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Entendre la rue, ce n’est pas renoncer…

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert, annonce des augmentations de taxes sur les carburants au 1er janvier 2019. Et cela déplaît….

Par Christian Eckert

 

tweet de Christian Eckert

D’après eux, je mettrais de l’huile sur le feu et oublierais mes responsabilités. Cela mérite quelques réponses.
Disons tout d’abord que ces propos relatent des faits avérés, et que Monsieur de Rugy n’a pas semblé dévier de ce projet. Ce matin même, la presse indique que l’Elysée envisage de créer un Haut-Conseil, mais pas de revenir sur les hausses de taxes.
On me fait remarquer aussi que la taxe carbone (ou Contribution Climat Énergie) a été créée par le Gouvernement de Jean Marc Ayrault en 2014, et que je suis entré au Gouvernement juste à ce moment. C’est vrai… Avoir créé une taxe carbone est une bonne chose et je suis prêt y compris à le revendiquer. Mais cela ne m’enlève pas le droit, cela me donne même le devoir, de commenter, critiquer ou contester ce que la majorité actuelle en fait !

A ce propos, les choses sont assez simples, mais nécessitent un peu d’archéologie législative :
Après sa création dans la loi de finances initiale 2014, cette taxe a vu sa trajectoire pluriannuelle fixée dans la loi de transition énergétique du 17 aout 2015. Secrétaire d’État en charge du Budget à l’époque, je n’étais pas favorable à fixer cette progression dans un texte législatif qui n’était pas une loi de finances. J’avais de plus, conscience des évolutions imprévisibles des autres composantes du prix des carburants (prix du brut) et conscience du ras le bol fiscal que nous avions du mal à contenir… Je n’ai pas été entendu, essentiellement par les députés de la majorité de l’époque, verts en tête.
Il faut aussi savoir que, même si une loi fixe le prix du carbone pour plusieurs années, seule la loi de finances, tous les ans, a compétence pour fixer le niveau des taxes. Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut évidemment le défaire…
Ce que le clan des macroniens oublie de dire, c’est que la loi de finances initiale pour 2018, portée par Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, votée fin 2017 par les fraichement élus députés « playmobils », a substantiellement durci la trajectoire de la taxe carbone, comme le montre le graphique reproduit ici :

Evolution de la contribution climat (graphique Christian Eckert)
Evolution de la contribution climat (graphique Christian Eckert)

On voit bien l’effet des décisions de la nouvelle majorité (en bleu clair). On sait aussi que la suppression de l’ISF, la mise en place de la flat-tax pour les dividendes et les revenus du capital, agrémentées de quelques autres cadeaux fiscaux pour les gros revenus, ont nécessité des nouvelles recettes pour les remplacer. L’acceptabilité des efforts exige pour le moins une juste répartition !
Faire converger le prix du gazole et celui de l’essence, j’y étais, y suis et y serai favorable… Mais pourquoi commencer par augmenter les taxes sur l’essence ?
Agir pour l’environnement est un objectif partagé. Mais le rythme et la méthode sont à débattre. Le sujet est complexe, a des aspects scientifiques, financiers, sociaux, sociétaux… Mais il me semble que le débat devrait précéder les décisions et qu’en la matière, les certitudes sont prétentieuses.
Pour avoir une chance de se réconcilier avec le peuple, Macron devrait repousser au moins d’un semestre la hausse des taxes prévue début 2019. Il peut le faire rapidement au Parlement et trouver le milliard « perdu » pour ne pas compromettre la trajectoire budgétaire. Il peut alors envisager six mois de débat et refaire une loi de finances pour que les inégalités criantes qu’il a exacerbées et amplifiées depuis son arrivée soient contenues. Sinon, je crains le pire, pour lui et notre vie démocratique.

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