Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) tire la sonnette d’alarme : les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes atteignent 4,3 milliards d’euros en 2024, avec une accélération spectaculaire depuis 2019 (+5% par an en valeur réelle). Un phénomène qui s’aggrave d’année en année et qui commence à peser lourdement sur le portefeuille des patients.

Une tendance lourde et irréversible
Cette explosion s’explique par deux phénomènes concomitants. D’abord, la proportion de spécialistes en secteur 2 (où les dépassements sont autorisés) a explosé : 56% en 2024 contre 37% en 2000. Parmi les jeunes médecins qui s’installent, trois quarts choisissent désormais le secteur 2. Ensuite, depuis 2020, les taux de dépassements eux-mêmes augmentent, inversant une tendance positive des années 2010.
Des écarts vertigineux entre praticiens
Au-delà des chiffres globaux, le rapport révèle une réalité troublante : l’existence de disparités considérables au sein de chaque spécialité. Parmi les chirurgiens en secteur 2, le dépassement moyen s’élève à 58% du tarif de Sécurité sociale, mais les 10% les plus agressifs facturent 184% de majoration — autrement dit, le patient paie presque trois fois le tarif officiel. Ces praticiens appliquent des taux élevés en fonction de leur âge, du niveau de vie de leur région et de la rareté des médecins du secteur 1 à proximité.
Les patients payent la note
Les conséquences pour les assurés sont directes et massives. Pour une simple pose de prothèse de hanche, près de la moitié des patients subissent des dépassements moyens de 630 euros, dépassant 1 000 euros dans 10% des cas. En considérant l’ensemble des soins liés à cette intervention, 80% des patients font face à un dépassement, portant la facture supplémentaire à 700 euros en moyenne.
Les complémentaires santé ne remboursent que 40% de ces surcoûts. Les plus modestes, couverts par la complémentaire santé solidaire, sont théoriquement protégés, mais beaucoup ignorent leurs droits. Pour les autres, la prise en charge reste aléatoire et rarement intégrale.
Des inégalités territoriales et générationnelles
L’exposition aux dépassements creuse les inégalités. À Paris, les patients paient quatre fois plus de dépassements qu’à la moyenne nationale. Les seniors de 70 à 79 ans déboursent deux fois plus que les trentenaires. Le système agit aussi comme un mécanisme qui encourage l’installation des spécialistes dans les grandes métropoles aisées, aggravant les déserts médicaux dans les zones moins favorisées.
Une incompréhension généralisée
Trois quarts des Français jugent ces dépassements injustifiés, témoignant d’une perte de confiance envers un système perçu comme opaque et imprévisible. Le HCAAM poursuit ses travaux pour proposer des réformes face à cette dérive croissante.