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Macron a-t-il intérêt à dissoudre l’Assemblée nationale ?

Hémicycle de l'Assemblée nationale
Hémicycle de l’Assemblée nationale

Certainement. Car une cohabitation serait l’occasion pour lui de sortir du bourbier dans lequel la France s’enlise peu à peu. En laissant les oppositions de droite et de gauche prendre leur part du fardeau.

Faisons un peu de politique fiction. Une dissolution de l’Assemblée nationale moins d’un an après les élections législatives du printemps 2022, on en parle de plus en plus. Dangereux pour la majorité ? Certainement. Stupide ? Pas tant que ça. Le Président de la République l’aurait évoquée lui-même le 29 septembre dernier lors d’un dîner à l’Elysée sur la réforme des retraites, en présence des leaders de la majorité. Il aurait dit, en substance, « s’il y a une motion de censure, dans la minute, il y aura une dissolution ».

Un trop-plein de démocratie

La classe politique n’y a pas cru. D’abord parce que les députés élus en juin ne sont pas certains de retrouver leur siège. Ensuite, parce que les Français n’ont pas envie de retourner aux urnes après les deux tours des municipales de mars et juin 2020, écartelés par l’épidémie de Covid, après la présidentielle d’avril 2022, suivies des législatives des 12 et 19 juin 2022. Il y aurait comme un trop-plein de démocratie.

Et pourtant, l’idée de la dissolution fait son chemin. C’est ce que croit savoir le Journal du Dimanche en précisant que le sujet a été abordé le 3 novembre 2022 au bureau exécutif du parti macroniste. « Le parti est préparé à toute éventualité, a affirmé Stéphane Séjourné, nouveau chef du parti Renaissance. « Un protocole de dissolution » a même été établi. Tout est prêt.
Info confirmée par le ministre du Travail, Olivier Dussopt sur la chaîne de télé LCI : « Si les oppositions se coalisaient pour adopter une motion de censure et faire tomber le gouvernement, [le Président] s’en remettrait aux Français. »
Et pour faire bon poids, la Première ministre Elisabeth Borne précise dans une interview donnée le 30 octobre à un journal portugais « S’il y a une alliance pour faire tomber le gouvernement (…) revenir aux urnes peut être un chemin ».

Une dissolution, quel intérêt ?

Compte tenu des résultats des élections présidentielles et législatives, le Président de la République et sa majorité (relative) n’ont pas intérêt, à première vue, à retourner devant les électeurs. Ils pourraient prendre une belle veste.

Rappelons que Macron a été réélu Président de la République le 24 avril 2022 avec 18 768 639 voix (chiffres définitifs) soit 58,55% des suffrages exprimés qui l’ont placé largement en tête de l’élection présidentielle. Mais ce score flatteur retombe à 38,52% rapporté à l’ensemble du corps électoral.
Pire : entre 2017 et 2022, Macron a perdu 1.974.489 voix ! Ce n’est pas le triomphe que l’on voudrait nous faire croire.

Une cohabitation demandée par les Français

Dans le même temps, Marine Le Pen totalise 13.288 686 voix (27,28% des inscrits) et gagne 2.650.211 voix en cinq ans ! La dynamique électorale lui est donc favorable.
Les chiffres attestent du rejet du président réélu et de sa politique menée pendant son quinquennat. C’est si vrai qu’un sondage OpinionWay pour Cnews révèle « qu’une personne sur trois ayant voté Macron au second tour souhaite qu’il ne dispose pas de la majorité à l’Assemblée nationale ». Et 63% des Français inscrits sur les listes électorales veulent une cohabitation avec la nomination d’un Premier ministre issue d’un parti d’opposition.
Autrement dit, de nombreux électeurs ont voté Macron pour faire barrage à Marine Le Pen, mais ils ne souhaitent pas que Macron gouverne. Voilà la France écartelée, fracturée, divisée plus que jamais.

Présidentielle : La France polytraumatisée

Les législatives : Macron affaibli

Puis, il y a eu les législatives. Elles ont confirmé le rejet d’Emmanuel Macron par les Français. Le président a perdu la majorité absolue. Le nouveau parti macroniste, Renaissance, ne totalise que 170 députés (dont 4 apparentés) le Rassemblement National 89 députés (dont un apparenté), la France Insoumise avec la Nupes 75 députés, les Républicains 62 députés… Les différents partis favorables au président de la République ne totalisant que 254 sièges sur 577, ils n’ont qu’une majorité relative.
Cette instabilité politique empêche le Président de la République de mener les réformes qu’il a annoncées pendant la campagne et, notamment, celle de la réforme des retraites. D’où son courroux.

Une nouvelle cohabitation ?

Mais de nouvelles élections législatives ne seraient pas favorables aux partis macronistes. Le Président le sait bien. Les problèmes économiques et sociaux liés à l’explosion de l’inflation, l’augmentation insensée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires seraient fatales aux élus proches du pouvoir. Et profiteraient d’abord au Rassemblement national, ensuite à la France insoumise.

C’est ici, sans doute, qu’Emmanuel Macron joue une nouvelle carte, celle de la cohabitation. Comme ce fut le cas à plusieurs reprises sous la 5ᵉ République, avec Mitterrand et Chirac.
La France étant dans une situation économique et sociale catastrophique, pourquoi ne pas faire porter une partie du fardeau à l’opposition ? Celle de droite ou celle de gauche, peu importe. Ainsi, la responsabilité politique des échecs à venir dans les prochains mois serait largement partagée.
Fiction ? Peut-être. Mais qui peut dire que Macron n’y a pas pensé?

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