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Accueillir les utiles, c’est renier nos valeurs humanistes !

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’État au Budget trouve choquant que le gouvernement envisage de créer une carte de séjour pour attirer les professionnels de santé étrangers.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Par Christian Eckert

J’ai été élu député en 2007 et ai été – comme beaucoup de nouveaux – désigné comme membre de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée. Roselyne Bachelot est en 2009 Ministre de la Santé (et… des Sports !). Elle défend une loi connue sous l’acronyme HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoires).

Du libéral payé par le public

Au groupe socialiste (minoritaire, mais nombreux à l’époque), nous sommes alors divisés sur un point : beaucoup de députés (le plus souvent des circonscriptions rurales) pointent la rareté de l’offre médicale, tant en médecine hospitalière qu’en médecine de ville. Ils souhaitent utiliser cette loi pour contraindre les soignants à officier dans les zones sous-dotées en pénalisant financièrement leur installation dans les territoires déjà bien garnis. D’autres (souvent issus des milieux médicaux) plaident pour s’en tenir à encourager (par la rémunération) l’offre de soins là où elle est défaillante. L’argument massivement utilisé étant le caractère « libéral » de professions pourtant essentiellement payées par de l’argent public !

Victimes du  »numérus clausus »

Avant d’être parlementaire, j’avais enseigné les mathématiques dans les terminales scientifiques de mon lycée et avait très souvent vu quantité de lycéens sérieux et même parfois brillants, désireux de faire des carrières médicales, échouer aux concours de fin de première année, victimes du tristement connu « numerus clausus ». Curieux pays, manquant de soignants et rejetant des formations des étudiants volontaires et à l’évidence capables.

J’étais donc naturellement dans le camp des « durs » prêts à déconventionner les débutants refusant d’officier dans les déserts médicaux, au moins pour un temps.

Le soir du débat, j’étais un des seuls députés présents dans l’hémicycle n’appartenant pas à la filière soignante ! On m’a dissuadé de m’exprimer, et j’ai fini par laisser ces gens-là « entre eux ». Parmi les inepties entendues, je me souviens de l’argument consistant à dire que les décisions prises alors n’auraient de toute façon pas d’effet avant plus de 10 ans !

Si je reparle de cela aujourd’hui, c’est à la lecture d’un article du journal Le Monde dont le début est reproduit ci-dessous :

Le Monde (extrait)

Conditionner un titre de séjour à la rentabilité de l’impétrant pour le pays d’accueil est une idée dont l’éthique heurte mon humanisme : accueillir les grands et forts avant les petits et faibles, les gros Q.I. avant les gens ordinaires, les prêts à l’emploi avant les bruts de décoffrages… Pourquoi pas les beaux avant les moches, les blancs avant les noirs, les cathos avant les laïcs ?

Partager la clientèle et les honoraires

S’il est vrai que notre pays ne peut accueillir toute la misère du monde, les critères ne peuvent que donner priorité aux persécutés, quelle qu’en soit la raison, ou à celles et ceux qui ne peuvent plus vivre sur place faute de nourriture ou à cause de cataclysmes naturels.

De plus, pour en revenir au sujet de l’article, le déficit de soignants pointé en 2009 aurait pu commencer à être endigué en 2022 si la loi avait alors fait sauter les contraintes imposées aux formations, soutenues par certains des acteurs, craignant surtout de devoir un jour partager la clientèle et les honoraires.

Le Gouvernement de la France, Pays des Lumières, envisage d’autoriser l’accueil des étrangers en fonction de leur capacité à boucher les « trous » que nous aurions pu éviter. Les autres peuvent rester mourir chez eux ! Que sommes-nous devenus ?

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