pierre. Par contre, sa pureté détermine en partie sa couleur. C’est ainsi que le diamant pur est généralement blanc ou légèrement brunâtre. Cela va même jusqu’au diamants chocolat, à fort taux d’impuretés en nickel, de moindre valeur. Dans les diamants jaunâtres, quelques atomes d’azote remplacent ceux de carbone. Ils sont facilement identifiables par cette abondance en nickel. Les défauts d’empilement des cristaux ou leur irradiation artificielle conduisent à des effets similaires.
Les diamants roses à rouges sont soupçonnés d’avoir subi des pressions inhabituelles durant leur formation et remontée, mais leur origine est encore controversée. Par contre, les diamants bleus possèdent des inclusions de bore qui donne cette couleur. Ce sont souvent des pierres d’origine profonde (à plus de 400 km), d’où leur occurrence en certaines mines uniquement. Et surtout, leur rareté qui en fait le prix. Se pose alors la question de la provenance de ce bore, habituellement rencontré à moindre profondeur. Ce serait du bore incorporé dans des serpentines, des roches vertes, entraînées lors de la subduction de la croûte, comme on en trouve dans les Alpes.
Fabriquez votre propre diamant
On sait, assez facilement recréer les conditions de formation de ces diamants, avec les couleurs au choix, à partir d’appareils à très haute pression et très haute température. De même leur détection est, elle aussi, assez facile, ce qui fait les prix moitié moindres des diamants industriels un critère important.
Donc, ces chercheurs du Michigan ont recréé les conditions de pression-température d’une plaque qui subducte, avec des vitesses d’enfouissement de 1 à 10 cm/an, soit 1–10 μm/h. Et effectivement la vitesse de réaction aboutissant à former un diamant décroît à partir de 16 GPa (en gros 400 km), pour devenir inférieure comparée à l’augmentation de pression liée à l’enfouissement de la plaque.
Cela explique la non-observation de diamants à plus de 400 km. Alors pourquoi une seconde étape de formation à partir de 14 GPa ? Parce que la plaque ne descend pas plus profond. Elle s’accumule vers 650 km et stagne à ces profondeurs (et pressions). Du fait de cette stagnation, les vitesses de réaction permettent à nouveau la croissance des diamants, donnant lieu aux diamants (rares) profonds, originaires de 600-800 km. Il suffisait d’attendre ; c’est le drame des nouveaux riches.
Alors, est ce que valait la peine d’acheter la mine Premier (anciennement Cullinan), à une quarantaine de km à l’est de Prétoria ? Cette mine a fourni, non seulement les célèbres diamants bleus, mais plus du quart des diamants connus de plus de 400 carats (80 g). Le Cullinan 1, une fois taillé, avec ses 76 facettes, au lieu des 58 habituelles, fait tout de même 530,20 carats (106 g tout de même). Il est vrai que pour celles qui recherchent la perte de poids, mieux vaut se peser sans les bagues.
À part cette fonction ornementale, les diamants sont les témoins directs des profondeurs de la terre. Les inclusions, soit de minéral, soit de fluide, sont importantes pour ce qui concerne le fonctionnement du manteau. Tout d’abord ces inclusions peuvent être synchrones de la genèse des diamants, mais pas forcément du même âge. Ces informations sont naturellement importantes pour les pierres les plus profondes. Une catégorie spécifique se nomme CLIPPIR (pauvres en inclusions, purs, de forme irrégulière et résorbés).
Comme le nom l’indique (peu), ils sont originaires de la mine de Cullinan, dans le Lesotho. Les inclusions contiennent du fer, nickel, carbone et soufre, ainsi que des films de méthane et d’hydrogène. Surtout, certaines, encore plus rares contiennent un minéral appelé perovskite (CaSiO3), minéral que l’on recherche, mais que l’on a rarement vu dans des conditions naturelles. Cela indiquerait un recyclage de la croûte jusque dans le manteau inférieur. Ces inclusions informent également sur l’état de l’atmosphère primitive de la Terre par leur composition isotopique. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer de l’utilité des diamants et de plus ils sont éternels.
Jean Louis Vigneresse, Géophysicien, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.