Point-de-vue. « Une campagne électorale doit être un temps de débat, explique Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au budget. Il doit porter plus sur les idées que sur les postures, les présupposés, voire les stratégies. » En fin d’article la liste de tous les candidats de Meurthe-et-Moselle.
Par Christian Eckert
On doit pouvoir, sans violence inutile, sans procès d’intention infondé, analyser les projets des uns et des autres. On doit aussi examiner leurs engagements, sans certitude qu’ils seront tenus, mais en évaluant autant que possible leur faisabilité.
Ayant eu un long parcours politique et exercé différentes fonctions exécutives, ayant souvent été candidat à des élections, il n’est pas extraordinaire que je donne ici mes réflexions sur le scrutin législatif de ce mois de juin.
Trois blocs politiques
Depuis le dernier scrutin présidentiel, beaucoup s’accordent à dire que trois blocs composent les forces politiques en présence :
- Celui de l’extrême droite, autour du Rassemblement National et de ses satellites. Son programme ne peut trouver grâce à mes yeux compte tenu de ses relents racistes et de ses principes d’exclusion. L’humanisme que je m’efforce de pratiquer m’interdit toute considération pour les idées d’extrême droite. Inutile d’en dire plus ici.
- Celui du Président Macron, qui a drainé des femmes et des hommes venus de partout, souvent par opportunisme, parfois en croyant trouver là une nouvelle forme de pratique politique. Ayant connu et observé Emmanuel Macron, j’ai vite compris le danger qu’il représentait. Avant bien d’autres, j’ai dit et écrit mes profonds désaccords avec lui et ses objectifs. J’ai sans relâche dénoncé sa politique. Je me dois d’accepter les reproches, mais ne peux pas être accusé de complaisance avec le macronisme. Il veut privatiser la Sécurité Sociale, affaiblir l’État, enterrer les solidarités, aménager la fiscalité pour les riches, oublier les territoires, provoquer par des propos indignes, décider seul…
- Celui de la Gauche devenue NUPES dominé par LFI et Jean-Luc Mélenchon. Des accords (différents !) ont été signés entre plusieurs partis (LFI, EELV, PS…). Mais un programme a été élaboré. Je l’ai entièrement examiné et ai fait plusieurs constats.
Les positions de chacun
1-La présentation est intéressante : sur chacune des grandes thématiques, des propositions sont faites. Puis, à la fin de chaque chapitre, certains points (finalement assez peu nombreux) sont déclarés comme devant « être mis à la sagesse de l’Assemblée ».
Le texte précise les positions de chacun des membres de NUPES. Par exemple, il est écrit que : « La France insoumise proposera le retrait immédiat de la France du commandement intégré de l’OTAN ». Il est aussi précisé que : « Le Parti socialiste sera favorable au maintien de la France dans l’OTAN ».
D’autres exemples existent sur les retraites, le nucléaire, la fiscalité… Ce choix de pointer les différences en marge des engagements communs est assez clair et intelligent. La rapidité de l’élaboration du programme comme la complexité des sujets a conduit à cette présentation honnête et respectueuse des signataires comme des électeurs. Couplée avec un renforcement nécessaire du rôle du Parlement, cette méthode ne garantit certes pas une gouvernance fluide, mais cela ne l’empêche pas non plus.
Des objectifs dithyrambiques
2- La lecture des engagements donne une impression de flou et fait l’impasse les nombreuses difficultés d’application. Des phrases généreuses : « En finir avec la flexibilisation, l’annualisation contrainte, l’intensification et les horaires fractionnés. » ou encore « Créer au moins un million d’emplois grâce à l’investissement dans la bifurcation écologique et sociale » comme « Soutenir le tissu associatif local en maintenant les subventions, en généralisant les conventions pluriannuelles et en sortant de la logique des appels à projets » … De quoi avoir l’assentiment général dans une absence complète de description des outils, des moyens et des calendriers. Il est incontestable que les objectifs dithyrambiques énoncés dans des termes simplistes ne sont pas seulement dépendants d’un vote. Politiquement comme juridiquement, administrativement comme constitutionnellement, les difficultés seront nombreuses et des déceptions sont à craindre. C’est vrai sur l’Europe, l’énergie, la laïcité…
Aucun chiffrage
3- Mais la réserve principale ne vient pas de ce qui pourrait apparaitre comme une absence de volonté. J’ai en vain cherché (certains diront que c’est une regrettable séquelle de trois années passées à Bercy) un tableau récapitulatif montrant l’équilibre (ou quantifiant le déséquilibre) des mesures proposées. Aucun chiffrage n’est fait. Ni en dépenses, ni en recettes. On peut toujours dire que la politique comptable est à proscrire, que l’argent existe et qu’il suffit de traverser la route pour le trouver. Conduire une politique, c’est aussi gérer ses finances. Dans une famille, dans une entreprise, dans une association, dans une commune comme dans notre pays, nous avons tous rêvé de l’idéal et avons tous dû choisir des priorités.
La retraite à 60 ans pour tous, l’eau et l’électricité en partie gratuite, une TVA réduite à 0 pour l’indispensable, la cantine bio et gratuite, des millions d’emplois aidés, des prix bloqués… Qui peut être contre ? Mais le financement de ces mesures, dont la première dépasse à elle seule sûrement les 30 milliards par an, n’est aucunement précisé, sauf en évoquant une hausse des cotisations sociales.
Les foyers modestes
La France est déjà endettée lourdement après les mesures fiscales de type suppression de l’ISF, la crise sanitaire et son « quoi qu’il en coûte » sans compter les conséquences du conflit ukrainien. Le financement des mesures programmées par la NUPES ne pourra se faire qu’en s’endettant encore plus ou en comptant sur une inflation qui entame déjà gravement le pouvoir d’achat et touche en premier les foyers modestes.
J’ai été, suis encore et serai clairement un adversaire du Président Macron et de ses complices. Pour autant, même si je souhaite de profondes réformes pour plus de justice fiscale et sociale, moins d’inégalités et plus de solidarités en France (et dans cette Europe mal ficelée…), même si la protection de l’environnement ne peut être négligée au profit des profits de certains, je ne me résoudrais pas à entrainer des millions de Français dans l’idée que l’on peut subitement accéder à une société qui coche toutes les cases d’un programme idéal, voire idéaliste, construit sans financement responsable.
Un homme de gauche
Le Parti Socialiste a sans doute trop cédé aux injonctions concernant la réduction des dépenses publiques. J’y ai aussi pris ma part et en ai tiré les conclusions. Plus que la loi travail et le projet de déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs de crimes terroristes, c’est à coup sûr la raison principale du désaveu des Français à son égard. Mais l’excès inverse est au moins aussi dangereux, pour la stabilité de nos finances. Les charges glissées sous le tapis et reportées sur les générations futures ne sont pas une pratique acceptable. Indépendamment des questions de susceptibilité, de suprématie et d’égos qu’il faut savoir dépasser, je fais donc le choix de soutenir dès le premier tour la candidature De Francis Herbays, un homme de gauche connu pour sa bienveillance active, sa disponibilité pour les projets du Pays-Haut et son engagement sans faille au service des autres dans la 3° circonscription de Meurthe-et-Moselle.
Tous les candidats aux législatives 2022 en Meurthe-et-Moselle