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Le souffle de la « Nouvelle Vague »

Richard Linklater réinvente avec charme et humour un Godard tournant son premier film, « A bout de souffle ». « C’est une déclaration d’amour au cinéma français, un film sur une expérience créative », estimait l’actrice Zoey Deutch avant sa présentation au Festival de Deauville.

Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin, incarnent Jean-Luc Godard, Jean Seberg, et Jean-Paul Belmondo.

Retrouver Godard, Belmondo, Seberg, dans un film d’aujourd’hui : « Nouvelle Vague » (sortie le 8 octobre), une production française, réalisée par un cinéaste américain, Richard Linklater, consacrée à un mouvement du cinéma français. Des films sur le cinéma il n’en manque pas, celui-ci est un film sur un film, et pas n’importe lequel, « A bout de souffle » de Jean-Luc Godard, un film en train de se faire, de se fabriquer, par une bande très à part.

« C’est une déclaration d’amour au cinéma français, un film sur une expérience créative », confiait l’actrice Zoey Deutch, avant la projection au Festival du cinéma américain de Deauville, où elle a reçu des mains du « legendary » Claude Lelouch un Hollywood rising-star award. « J’ai beaucoup flirté avec la Nouvelle Vague sans jamais l’épouser », disait le cinéaste français, racontant que lorsqu’il était jeune projectionniste il a projeté « A bout de souffle » pour la première fois à Godard, Belmondo et Seberg.

« Recréer l’époque, les gens, l’ambiance »

L’actrice Zoey Deutch (qui incarne Jean Seberg) a reçu un Hollywood rising-star award au Festival du cinéma américain de Deauville.

C’est justement Jean Seberg qu’incarne la jolie Zoey Deutch (vue récemment dans « Juré n°2 » de Clint Eastwood), que Richard Linklater avait déjà dirigé dans « Everybody wants some ! ». En blonde aux cheveux courts, la brunette est d’une incroyable ressemblance avec la star des années 60, vendant le New York Herald Tribune sur les Champs-Elysées, le jeune Jean-Paul Belmondo dans ses pas. Présenté en compétition au Festival de Cannes, « Nouvelle Vague » évoque ainsi les hésitations de Jean Seberg à faire ce film qui ne ressemble à rien de connu (elle aurait préférer tourner avec Truffaut ou Chabrol) et qui envisage de quitter ce tournage vraiment pas comme les autres.

C’est « dans le style et l’esprit de Godard » que le cinéaste américain (« Boyhood », « Before Sunrise », « Hit Man »…) raconte les péripéties de cette aventure cinématographique, l’ardeur d’un jeune critique qui réalisait alors son tout premier film dans les rues de Paris en 1959, inventant en tournant une nouvelle manière de faire du cinéma. Dans une talentueuse reconstitution, décors, costumes, voitures… Linklater « recrée l’époque, les gens, l’ambiance », fait défiler une galerie de portraits de célébrités d’alors, Juliette Gréco, Jean Cocteau, Jean-Pierre Melville (incarné par Tom Novembre)… un vrai générique du cinéma français de l’époque, à commencer par la rédaction des Cahiers du Cinéma, Truffaut, Chabrol, Rivette, Rohmer, Bresson…  Godard était le dernier de la bande à faire « son » film : « Soit tu le fais soit tu te tais ».

« Tourmenté, fragile et arrogant »

Un bel hommage d’un cinéaste américain à cette fameuse « Nouvelle Vague » française.

Mais enfin sur son plateau, il ne se tait jamais « ce metteur en scène insolent, tourmenté, fragile et arrogant », qui pioche dans son petit carnet où il a noté tous ses préceptes sur le cinéma, et enchaîne petites phrases, citations et formules choc. Cigarette, cravate, lunettes noires, et phrasé godardien dans la voix, c’est le jeune inconnu Guillaume Marbeck qui incarne avec talent le réalisateur, tout comme un autre inconnu, Aubry Dullin, « est » Belmondo dont il a le sourire, un acteur joyeux mais pas sûr que ce film ne sorte un jour.

« Moteur, Raoul ! », lance Godard au chef-opérateur Raoul Coutard (joué par Matthieu Penchinat) qui deviendra un « grand » du métier. Enfin, ça c’est les jours où ça tourne car, au grand désespoir des producteurs, il y a aussi des jours où l’équipe ne tourne rien : à court d’idées, le réalisateur gribouille au jour le jour son scénario dans des cafés parisiens. C’est une réinvention permanente du cinéma que raconte Richard Linklater, par un cinéaste en devenir mais qui manque alors d’expérience ; inconscient, insouciant, ce Godard improvise, envoie balader les règles du cinéma, réclame « de l’instantané et de l’inattendu ».

Reprenant l’esthétique de l’époque, format carré, image en noir-et-blanc, « Nouvelle Vague » est un bel hommage, mais c’est assurément un film bien plus « fabriqué », avec une longue préparation, un long casting, des répétitions dans les décors, sur les lieux de tournage, un scénario adapté par la cinéaste française Laetitia Masson. S’inspirant du souffle de la Nouvelle Vague, c’est un film passionnant, drôle et qui a du charme, car ainsi que le disait Belmondo : « L’essentiel, c’est de s’amuser ».

Patrick TARDIT

« Nouvelle Vague », un film de Richard Linklater, avec Zoey Deutch, Guillaume Marbeck, Aubry Dullin (sortie le 8 octobre).

Lors de la présentation du film au Festival de Deauville, avec (au centre) les comédiens Guillaume Marbeck et Zoey Deutch.
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