Un comité de défense composé de professionnels du patrimoine, de l’architecture, d’historiens de l’art et d’artistes s’oppose vigoureusement à la démolition de l’ancien magasin de fleurs Christophe, avenue du général Leclerc à Nancy. Mardi 16 août à 7 h 30, ils feront face aux pelleteuses.
« C’est dans l’urgence et avec l’énergie du désespoir que nous avons lancé cette opération visant à sauver l’ancien magasin de fleurs Christophe, explique Catherine Coley, directrice de l’association Archives Modernes de l’Architecture Lorraine (AMAL). Un comité d’accueil sera sur place, mardi 16 août, à l’heure où les pelleteuses entreront en action. On ne peut pas laisser faire. Il faut que la démolition soit stoppée, le bâtiment sécurisé. On se donne quelques mois pour lui trouver une nouvelle affectation. »
Le bâtiment en question, situé 179 avenue du Général Leclerc à Nancy est « un édifice remarquable » selon l’expression de Gilles Marseille, maître de conférences à l’Université de Lorraine, docteur en histoire de l’architecture du 20ème siècle. Dans une « notice sur l’ancien magasin de fleurs Christophe », Gilles Marseille rappelle que l’édifice a été « dessiné en 1968 par l’architecte Maurice Baier en collaboration avec Francis Poydenot . »
Autour d’un vide central
Maurice Baier qui « appartient à la génération sacrée de l’architecture moderne à Nancy et en Lorraine » est l’un « des héritiers directs des pionniers que furent Le Corbusier et Jean prouvé » précise le spécialiste de l’architecture. « Le bâtiment de l’avenue du Général Leclerc est sans doute sa réalisation majeure. »
L’édifice a été commandé par le fleuriste Christophe. Il souhaitait que son magasin de fleurs soit à la fois un magasin de vente, un lieu d’exposition et une serre. L’architecte l’a donc dessiné en forme de courbe qui donne un cachet exceptionnel à l’ensemble.
« Mais surtout, cette réalisation est exceptionnelle en Lorraine par sa conception intérieure fondée sur une rampe courbe s’enroulant autour d’un vide central pour relier les deux niveaux du commerce » ajoute Gilles Marseille. « Ce dispositif spatial est extrêmement rare. »
En outre, l’ancien magasin de fleurs est situé face au projet universitaire ARTEM, fondé sur la création. On comprendrait mal « qu’on laisse détruire un témoignage de l’inventivité artistique nancéienne ».
« Une faute majeure »
Aujourd’hui, le bâtiment a été racheté par Batigère Nord-Est qui finalise la construction de la résidence Padoue et ses 72 logements. Dessinée par Jean-Luc et Eric André, la résidence « a été conçue en tenant compte de la présence de l’édifice de Maurice Baier ». Mais, faute de repreneur, l’ancien magasin de fleurs est destiné à la démolition. Un permis de démolir a été signé le 26 mai dernier.
« Tout le monde était persuadé que cet immeuble ne courait aucun danger, avoue Catherine Coley. Voilà pourquoi nous n’avons pas réagi rapidement. » C’est en effet début août que des architectes nancéiens ont compris que le bâtiment allait être démoli. Aussitôt, un comité de défense s’est constitué. Un courrier a été adressé le 11 août 2016 au maire de Nancy, Laurent Hénart et à l’adjointe au Patrimoine, François Hervé qui, curieusement, n’a pas réagi à cette destruction programmée.
« Détruire ce bâtiment serait une faute majeure » écrivent les signataires de la lette : Jo Abram, Henri Claude, Catherine Coley, Denis Granjean, Gilles Marseille, Jean-Marie Simon et André Vaxelaire. Ils proposent que l’ancien magasin de fleurs puisse accueillir un laboratoire de recherche ou une start-up « dans un prolongement des activités d’ARTEM ». Ils ont pris contact dans cette optique avec l’architecte-urbaniste chargé du site d’Artem, Nicolas Michelin.
« Nous vous demandons instamment de faire cesser cette démolition » écrivent encore les signataires de la lettre en précisant que leur comité de soutien regroupe « femmes et hommes de Culture, architectes, historiens de l’art, artistes, professeurs et chercheurs impliqués dans différents organismes et associations culturelles représentatives. »
Marcel GAY